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La carte sismique du Maroc va être actualisée après le séisme d’Al Haouz

Contre toute attente, le plus puissant séisme de l’histoire récente du Maroc a eu lieu dans une zone identifiée comme étant à risque sismique modéré. Les scientifiques marocains se penchent désormais sur l’actualisation de la carte sismique nationale. Les premières conclusions seront dévoilées dans les prochains mois, apprend Médias24 auprès du directeur de l’Institut national de géophysique.

Zone touchée par le séisme d’Al Haouz

La carte sismique du Maroc va être actualisée après le séisme d’Al Haouz

Le 18 septembre 2023 à 12h18

Modifié 18 septembre 2023 à 12h18

Contre toute attente, le plus puissant séisme de l’histoire récente du Maroc a eu lieu dans une zone identifiée comme étant à risque sismique modéré. Les scientifiques marocains se penchent désormais sur l’actualisation de la carte sismique nationale. Les premières conclusions seront dévoilées dans les prochains mois, apprend Médias24 auprès du directeur de l’Institut national de géophysique.

Quelles sont les zones à plus fort risque sismique au Maroc ? C’est la question que se posent de nombreuses personnes depuis la survenue du puissant séisme ayant frappé le pays dans la soirée du vendredi 8 septembre. De magnitude 7 sur l’échelle de Richter, il a été qualifié comme étant le plus puissant séisme de l’histoire récente du Maroc. Certes, l’épicentre, notamment la province d’Al Haouz, se situe dans une zone sismique, mais la violence du séisme était inattendue du fait que cette zone était classée comme étant à risque modéré.

Face à ce constat, des scientifiques marocains se penchent désormais sur l’actualisation de la carte sismique du Maroc, qui n’a pas été actualisée depuis 2011, confie à Médias24 le directeur de l’Institut national de géophysique (ING), Nacer Jabour.

"Suite au séisme du 8 septembre, les données sismologiques nationales seront actualisées à la lumière des nouvelles technologies disponibles aujourd’hui telles que les GPS. Il y a énormément de choses à revoir. Beaucoup de travail attend la communauté scientifique. Les premières conclusions seront dévoilées dans les prochains mois tandis que les travaux s’étaleront sur plusieurs années", explique Nacer Jabour.

Rappelons que dans le cadre de l’activation du protocole d’intervention post-sismique pour l’enregistrement des répliques du tremblement de terre d’Al Haouz, un réseau sismique temporaire autour de la zone épicentrale est en cours de déploiement par une équipe du Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST). Les barrages de la région, notamment, seront surveillés.

Cinq zones à risque sismique distinct identifiées au Maroc

Selon la version révisée du Règlement de construction parasismique 2000, datant de 2011, le Maroc est subdivisé en cinq zones ou bassins de risque sismique distinct.

Carte des accélérations horizontales maximales du sol pour une probabilité d’apparition de 10% en 50 ans.

D’après les données sismotectoniques représentées dans la carte ci-dessus, les villes sismogènes les plus actives sont celles en rouge : Al Hoceima/Nador dans le Nord-Est du Maroc et Agadir au Sud-Ouest. Le risque sismique est plus faible dans les zones représentées par des couleurs plus claires.

Une zone sismogène peut être définie comme une région à sismicité homogène, c’est-à-dire une zone où les tremblements de terre obéissent à la même loi de distribution Magnitude-Fréquence. Son identification est basée sur la sismicité historique et instrumentale ainsi que sur les données de géologie structurale, selon une étude réalisée par le ministère de l’Environnement en 2008.

"Sur la carte des zones sismiques au Maroc, nous pouvons constater que la zone sinistrée (Al Haouz) est partagée entre les couleurs rouge et jaune. Cette zone est donc supposée être d’une sismicité très modérée. Les zones les plus actives, voire celles au plus grand risque sismique, sont habituellement Agadir, Al Hoceima et Nador. Le séisme du 8 septembre nous ramène ainsi sur un nouveau terrain. La zone en rouge sera potentiellement élargie. Il se peut même qu’une sixième zone soit créée. Toutes les options sont sur la table", explique le directeur de l’ING.

