Séisme. Le CNDH et des ONG mettent en place des dispositifs de protection des victimes vulnérables aux abus
Adoption illégale, mariage des mineurs, abus sexuels, travail domestique… Les enfants, les femmes et les personnes en situation de handicap dans les zones touchées par le séisme du 8 septembre sont considérés comme vulnérables. Des dispositifs de protection ont été mis en place par le CNDH et le tissu associatif.
Séisme. Le CNDH et des ONG mettent en place des dispositifs de protection des victimes vulnérables aux abus
Partager :
-
Pour ajouter l'article à vos favorisS'inscrire gratuitement
identifiez-vousVous possédez déjà un compte ?
Se connecterL'article a été ajouté à vos favoris -
Pour accéder à vos favorisS'inscrire gratuitement
identifiez-vousVous possédez déjà un compte ?
Se connecter
Sara Ibriz
Le 18 septembre 2023 à 10h41
Modifié 18 septembre 2023 à 16h59Adoption illégale, mariage des mineurs, abus sexuels, travail domestique… Les enfants, les femmes et les personnes en situation de handicap dans les zones touchées par le séisme du 8 septembre sont considérés comme vulnérables. Des dispositifs de protection ont été mis en place par le CNDH et le tissu associatif.
Encouragement du mariage des mineurs dans les zones touchées par le séisme du 8 septembre, propositions à de jeunes filles de travailler en tant que domestiques, partage de leurs photos sur les réseaux sociaux... Autant de comportements qui ont alerté l’opinion publique, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et le tissu associatif.
Face aux dénonciations d’internautes sur les réseaux sociaux, certaines associations se sont exprimées par communiqué. Plusieurs d’entre elles sont actives sur les lieux, d’autres agissent à distance en déployant des cellules d’écoute. Voici les dispositifs mis en place jusqu’à présent.
Des internautes indignés
L’élan de solidarité exemplaire qui a suivi le séisme d’Al Haouz survenu le 8 septembre a été entaché de comportements jugés ignobles par des internautes qui ont relayé, en masse, des vidéos et appels au signalement à l’encontre d’individus présents sur les lieux du drame. Sur place pour acheminer les aides, certains ont filmé et diffusé les images d’enfants des villages touchés. D’autres les ont enlacés et embrassés. Une proximité que beaucoup ont jugé "perverse" et "malsaine".
D’autres individus ont publié sur les réseaux sociaux des appels aux agressions sexuelles et ont encouragé le mariage des mineurs. L’un d’eux a été arrêté ce jeudi 14 septembre, selon un communiqué de la DGSN.
Indignés, des activistes et acteurs associatifs réagissent depuis plusieurs jours via différents canaux. Certains se sont adressés aux autorités pour les alerter et solliciter leur intervention, d’autres ont mis en place des numéros de signalements, tandis que d’autres encore programment des campagnes de sensibilisation.
Sur place, comme le montrent certaines vidéos, des bénévoles tentent de sensibiliser au mieux les enfants en les avertissant et en leur expliquant de ne pas laisser les inconnus les embrasser, les enlacer ni même les prendre en photo, afin de les protéger d’éventuelles agressions sexuelles et trafics d’êtres humains et de garantir leur droit à l’image.
Dès ce jeudi 14 septembre, lorsque les vidéos dénonçant les comportements inquiétants de certains individus se sont propagées sur les réseaux sociaux, des associations se sont exprimées par communiqué. Nous en avons contacté certaines. Nous avons également sollicité l’institution nationale, garante de la protection et de la promotion des droits humains, le CNDH.
Une cellule permanente de veille et de monitoring au CNDH
Contacté par Médias24, le secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme, Mounir Bensalah, indique qu’au sein du Conseil, "eu égard à l’expérience et aux pratiques développées et optimisées depuis 2019, nous avons activé, dès les premières heures suivant le séisme, une cellule permanente de veille et de monitoring, avec un suivi direct et régulier de la présidente du CNDH et d’autres collègues du Conseil".
"Il sied de rappeler, à cet égard, que notre institution dispose d’une division spécialisée dédiée aux questions liées à la technologie, à l’espace numérique et aux droits de l’Homme, créée il y a maintenant presque un an auprès de la présidente du conseil", précise notre interlocuteur.
Et d’ajouter : "Nous traversons un moment difficile. Ce genre de contenus ajoute bien évidement des craintes, augmente le stress, sème parfois la panique et amplifie la souffrance collective. Certes, il y a eu plusieurs campagnes de dénonciation, mais les alertes et les cas détectés et dénoncés demeurent limitées. Je pense qu’il s’agit là de cas isolés qui n’entachent en rien l’élan de solidarité et de mobilisation."
À ce stade, selon Mounir Bensalah, "les équipes du CNDH, aux niveaux central comme régional, demeurent mobilisées et poursuivent les enquêtes autour de toute allégation de violations des droits des enfants". Outre la veille et le monitoring de l’espace digital, "le numéro de téléphone des commissions régionales des droits de l’Homme de Marrakech-Safi, Souss-Massa et Drâa-Tafilalet est désormais dédié à la réception des appels des familles, des victimes et des lanceurs d’alertes pour traiter et adresser chaque cas de manière individuelle".
Par ailleurs, le secrétaire général du CNDH juge "essentiel de continuer à dénoncer et à alerter les autorités compétentes, le CNDH, la Commission nationale chargée de la coordination des mesures ayant pour but la lutte et la prévention de la traite des êtres humains, les ONG, etc., de manière responsable et formelle, qui évite tous risques pour les droits des personnes à l’image et la réputation".
