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Drame d'Al Haouz. Le fil sismique d’une nuit tragique avec le sismologue Taj-Eddine Cherkaoui

Le séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit du vendredi 8 septembre, dans la province d’Al Haouz, suscite craintes et interrogations. Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu une seule secousse ou plusieurs ? Faut-il s’attendre à un nouveau tremblement de terre d’une telle magnitude ? Médias24 fait le point avec le sismologue Taj-Eddine Cherkaoui.

Drame d'Al Haouz. Le fil sismique d’une nuit tragique avec le sismologue Taj-Eddine Cherkaoui

Le 9 septembre 2023 à 17h42

Modifié 18 septembre 2023 à 10h42

Le séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit du vendredi 8 septembre, dans la province d’Al Haouz, suscite craintes et interrogations. Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu une seule secousse ou plusieurs ? Faut-il s’attendre à un nouveau tremblement de terre d’une telle magnitude ? Médias24 fait le point avec le sismologue Taj-Eddine Cherkaoui.

Plus de 2000 morts et autant de blessés ou plus. C’est le bilan provisoire de ce samedi en fin de journée, du tragique séisme qui a frappé au cœur du Maroc, dans la nuit du vendredi 8 septembre, d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter. Si des répliques sont encore enregistrées actuellement, "après un séisme d’une telle magnitude, il est peu probable qu’un séisme similaire se reproduise à court terme. Pas même d’une magnitude de 5, et cela pendant plusieurs années", indique à Médias24 Taj-Eddine Cherkaoui. 

Le sismologue et ancien enseignant-chercheur à l’Université Mohammed V a répondu aux craintes et interrogations exprimées par les Marocains, tout en remontant le fil d’une soirée tragique, durant laquelle a été enregistré le tremblement de terre le plus intense depuis l’apparition des relevés sismiques dans le Royaume. 

Il est peu probable qu’une nouvelle secousse aussi intense se reproduiseTout d’abord, il faut évacuer un mythe malheureusement très répandu sur les réseaux sociaux. A l’heure actuelle, la science est incapable de prévoir les séismes. Même dans les pays les plus développés. De nombreuses personnes craignent une réplique aussi intense que le tremblement principal (environ 7,2 degrés sur l’échelle de Richter). Une crainte légitime, d’autant que les fondations de certaines habitations ont été ébranlées et fragilisées par le premier séisme. Mais ce scénario est peu probable.

"En général, après un séisme d’une telle magnitude, nous ne pouvons pas nous attendre à un phénomène similaire à court terme. Pas même d’une magnitude de 5, et cela pendant plusieurs années", affirme M. Cherkaoui. L’explication est toute simple : "La majorité de l’énergie a été dégagée lors du séisme principal. Il faut des années pour qu’une telle quantité d’énergie s’accumule à nouveau". 

S’agissant du parallèle qui est fait avec le terrible séisme enregistré en Turquie en février dernier, où une seconde réplique intense a eu lieu, notre interlocuteur précise que "la tectonique de la Turquie n’a absolument rien à avoir avec celle du Maroc".

"La Turquie est traversée par deux grandes failles majeures. L’une au nord et l’autre au sud. On parle d’une limite de plaque, c’est une région très sismique qu’il ne faut surtout pas comparer à celle du Maroc, où nous ne sommes pas dans cette situation". 

C’est l’accident sud atlasique qui en est la cause

La difficulté de prédire les séismes explique également qu’il n’y a pas eu de signes avant-coureurs dans les jours où les heures qui ont précédé le tremblement de terre dans le Haouz. Cependant, il s’agit d’une zone "connue pour sa sismicité et son activité tectonique. Ce n’est pas dû à la rencontre de deux plaques tectoniques ; c’est l’accident sud atlasique qui en est la cause", nous explique le professeur Taj-Eddine Cherkaoui. 

Le séisme qui a frappé est un séisme tectonique. C’est donc la faille sud atlasique qui est concernée d’une façon très violente. Il s’agit d’une longue ligne tectonique séparant la chaîne atlasique (zone mobile de l’Afrique du Nord) et la plateforme saharienne. 

"L'accident sud-atlasique se prolonge d'Agadir, jusqu'au golfe de Gabès (en Tunisie) en passant au voisinage de Figuig. C’est un accident majeur qui bouge tout le temps. La région d’Azgour et [la commune de] Talat N'Yacoub sont concernées par des séismes depuis 1933, parfois d’une intensité de 6. Mais il n’y avait pas de sismographe à cette période. Cela dit, une intensité de 6, c’est déjà beaucoup, il y a souvent des dégâts, surtout pour des constructions sans fondations, en terre et avec de la paille. Elles sont à risques". 

