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Témoignages. Voici comment s'est déroulée la nuit du séisme au CHU de Marrakech

Comment l'afflux massif des victimes du séisme a-t-il été géré au niveau du Centre hospitalier universitaire de Marrakech ? Quel plan d’urgence a été déployé ? Et comment les équipes se sont-elles organisées ? Réponses avec le Dr Manal Rhezali, des services des urgences-SAMU, et du Dr Imad Abkari, chef de service traumatologie-orthopédie.

Dans les minutes qui ont suivi le séisme du Haouz, le personnel du CHU a évacué les malades alités, devant le bâtiment, avant de les réintégrer chacun dans son service.

Témoignages. Voici comment s'est déroulée la nuit du séisme au CHU de Marrakech

Le 18 septembre 2023 à 18h11

Modifié 18 septembre 2023 à 19h13

Comment l'afflux massif des victimes du séisme a-t-il été géré au niveau du Centre hospitalier universitaire de Marrakech ? Quel plan d’urgence a été déployé ? Et comment les équipes se sont-elles organisées ? Réponses avec le Dr Manal Rhezali, des services des urgences-SAMU, et du Dr Imad Abkari, chef de service traumatologie-orthopédie.

Moins de deux heures après le séisme, l'un des médecins connus du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Marrakech nous répondait sur WhatsApp : "On commence à avoir un afflux massif de victimes. C'est grave dans la région", nous faisant comprendre que ce n'était pas le moment d'appeler ni de demander des informations.

Invités du webinaire "TéléDON, séisme au Maroc - médecine aiguë d’urgence et de catastrophe", organisé le 17 septembre 2023, deux médecins, le Dr Manal Rhezali et le Dr Imad Abkari, tous deux en première ligne, reviennent sur l’expérience vécue au CHU de Marrakech, communément appelé hôpital Arrazi, et racontent comment cet établissement de santé a fait face à cette catastrophe.

Déjà plusieurs catastrophes gérées par le passé

"Le CHU de Marrakech a déjà plusieurs expériences dans la gestion des catastrophes", rappelle le Dr Rhezali. "Nous avons vécu l’attentat du café Argana, le Covid-19 et tous les accidents collectifs qu’a connus la région durant plusieurs événements, notamment lors de l’Aïd."

"La gestion de catastrophes devrait être une priorité dans chaque établissement de santé, dans la mesure où elle crée une inadéquation entre le besoin de secours qui augmente et les ressources disponibles qui deviennent insuffisantes."

"La réponse à cette situation nécessite une organisation de secours, en tenant compte de plusieurs particularités, à savoir la diversité des cas, la pauvreté des moyens, vu le caractère imprévisible de la catastrophe, et la multiplicité des intervenants, ce qui rend l’établissement de santé en crise, venant de l’extérieur d’une part suite au flux massif des patients, et de l’intérieur, au vu de toutes les problématiques relatives à la gestion des ressources."

En temps normal, 700 urgences par jour

"Il faut savoir que les urgences de l’hôpital Mohammed VI drainent près de 700 patients chaque jour. L’afflux y est donc déjà massif et nous avons un plan d’urgence hospitalier déployé quotidiennement", explique le Dr Rhezali.

"Si on veut définir ce plan d’urgence, ce sont tous les moyens de toute nature qu’on mobilise immédiatement, qui permettent de faire face à un afflux massif de patients suite à une catastrophe. Ainsi, dès les premières heures après le séisme, le plan d’organisation des secours (plan ORSEC) a été déclenché, et une alerte diffusée auprès de tous les intervenants. Une cellule de crise a également été créée au niveau de l’hôpital, mais aussi en pré-hospitalier, au niveau duquel plusieurs choses se déroulaient aussi."

"En pré-hospitalier, les responsables se chargeaient de la mise en place du poste médical avancé, du ramassage, de l’évacuation et de la coordination avec tous les hôpitaux de la région."

"La cellule de crise, elle, a été créée dans l’heure suivant le séisme par le directeur du CHU, le Pr Hicham Nejmi. Elle avait pour mission d’assurer la coordination entre les différentes ressources médicales et non médicales pour permettre de maintenir une bonne organisation au sein des urgences, en commençant par la constitution des équipes multidisciplinaires, qui se sont chargées du triage initial des patients accueillis dès les premières heures."

"Nous avons reçu des patients en urgence absolue, acheminés directement au déchocage, via un circuit bien défini et un code couleur : rouge – jaune – bleu.  Le code rouge, par exemple, fait référence aux patients en situation critique, acheminés directement vers la salle de déchocage, ainsi qu'à leur mise en condition, et éventuellement leur installation au bloc opératoire, qui était aussi préparée avec les différentes équipes."

