Dossier Cet article est issu du dossier «Séisme tragique au Maroc le 8 septembre 2023» Voir tout le sommaire

Reportage. La double peine des douars excentrés de la vallée de Tifnout

Accrochés en flanc de montagne, les villages le long de la vallée de Tifnout ne sont pas tous logés à la même enseigne. Ceux qui sont mieux connectés au circuit touristique profitent davantage de l’afflux des aides. D’autres, plus excentrés, perpétuent un mode de vie ancestral et se retrouvent affectés par le séisme et ses conséquences à terme. Reportage.

(C) GWE pour Médias24

Reportage. La double peine des douars excentrés de la vallée de Tifnout

Le 22 septembre 2023 à 16h57

Modifié 23 septembre 2023 à 9h05

Accrochés en flanc de montagne, les villages le long de la vallée de Tifnout ne sont pas tous logés à la même enseigne. Ceux qui sont mieux connectés au circuit touristique profitent davantage de l’afflux des aides. D’autres, plus excentrés, perpétuent un mode de vie ancestral et se retrouvent affectés par le séisme et ses conséquences à terme. Reportage.

Le long de la vallée de Tifnout, une route sinueuse part de la nationale 10, pas loin d'Aoulouz, dans la province de Taroudant, direction jbel Toubkal. Très vite, on tombe sur le chantier du rehaussement du barrage Mokhtar Soussi, qui n’a pas été affecté par les séquelles du séisme. Les travaux bien avancés laissent entrevoir un ouvrage quasiment achevé.

Le chantier du barrage Mokhtar Soussi est quasiment terminé. (C) GWE pour Médias24.

Sur cette partie de la route, en basse altitude, se succèdent des douars aux bâtiments quasi exclusivement en ciment. Nombreux sont ceux à être visiblement fissurés, mais qui tiennent encore debout. D’autres sont détruits.

Comme partout dans les zones du séisme, les tentes jaunes, vertes et bleues flanquées du drapeau national et estampillées "ministère de l’Intérieur" et "Protection civile" sont visibles de loin. On retrouve parfois, à côté, des tentes caïdales installées par les autorités comme salles communautaires ou dépôts pour les aides qui parviennent à la région grâce à l’élan de solidarité nationale, ou bien acheminées par la Fondation Mohammed V ou par l’Etat.

Les tentes de la Protection civile sont visibles de loin. (C) GWE pour Médias24

Développement contrasté

Le long du chemin qui mène vers le lac d’Ifni et le Toubkal, sur la D1707, la route devient de plus en plus sinueuse à mesure que l’on monte en altitude. La vallée à la verdure luxuriante contraste avec l’aridité des montagnes du Haut Atlas en ce mois de septembre. Elle s’élargit et laisse entrevoir sa beauté et son énorme potentiel touristique.

Le chef-lieu de la commune, Souk Larbaat Toubkal, est une bourgade complètement déstructurée à la chaussée défoncée et en partie constituée de piste. Un terrain de sport de proximité est exploité pour placer quelques tentes. Ce jour-là, on assiste à une sorte d’assemblée générale des habitants venus s’enquérir de l’arrivée des aides, qui ont tardé pour une partie des zones sinistrées.

Deux virages plus loin, le douar d’Imlil (à ne pas confondre avec la commune d’Imlil sur le côté nord du Toubkal) est plus étendu que le chef-lieu. De nombreux gîtes, auberges et maisons d’hôtes se succèdent, collés les uns aux autres. Ils annoncent la couleur.

Certains bâtiments ont mieux tenu que d’autres. (C) GWE pour Médias24

Nous sommes dans un haut lieu du tourisme de montagne ; une des portes d’entrée pour l’escalade du Toubkal, du côté sud, via le lac d’Ifni.

Les offres sont explicites et quasi identiques : sur des panneaux aux couleurs luxuriantes écrits en arabe, en français et en anglais, on y propose le gîte, le couvert et l'organisation de la randonnée. Quelques coopératives proposent des produits de la région, notamment l’argan, importé d’autres endroits de la province de Taroudant.

En bifurquant à droite, dans un virage en tête d’épingle, on quitte la route du lac d’Ifni. On prend une petite route caillouteuse. De nombreux enfants demandent de l’aide aux rares véhicules qui passent par là.

L’économie de la région est essentiellement en lien avec l’agriculture vivrière en fond de vallée ou en terrasse. (C) GWE pour Médias24

Après 40 minutes de route, sur 9 km, on se retrouve dans le douar d'Aguerzrane, sur le versant sud-est du jbel Toubkal. En face de lui, de l’autre côté de l’oued, un autre douar quasiment identique, Tagadirt, visible en affleurement de montagne. C’est un des derniers douars connectés à la piste goudronnée.