C’est la première fois qu’un séisme d’une telle magnitude est enregistré au Maroc. À savoir plus de 7. Il y a eu le tremblement de terre d’Agadir en 1960, où une secousse de 5,9 a été enregistrée, puis le séisme d’Al Hoceima en 2004, enregistré à 6,4 sur l’échelle de Richter.

Mais d’habitude, un séisme d’une magnitude de 7 "est le plus souvent enregistré à la limite des plaques. Par exemple, un tel séisme dans la mer d’Alboran, dans la région d’Al Hoceima, ne serait pas étonnant car c’est à la limite des plaques ; il peut donc y avoir une collision entre la plaque africaine et eurasienne".

Deux secousses à 20 minutes d’intervalles 

Si l’on remonte le fil de la tragédie de ce vendredi 9 septembre, on note une première secousse, "considérée comme la principale, avec une magnitude 6,9. Ce chiffre désigne une magnitude de moment. Il y a plusieurs sortes de magnitudes. Mais quand un séisme dépasse une magnitude de 6, on le mesure avec la magnitude du moment, qui est très précise par rapport aux autres magnitudes". 

C’est justement cette secousse qui a été ressentie dans plusieurs villes du Royaume, bien qu’elles soient relativement loin de l’épicentre. Un phénomène qui n’a rien de surprenant. "Quand le séisme dépasse les 6,5, ces ondes peuvent faire le tour du monde, surtout lorsqu’il s’agit d’ondes superficielles car la profondeur du séisme ne dépasse pas les 12 km. C’est au-delà des 25 km de profondeur que le séisme n’est plus superficiel. Mais en matière de ressenti, les secousses peuvent être ressenties à 300 ou 400 km de l’épicentre". 

Quand une telle magnitude est atteinte, il y a au moins une dizaine de répliques de 5,5 jusqu’à 6 sur l’échelle de Richter, "à l’image du séisme d’Al Hoceima en 2004, où il y a eu pas mal de répliques intenses à partir de 5,1, 5,2, 5,3 sur l’échelle de Richter. Les gens dormaient dehors pendant une semaine voire 10 jours".

"Mais heureusement, nous n’avons pas enregistré de réplique aussi forte. D’ailleurs, la réplique la plus intense est intervenue une vingtaine de minutes après la secousse principale ; vers 23h30 elle était de 4,9. Les personnes qui se situaient en hauteur l’ont ressentie légèrement à Marrakech, contrairement à la majorité de la population". 

Par la suite, "seules des répliques inférieures à 3,5 ont été enregistrées. Ce sont des secousses très faibles dont le Maroc est coutumier. Heureusement, la grande partie de l’énergie a été dégagée lors du séisme principal". Cette énergie a été ressentie à différents endroits, comme à Fès, qui est une région tectonique, ou à Casablanca.

Le ressenti dans la capitale économique fut d’ailleurs intense. C’est à cause du phénomène de l’amplification du sol. "La région de Casablanca est connue pour ce phénomène, car son sous-sol est marécageux. On ressent plus intensément le même séisme à Casablanca qu’à à Salé ou Rabat par exemple". 

Il n’y a aucun lien entre les séismes à travers le monde 

Enfin, eu égard à la multiplication des séismes dans le monde à la suite du tremblement dans le Haouz, un lien a été fait entre eux. Mais il est sans fondement. "Il n’y a aucun lien entre les séismes. C’est une question qui est souvent posée. Ce fut le cas lors du séisme d’Al Hoceima ou lors d’autres séismes. Les gens ont commencé à expliquer que tel séisme était passé d’un pays à l’autre. Mais en réalité, il n’en est rien. Le séisme enregistré hier n’a aucun lien avec un autre séisme. C’est une activité locale". 

Par ailleurs, Taj-Eddine Cherkaoui exprime ses préoccupations quant aux anciennes constructions. "Actuellement, il y a un règlement de construction parasismique qui doit être respecté depuis 2004. Mais tout ce qui a été construit avant pose problème". 

Et d’ajouter : "Reconstruire 70% des constructions est impossible et les consolider serait très difficile et coûterait très cher. D’ailleurs, à Marrakech, c’est l’ancienne médina qui a été la plus touchée. Dans les quartiers modernes de la ville, il y a eu un choc mais peu de dégâts. Heureusement que l’épicentre du séisme n’était pas situé dans les zones peuplées ; ça aurait été plus dramatique". 

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