Dans le cadre de ce même respect du droit à l’image et à la réputation, Mounir Bensalah "lance un appel aux créateurs de contenus" qu’il invite à "veiller, sans relâche, au respect de l’intérêt suprême des enfants". Il estime que "leur voix et leurs points de vue comptent, mais dans le respect total des règles déontologiques et de leurs droits".
Attention à la kafala illégale
Jointe par Médias24, la présidente de l’association "Touche pas à mon enfant", Najat Anwar, explique que "depuis le déclenchement de cette tragédie, notre organisation effectue une étroite surveillance de la situation des enfants dans les zones affectées. À partir des informations recueillies par nos coordinateurs sur le terrain, nous avons émis des mises en garde concernant l’exploitation [des enfants] par des agresseurs et des pédocriminels, ainsi que les troubles engendrés par cette tragédie et l’isolement des enfants et des mineurs, en particulier les orphelins".
Et d’ajouter : "Nous avons documenté des cas d’adoption illégale d’orphelins via les réseaux sociaux, ainsi que des annonces de mariage impliquant des mineures. De plus, des avances inappropriées envers de jeunes filles des régions sinistrées ont été constatées, comme le montrent certaines vidéos."
"Notre organisation est activement engagée dans des actions pour répondre à cette situation, et nous avions espoir que l’unité sociale de Taroudant continuerait à fonctionner vu les résultats positifs qu’elle a obtenus. Nous appelons à sa réactivation afin de collaborer avec les autorités pour examiner les cas d’orphelins et les possibles cas d’abus sexuels et de viols", précise Najat Anwar.
De son côté, Ali Aghnaj, président du conseil d’administration de l’association AMANE, met en garde contre les tentatives d’adoption d’orphelins, même de bonne foi. "On ne peut pas se contenter de venir et de prendre un enfant. Personne n’a le droit de faire ça. Il faut suivre une procédure judiciaire et une décision doit être prononcée par un juge compétent qui donne son accord pour la kafala après avoir vérifié les garanties que l’enfant concerné sera accueilli dans une famille qui assurera ses besoins humains et ne l’exploitera pas. Cette famille aura également des comptes à rendre, régulièrement, pour justifier que son engagement pour la kafala est toujours respecté", explique notre interlocuteur.
Dans un premier temps et pour protéger ces enfants au plus vite, Ali Aghnaj estime que "l’État doit assumer ses responsabilités, recenser et prendre en charge ces enfants comme cela a été annoncé. Il faut le faire le plus rapidement possible".
En attendant de préparer une action de manière plus structurée afin de mener des campagnes de sensibilisation et de formation, l’association AMANE agit, dans cette phase d’urgence, en fonction des priorités. "A l’heure actuelle, la priorité est encore de sauver des vies humaines et de faire sortir les survivants des décombres, ou les corps. Nous sommes membres de plusieurs réseaux d’associations nationales et avons adressé une lettre au parquet pour appeler à la mobilisation des forces publiques et à leur vigilance à l’égard de tout type de comportement qui peut porter atteinte aux droits des enfants, qu’il s’agisse d’abus sexuels, de mariages forcés ou même de l’exploitation des mineurs en tant que travailleurs domestiques", ajoute notre interlocuteur.
Des numéros de signalement
En tant que première mesure d’urgence, certaines associations ont mis en place des numéros dédiés aux signalements de comportements assimilés à des tentatives d’agressions sexuelles ou d’exploitation de mineurs.
La Fondation ATAA et le Club des avocats du Maroc ont créé une cellule d’écoute qui recueille non seulement les signalements par téléphone et WhatsApp, mais propose également un accompagnement juridique aux victimes qui souhaitent porter plainte.
"Nous recevons les signalements par message WhatsApp ou par appel et les transmettons aux autorités compétentes. Nous prenons également en compte ce qui est partagé sur les réseaux sociaux. Cette cellule a été créée en urgence pour répondre à cette situation. L’idée est de contrer les tentatives d’agressions des victimes du séisme", explique à Médias24 Younes Ajjeray, responsable de cette cellule d’écoute.
L’Association marocaine des droits des victimes (AMDV) a réagi via un communiqué concernant "ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux". Elle indique que "dans le cadre de la protection des survivants du séisme, surtout les enfants et les femmes, l’association :
- dénonce tout comportement, acte ou abstention qui constitue une agression sexuelle sur les enfants et les femmes et les personnes en situation de handicap ;
- demande à la présidence du ministère public et aux autorités concernées d’intervenir et de suivre tout acte ou tentative d’agression sexuelle, surtout à l’encontre des catégories vulnérables citées ;
- appelle le gouvernement à travailler en urgence pour fournir les moyens logistiques et les logements à tous ceux qui ont perdu ou ont été touchés dans leur logement ; le but étant de protéger la dignité et de les prémunir contre toutes formes de violences.
Dans ce sens, l’AMDV met en place des numéros pour les alertes sur toute tentative d’exploitation, de harcèlement ou d’agression sexuels. Il s’agit des numéros suivants : +212 5 22 26 86 67 ; +212 6 63 44 10 29 ; +212 6 00 61 08 11.
De son côté, l’Union de l’action féminine a mis en place des numéros de téléphone pour recevoir les plaintes et dénonciations "qui touchent à la dignité et à la sécurité des enfants". L’UAF souligne que "le harcèlement sexuel et l’exploitation de la faiblesse et de la vulnérabilité des enfants victimes du séisme sont des crimes face auxquels nous ne devons pas nous taire".
Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!Si vous voulez que l'information se rapproche de vous
Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsAppSara Ibriz
Le 18 septembre 2023 à 10h41
Modifié 18 septembre 2023 à 16h59