Dossier Cet article est issu du dossier «Agriculture : Souveraineté et durabilité deux enjeux conciliables ?» Voir le dossier

AGRICULTURE Sadiki : le Maroc compte doubler la production agricole tout en utilisant moins d’eau

Le 5 avril 2023 à 17h39

Modifié 25 avril 2023 à 12h33

PLAN D'ACTION. Pour s'adapter aux changements climatiques et à la pénurie d'eau qui sévit au Maroc, le ministère de l'Agriculture mise sur la résilience du secteur, en améliorant les réseaux hydro-agricoles tout en optant pour des filières à haute valeur ajoutée mais peu gourmandes en eau.

Invité au Forum de la MAP, ce mercredi 5 avril, au siège de Maghreb Arabe Presse à Rabat, le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, a fait le point sur les ambitions de la stratégie Génération Green 2020-2030, en mettant l’accent sur la nécessité d’améliorer le chiffre d’affaires du secteur agricole tout en consommant moins d’eau. Un échange très attendu dans un contexte de changement climatique et d’inflation des produits alimentaires.

Pan important de la stratégie Génération Green, la gestion des ressources hydriques sera essentielle en vue d’assurer l’adaptabilité de l’agriculture aux changements climatiques. L’objectif est de faire des économies d’eau mais en doublant le produit intérieur brut par m3 d’eau utilisé (205 DH), afin d’atteindre 250 MMDH de PIB agricole contre 126 MMDH actuellement. 

Une quadrature du cercle au vu des épisodes de sécheresse consécutifs qu’a connu le pays et qui ont eu pour conséquence de réduire les ressources allouées au secteur agricole. "La quantité d’eau réservée à l’irrigation dans le cadre du modèle marocain de gestion de l’eau est de 5,3 MM m3", a indiqué Mohamed Sadiki. Et de déplorer que ces ressources se réduisent comme peau de chagrin. 

En effet, depuis la campagne agricole 1980-1981, il y a eu un maximum de 4,1 MM m3 dédiés à l’irrigation lors de la saison 2016-2017. "Depuis, ces ressources se sont réduites pour atteindre actuellement 612 millions de m3", a regretté M. Sadiki, qui a affiché sa compréhension quant à la nécessité d’assurer l’approvisionnement en eau potable. Raison pour laquelle l’irrigation à partir des barrages a été suspendue dans plusieurs provinces agricoles.

Dans ces conditions, M. Sadiki a affirmé que même si la tâche s'annonce ardue, plusieurs actions sont envisagées pour allier économie d'eau et productivité à haute valeur ajoutée. 

40 MM DH nécessaires, un millions d'hectares irrigués au goutte à goutte

Dans un premier temps, il s'agit d'améliorer la gestion des ressources en eau réservées à l'irrigation. Ainsi, dans le cadre de la stratégie d'acclimatation du secteur aux changements climatiques, 40 MM DH seront nécessaires pour appliquer les mesures suivantes : 

- le programme de modernisation des réseaux hydrauliques prévoit de développer l'irrigation localisée sur 600.000 hectares pour atteindre un million d'hectares irrigués en goutte à goutte à l'horizon 2030. Une technique qui permet d'économiser 2 MMm3 par an ;

- augmenter les superficies irriguées de 72.500 hectares

- préserver les nappes phréatiques du Saïss et de l'axe Meski-Boudnib ; 

- pour développer les cultures irriguées du Royaume, le ministère va réaménager 200.000 hectares relevant des petites et moyennes hydrauliques, réhabiliter les khettara et aménager des seuils pour la recharge artificielle des nappes aquifères ; 

Toujours dans le domaine de l'irrigation, le ministère de l'Agriculture place de grand espoir dans les stations de dessalement d'eau de mer. "Grâce à la station de dessalement de la plaine de Chtouka, ce sont 15.000 hectares qui sont irrigués au prix de 5,70 DH/m3", se félicite M. Sadiki.

"Mais ce prix est encore élevé", reprend-il. "À cause notamment de l'énergie nécessaire au dessalement. C'est pour cela que la station de dessalement prévue à Dakhla, qui sera alimentée via un parc éolien qui produit une énergie allant de 40 à 60 mégawatts, afin notamment d'irriguer 5.000 hectares, proposera un prix de 2,50 DH au m3", promet-il.