4 salles opératoires équipées dès les premières heures suivant le séisme

"Nous avions déjà, dès les premières heures ayant suivi le séisme, équipé quatre salles opératoires pour faire les hémostases et les contrôles, ainsi qu’une salle de radiologie interventionnelle pour l’embolisation."

"Nous avions aussi préparé du mobilier supplémentaire pour prendre en charge les patients, des brancards, et on a géré au mieux le stock des moyens médicaux disponibles en ayant recours au stock d'urgence au niveau de la pharmacie et du service d'accueil, tout en établissant une fiche pour anticiper toute pénurie de médicaments et de dispositifs médicaux."

"La Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) nous a beaucoup aidés dans l’établissement de la circulation et la sécurité autour de l’hôpital. Et pour gérer l’aspect informationnel, nous avons nommé des responsables chargés de la communication avec les familles et les médias, toujours en coordination avec le SAMU et les autres partenaires, notamment la protection civile et militaire."

"Pour une bonne gestion de la catastrophe, les mots clés sont donc le triage, l’établissement des circuits et la gestion des lits. Il y a des urgences relatives et d’autres absolues. La gestion de la capacité litière est également très importante. Au début, nous avions recensé le nombre de lits qu’on avait, et on a dû libérer des places supplémentaires. Nous avons même créé des lits de soins intensifs au niveau de l’hôpital Ibn Tofail, qui fait partie du CHU Mohammed VI, avec des unités d’hospitalisation, et effectué des transferts vers les autres hôpitaux de la ville, notamment l’hôpital M’hamid."

"La réussite d’un plan d’urgence hospitalier réside donc d’abord dans son existence, puis sa mise en œuvre. Il doit également avoir fait ses preuves par le passé. Il y aura certainement des points forts et d’autres à améliorer. Mais le plus important, c’est l’organisation du centre d’accueil des urgences, le triage et la catégorisation des victimes qui est cruciale, ainsi que leur réévaluation. Il est également important que la cellule de crise continue à gérer les ressources, monte le niveau d’activation, et assure le Bed management", conclut le Dr Rhezali.

"Toutes les équipes faisaient ce qu’elles avaient à faire"

Le Dr Abkari, traumatologue au CHU de Marrakech, a également confirmé la bonne gestion de la catastrophe au niveau de cet établissement de santé.

"L’urgence chirurgicale se définit par toute situation pathologique post-traumatique empirant rapidement ou susceptible d'évoluer rapidement, sans intervention médicale ou parfois même avec", ce qui était le cas avec le tremblement de terre qu’a connu le Royaume le 8 septembre dernier, rappelle-t-il.

"On comprend alors que la prise en charge des sinistrés doit se faire immédiatement, dès leur arrivée aux urgences, et c’est effectivement ce qui s’est passé à l’hôpital Mohammed VI. Les ambulances affluaient devant les urgences pour déposer les patients sous la protection de la Sûreté nationale, dont les agents assuraient le dépôt correct des patients et la fluidité de cette phase de dépôt des blessés."

"À côté, il y avait des blouses blanches et des tenues de blocs opératoires qui sortaient des urgences et qui commençaient déjà à repérer les blessés graves pour leur assurer les premiers soins. Un travail qui continue à l’intérieur, où les équipes médicales se réunissaient avec les différents chirurgiens orthopédistes, thoracique, neurochirurgiens... sous la supervision des médecins réanimateurs, qui étaient le pivot de cette prise en charge  multidisciplinaire."

"Ce travail nous a permis de séparer les patients et de classer les urgences chirurgicales en urgences vitales, en l’occurrence les traumatismes crâniens, thoraciques, abdominaux pelviens, du rachis (cervical…), et les traumatismes des membres avec lésions vasculaires, qui, eux, peuvent aboutir au décès. Dans ce dernier cas traumatique, qui est celui des membres, il y a un grand risque sceptique, c’est-à-dire d’infection, raison pour laquelle les patients doivent être pris en charge rapidement."

Et de conclure : "Pendant que des équipes accueillaient les patients et se chargeaient du triage, leurs collègues à l’intérieur faisaient ce qu’il fallait pour préparer les salles et blocs opératoires. Toutes les salles ont été mises à la disposition des équipes chirurgicales, avec une instrumentation monstre qui est arrivée à l’hôpital. On a eu tout ce dont on avait besoin, en un temps record. Les patients étaient donc installés dans les différents blocs, et toutes les équipes faisaient ce qu’elles avaient à faire pour offrir les meilleurs soins dans les meilleurs délais."

Rappelons que ce TéléDON a été organisé par la Société marocaine d'anesthésie, d'analgésie et de réanimation (SMAAR) et la Société marocaine de médecine d'urgence (SMMU), en partenariat avec la Fédération nationale de la santé (FNS) et la Société marocaine des sciences médicales (SMSM).

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