Celle-ci est en réfection, et plusieurs engins de chantier sont stationnés là où ils le peuvent sur cette route à voix unique. Au total, il nous aura fallu plus de quatre heures pour traverser moins de 100 km à partir de la N10, quasiment à l’intersection entre les régions Souss-Massa, Marrakech-Safi et Drâa-Tafilalet, au cœur de l’Atlas.

Perché à près de 2.100 m d’altitude, Aguerzrane se situe dans la zone à la limite des 50 km de l’épicentre du séisme. Des fissures sont apparues dans de nombreuses maisons essentiellement en pisé, bois et pierre. Les bâtiments plus récents, en béton, sur le bord de la piste et constituant le centre du douar, ont aussi subi des dégâts. Pour parvenir au douar d’origine, aucune accessibilité n’est permise. On doit marcher directement sur le flanc de montagne, avec un dénivelé important pour atteindre les maisons. Avec une nombreuse population âgée, la mobilité est très limitée et dangereuse. En effet, le douar n’est équipé ni d’escaliers ni de rambardes permettant de descendre de la piste vers les habitations.

Ici, dix jours après le séisme, les habitants préfèrent encore dormir dans les quelques tentes fournies par la commune ou dans celles qu’ils ont reçues en dons. La tente caïdale, fournie par l’autorité, a été emportée la veille par une bourrasque, et son mat en bois s’est rompu. La pluie a commencé à montrer ses signes et, de temps en temps, quelques gouttelettes tombent du ciel chargé de nuages. Plusieurs personnes s’affairent à construire des abris de fortune en bois et à l'aide de bâches, en prévision de la pluie.

La maison d’un particulier sert de dépôt pour les quelques dons livrés à ce douar. "Ce qui nous manque, ce sont des tentes et de la nourriture. Nous avons reçu beaucoup de couvertures et de vêtements", affirme un des membres de l’association locale qui gère les dons.

Des craintes pour l’avenir

Accroché au flanc d’une des vallées appartenant au bassin de Tifnout, le douar est dans l’attente. Ici, on est sorti de la route touristique du Toubkal. Plus de gîtes, ni d’auberge. Les habitants vivent essentiellement d’agriculture et de transferts financiers des enfants du douar partis en ville ou à l’étranger, parfois depuis les années 1950.

C’est une petite agriculture vivrière, constituée essentiellement de la culture de légumes de saison, de maïs d’ensilage, de luzerne et d’orge, tous destinés à l’autoconsommation. Tout comme le bétail, en général composé d’une vache et de quelques moutons.

La seule production locale commercialisée est celle, annuelle, des noyers centenaires de la vallée et de pommiers récemment introduits. En plus de la plantation de pommiers le long de l’oued, de nouvelles terrasses ont été aménagées en hauteur pour accueillir cette monoculture soutenue par le Plan Maroc vert. Mais certaines terrasses se sont effondrées d’après ce que l’on a pu constater.

Aucun accès n’est aménagé entre la piste et les habitations. (C) GWE pour Médias24

En tout, ce sont quelques milliers de dirhams par saison que peuvent gagner la cinquantaine de familles du douar en vendant leur production soit au souk, soit directement au bord de la route, comme nous avons pu le constater. De maigres revenus qui servent essentiellement à l’achat de compléments pour l’alimentation du bétail durant les longs mois d’hiver.

Ici la neige commence à partir de la fin du mois d’octobre et dure jusqu’au mois de février ou mars. Les températures basses empêchent toute agriculture durant ces mois de dormance végétale. "Nous devons tout acheter. La neige bloque les routes parfois durant trois ou quatre jours. Nous devons être préparés", témoigne un habitant rencontré sur place.

Et des préparatifs, il y en a. Tout d’abord, la récolte des noyers. Le séisme est arrivé en pleine saison de récolte. Certains habitants, encore choqués, ne se sont toujours pas rendus dans la vallée pour la récolte. Cependant, le principal sujet de discussion reste les canaux d’irrigation.

En effet, l’agriculture en terrasse est largement irriguée à travers un savant système de seguia qui court le long de la montagne. Celle-ci récupère les eaux des sources et de la fonte des neiges et s’écoulent le long des flancs de montagne jusqu’au fond de la vallée. Or de nombreuses canalisations ayant été détruites, l'eau ne parvient plus aux terrasses. "Comme dans toute la région, nous n’avons pas pu profiter des sources qui ont été ravivées par le séisme. Toute l’eau descend dans l’oued. Elle va finir dans le barrage sans que l’on puisse en profiter", explique notre interlocuteur qui, malgré la situation préoccupante, garde le sourire. Mais les habitants commencent à s'inquiéter pour la prochaine saison agricole.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.
SOMMAIRE DU DOSSIER

A lire aussi


Communication financière

Upline Capital Management: communiqué de presse

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.

Réunion de haut niveau avec Younes Sekkouri et le DG de l'OIT sur le dialogue social

 

Session ordinaire de mai 2024 du Conseil de la ville de Casablanca