Semis direct, caroubier et seigle

Globalement, le ministère de l'Agriculture aspire à une transition énergétique qui concerne au moins 20% des superficies irriguées, à travers l'utilisation d'énergies vertes et renouvelables. Cela dit, une meilleure gestion des ressources en eau est également liée à des techniques agricoles modernes et des cultures peu gourmandes en eau mais à haute valeur ajoutée.

A cet effet, le ministère de tutelle favorise des techniques de production au rendement élevé. Dans le cadre du développement de la technique du semis direct, "100.000 ha ont été semés en utilisant cette technique novatrice lors de l'actuelle campagne agricole", s'est réjoui Mohamed Sadiki. Et d'ajouter : "Nous avons acquis 73 machines pour le semis direct au profit des coopératives et accordé des incitations aux agriculteurs qui souhaitent s'en procurer."

Dans un second temps, l'idée est de jeter son dévolu sur des cultures à haute valeur ajoutée mais qui ne consomment pas énormément d'eau, dont les arbres fruitiers, en l'occurrence le caroubier (10.300 ha actuellement), l'olivier (1,1 Mha), l'amandier (191.000 ha), le grenadier (14.100 ha) et les figues de Barbarie (154.000 hectare).

En termes de culture annuelle résiliente au changement climatique, le ministère de tutelle a privilégié l'orge, le quinoa, le blé dur, le cacao, le sorgho, le millet, les légumineuses (fèves, haricot, lentilles), le maïs et le seigle. En sus des plantes aromatiques et médicinales, l'idée est aussi d'augmenter la superficie dédiée à l'agriculture bio qui est actuellement de 20.000 hectares.

Il ne vous aura certainement pas échappé que les filières de l'avocatier, des agrumes et de la pastèque n'entrent plus dans la vision du ministère de l'Agriculture. "Nous avons stoppé les subventions à l'irrigation pour ces cultures", a rappelé Mohamed Sadiki.  

Toutefois, selon plusieurs opérateurs des filières précitées, cette mesure n'est pas dissuasive car "les agriculteurs qui investissent dans ces cultures ont assez de fonds pour se passer des subventions à l'irrigation", confie l'un d'entre eux. "Sur le plan juridique, nous ne pouvons pas interdire à un agriculteur ou à un investisseur de miser sur ces cultures", déplore M. Sadiki.  

Une inflation quasiment insoluble

L'autre ambition de l'équilibre fragile poursuivi par le ministère de tutelle, c'est de trouver un équilibre entre les impératifs agricoles et la sécurité alimentaire. Pour faire simple, l'objectif est d'assurer aux agriculteurs des revenus conséquents pour qu'ils poursuivent leur activité, sans pour autant que les prix des produits alimentaires n'atteignent des sommets. 

Une mission dont la réussite se base sur des incitations destinées principalement aux petits et moyens agriculteurs, mais qui n'a pas été couronnées de succès jusqu'à présent. D'ailleurs, le ministre de l’Agriculture a assuré que la hausse des prix des produits alimentaires est causée par l’inflation importée, qui a eu pour effet une augmentation des prix à la production, mais aussi en raison des effets du changement climatique.

Concernant l’inflation importée, "elle ne date pas d’hier, mais depuis la crise du coronavirus", avance M. Sadiki. "Tous les prix des intrants agricoles ont augmenté depuis 2020, sans baisser. C’est le cas également en Europe, où l’inflation des intrants agricoles a atteint 16%, contre 10% au Maroc mais qui s'établit pour certains intrants à 18%.

Pour ce qui est de la vague de froid qui a sévi dans le pays lors des premiers mois de l'année 2023, elle a eu un impact négatif sur le cycle de production des cultures, en particulier les tomates, surtout en termes de mûrissement. "Autre exemple, les pommes de terre cultivées dans le Loukkos assurent 30% de l’approvisionnement national. Elles devaient être sur les marchés début mars mais elles viennent à peine d'être récoltées."

En ce sens, le ministre de l’Agriculture a prévenu que le prochain Ramadan "risque de coïncider avec une période où la production agricole est basse", tout en indiquant que les dernières pluies ont été bénéfiques à la filière céréalière. 

Et d’assurer : "Si nous avions un million d'hectares de céréales irriguées, on aurait atteint les 80 millions de quintaux prévus par la loi de finances 2023." Mais ce n’est pas le cas, puisque seulement 400.000 hectares de céréales sont actuellement irrigués. En d'autres termes, si la sécheresse persiste dans les prochaines semaines, les prévisions du PLF 2023 seront difficilement atteignables. 

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