Ci-dessous une carte de sismicité du Maroc, développée par le sismologue Taj-Eddine Cherkaoui , qui retrace l'ensemble des séismes ayant frappé le Maroc de 1901 à 2020. Nous observons la prédominance de séismes de magnitude variant entre 3,5 et 4,5 sur l'échelle de Richter, avec une concentration dans le Nord Est du pays. Des tremblements de terre de magnitude variant entre 4,6 et 5,5, répartis entre le Nord Est, Moyen et Haut Atlas, figurent également sur la carte.

https://mtcherkaoui.wixsite.com/site

"L’examen de la carte de sismicité du Maroc et des régions adjacentes, pour la période 1901 – 2020, montre que dans le domaine bético-rifain, c’est-à-dire toute la région comprise entre le sud-est de l’Espagne au Nord et la chaîne rifaine au Sud, est le siège d’une activité sismique intense qui témoigne du rapprochement et la collision des deux plaques Afrique – Eurasie. Ce rapprochement se manifeste par de violents séismes dans le sud-est de l’Espagne, en mer d’Alboran et dans le nord du Maroc comme le récent séisme d’Al Hoceima (2004, Mw=6,3)", explique à Médias24 Taj-Eddine Cherkaoui.

"La carte de sismicité (1901-2020), montre que l’activité sismique dans le Haut Atlas occidental est modérée en comparaison à d’autres régions du Maroc comme Al Hoceima par exemple. En consultant les données de la sismicité du Maroc depuis 1901, nous avons recensé un peu moins d’une quinzaine de séismes qui ont été ressentis dans la région avec des intensités inférieures à VII MSK-64. Le séisme le plus important a été observé en 1956 dans la localité de Talat N’Nos, qui se trouve à une quarantaine de kilomètres environ à l’ouest du séisme du 8 septembre 2023, avec une magnitude durée Md=4,6 et une intensité = VII MSK- 64", ajoute le sismologue.

Le risque sismique présent dans presque tout le Maroc 

Le risque sismique est la possibilité qu’un aléa de type séisme se produise et occasionne des dommages plus ou moins importants aux enjeux humains, économiques ou environnementaux, explique à Médias24 le directeur de la Géologie au ministère de la Transition énergétique et de l'Environnement, Ahmed Benlakhdim.

"Nous pouvons considérer que tout le Maroc est sismique, à l’exception du Sahara qui peut être considéré comme asismique. Aucun tremblement de terre n’a en effet été enregistré pour le moment au Sahara", précise pour sa part Nacer Jabour.

Abderrahmane Soulimani, professeur de géologie structurale à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, rejoint Nacer Jabour sur l’étendue du risque sismique sur l’ensemble du Maroc.

"Comme nous l’avons vu avec ce tragique tremblement de terre du 8 septembre, les ondes sismiques se sont propagées presque partout au Maroc et même dans les pays voisins. Fort heureusement à Marrakech, la plus grande ville et la plus proche de l’épicentre du séisme, les dégâts ont été relativement mineurs. Autrement dit, l’ensemble du territoire marocain doit désormais être considéré comme une zone à risque sismique. La région nord du Rif, qui correspond à la limite nord de la plaque africaine, présente un risque sismique plus élevé. Les montagnes de l’Atlas (Haut et Moyen Atlas), qui traversent le Maroc d’est en ouest, sont des zones tectoniquement actives et présentent donc un risque sismique qu’il faut désormais considérer comme important. Le reste du Maroc, bien que relativement stable, peut être affecté par des événements sismiques plus au moins forts, initiés au nord ou dans les régions montagneuses des Atlas", note Abderrahmane Soulimani.

Retour sur le contexte sismotectonique du Maroc

"Tout d’abord, on ne peut pas ignorer que la Terre est une planète dynamique, puisqu’elle est composée d’une enveloppe externe rigide (la lithosphère), elle-même divisée en plusieurs plaques (plus d’une douzaine) appelées plaques lithosphériques ou tectoniques. Ces différentes plaques se déplacent sur le manteau plus visqueux et chaud, lui-même animé par des mouvements convectifs complexes. Ainsi, les plaques tectoniques sont mobiles les unes par rapport aux autres et deux plaques adjacentes peuvent, soit s’éloigner l’une de l’autre, soit se rapprocher et entrer en collision ou encore glisser l’une par rapport à l’autre. Par conséquent, les zones situées aux bords des plaques tectoniques seront sollicitées par ces différents types de mouvements et constitueront donc des zones à risque sismique élevé, alors que les zones les plus internes des plaques sont relativement protégées de ces forces tectoniques et ont un faible risque sismique", nous explique par ailleurs Abderrahmane Soulimani.

Quelle est la position du Maroc dans ce dispositif de plaques tectoniques ? Le Maroc est situé dans la partie nord-ouest de la plaque africaine ; large plaque qui comprend tout le continent africain, une bonne moitié des fonds océaniques de l’Atlantique central et sud et de l’océan Indien. Par sa position, le Maroc intègre une partie de la limite nord de la plaque africaine le long de sa côte méditerranéenne et ses montagnes du Rif. Depuis 60 millions d’années, la plaque africaine s’est déplacée vers le nord en se rapprochant progressivement de la plaque eurasiatique (Europe et Asie). C’est justement ce rapprochement qui est à l’origine de la formation des chaînes de montagnes autour de la Méditerranée comme les montagnes du Rif au nord du Maroc. Les nombreux tremblements de terre survenus dans ces régions, notamment celui d’Al Hoceima en 2004, trouvent leur explication dans ce processus de rapprochement Afrique-Eurasie. Le domaine rifain est donc une zone à risque sismique certain", poursuit-il.

"Même les failles qui semblent aujourd’hui inactives sont actives à l’échelle géologique"

"De toute évidence, les montagnes du Haut et du Moyen Atlas sont des chaînes de montagnes relativement jeunes et tectoniquement actives. En regardant attentivement la carte géologique du Haut Atlas au sud de Marrakech (carte ci-dessous), on note l’importance des lignes noires épaisses qui correspondent à des cassures (ou failles) qui affectent ses différentes roches. Une faille est une cassure, plus au moins longue et plus au moins profonde, pouvant affecter toute la croute terrestre, épaisse en moyenne de 35 km. Sous l’action de contraintes tectoniques, des mouvements peuvent se produire le long de plans de failles, libérant une énergie plus au moins importante. Les failles qui génèrent une activité sismique sont appelées failles actives, mais ce concept est relatif car même les failles qui semblent aujourd’hui inactives sont actives à l’échelle géologique", affirme notre interlocuteur.

Carte géologique du Haut Atlas de Marrakech

"Ainsi, toutes les failles cartographiées sur la carte du Haut Atlas de Marrakech correspondent à des zones de faiblesse qui peuvent répondre facilement par réactivation aux forces tectoniques. La plus importante est la faille du Tizi n’Test, sans doute à l’origine du séisme du 8 septembre. Il s’agit d’un ancien réseau de fractures qui contrôlent la croûte du Haut Atlas depuis 300 millions d’années", ajoute-t-il.

Et si l’épicentre du séisme d’Al Haouz avait été situé dans une grande ville ? 

Nous avons demandé à nos interlocuteurs de répondre à la question suivante : et si l’épicentre du séisme d’Al Haouz avait été situé dans une grande ville ?

"Nous aurions bien évidement subi davantage de dégâts du fait de la concentration des constructions. A Al Haouz, on avait plutôt affaire à de petits villages éparpillés. Les dégâts, si l’épicentre s’était trouvé dans une grande ville, auraient été distribués sur un territoire plus grand. Cela aurait donné lieu à une destruction totale et partielle des constructions. Malheureusement, les séismes cherchent toujours les défauts de la construction et les anomalies dans l’application des règles de l’art de la construction", estime Nacer Jabour.

"Je dirais qu’Agadir est aujourd’hui plus préservée du risque parce qu’elle a été complètement reconstruite après le séisme de 1960. Le niveau de vulnérabilité y est moins élevé. D’autres critères entrent également dans l’équation, comme l’emplacement de la faille causale par rapport aux constructions. Si l’épicentre est loin de la ville, il représentera moins de risques pour les constructions. Au contraire, s’il est localisé dans la ville, comme ce fut le cas avec le séisme d’Agadir en 1960, le tissu urbain souffrira davantage des vibrations sismiques. Les conséquences seront naturellement plus catastrophiques", ajoute-t-il.

"L’ampleur du séisme est liée à sa magnitude mesurée et à la situation de l’épicentre par rapport à la surface, et même à la nature des faciès géologiques à travers lesquels l’onde sismique se propage", explique pour sa part le directeur de la Géologie, Ahmed Benlakhdim.

Abderrahmane Soulimani souligne enfin : "Les tremblements de terre sont des catastrophes naturelles face auxquelles l’homme est totalement désarmé. On ne peut pas prédire quand les séismes se produiront, mais nous savons désormais définir les zones les plus exposées. Sur le plan scientifique, il reste encore beaucoup de travaux géologiques, géophysiques et sismologiques à réaliser au Maroc pour bien limiter ce phénomène et minimiser les risques encourus. Sur le front de l’urbanisme, il est nécessaire d’adopter des bâtiments parasismiques pour faire face aux prochains inévitables séismes".

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