Dossier Cet article est issu du dossier «Agriculture : Souveraineté et durabilité deux enjeux conciliables ?» Voir le dossier

AGRICULTURE Filière laitière. Une conversation avec Nathalie Alquier, PDG de Centrale Danone

Le 7 mai 2023 à 7h47

Modifié 8 mai 2023 à 8h25

Après une baisse de la production laitière à cause de la perte de 20% du cheptel, les acteurs de la filière ont entamé une phase de reconstruction pour assurer une autosuffisance. Nathalie Alquier, PDG de Centrale Danone, revient pour Médias24 sur la crise laitière traversée par le secteur et les leviers activés pour s’en prémunir à l’avenir.

Plus de 50.000 éleveurs marocains collaborent avec Centrale Danone pour assurer 30% de la production nationale de lait transformé. L’entreprise qui est présente depuis 1940 dans le Royaume est devenue au fil du temps un acteur majeur de la filière laitière sur le territoire national. 

Une filière qui depuis la pandémie de Covid-19, traverse une crise sans précédent qui s’est accentuée l'année dernière. Comment Centrale Danone a-t-elle vécu l'importante baisse de production et quels sont les leviers à activer pour éviter pareille situation ? Médias24 a posé la question à Nathalie Alquier, PDG de Centrale Danone. 

Suite au lancement de la seconde phase du programme "Hlib Bladi", ce jeudi 4 mai, en marge de la 15ème édition du Salon international de l’agriculture (SIAM), Nathalie Alquier revient donc sur la période compliquée traversée par la filière laitière, sans éluder aucune question. Une baisse de la production laitière d’environ 20%

La pénurie de lait de l’année dernière n’est pas passée inaperçue. Le consommateur avait parfois du mal à s’approvisionner en ce produit alimentaire de base. Dans certains quartiers, il fallait parfois se réveiller de bonne heure pour acheter sa brique de lait. Une situation dont les causes sont multifactorielle, née lors de la crise sanitaire et qui s’est aggravée à cause des épisodes de sécheresse successifs. 

"Le Covid avait déjà un peu désorganisé la filière et perturbé les circuits d’insémination, en raison des difficultés de déplacement. L’inflation des matières premières et en particulier des aliments composés a également eu un impact négatif. Pendant un temps, la production laitière n’était plus rentable et plusieurs éleveurs ont préféré abattre du bétail ou dans le meilleur des cas, diminuer l’alimentation destinés aux vaches laitières". 

L’effectif du cheptel bovin a en effet perdu 400.000 têtes depuis le début de la crise sanitaire. "Une situation qui a provoqué une baisse du rendement d’au moins 20% en termes de production laitière. Nous avons commencé à observer ce recul en septembre 2022, alors que par le passé, la production était plutôt excédentaire". 

Une pénurie qui a favorisé le colportage de lait 

En parallèle, la pénurie a également favorisé le développement d'un véritable fléau, le colportage de lait. "Le problème lorsqu’il y a une pénurie, c’est le colportage qui gagne du terrain. Le tiers du lait en circulation passe par des circuits informels, qui ne respectent pas la chaîne du froid et ne sont pas concernés par des contrôles pour détecter par exemple la présence d’antibiotiques". 

Mme Alquier estime que l'impact est avant tout un problème de santé publique. "Le lait au Maroc a une charge bactérienne importante. Mais ce n’est pas nécessairement un problème, du moins si la chaîne du froid est respectée, le produit traité et pasteurisé avec soin".

En revanche, le passage de cette charge bactérienne par un circuit désorganisé participe à la multiplication de germes qui peuvent être pathogènes. Pour notre interlocutrice, la sensibilisation est le principal remède au colportage de lait. "Certes, les autorités luttent contre le lait colporté, mais le consommateur doit être convaincu du danger inhérent au lait colporté, surtout que ce sont des produits que consomment les enfants".

Il fallait redonner confiance aux fermiers 

Une fois les problématiques liées à la pénurie de lait identifiées, il fallait apporter des réponses adéquates, d'autant que le lait colporté représentait un réel danger de santé publique. Centrale Danone a soutenu davantage les fermiers qui sont en réalité le cœur de l’activité de l’entreprise agroalimentaire.

"Nous avons pris le parti de soutenir nos éleveurs avec une augmentation des prix aux fermiers. C’était indispensable et c’est aller de pair avec la hausse des prix à la consommation". L’augmentation du prix de la brique de lait constatée il y a quelques mois correspond ainsi à la hausse des prix aux fermiers.

"Il fallait leur redonner confiance en l’écosystème. Autrement, la situation risquait d’empirer". Cette mesure a permis de stabiliser la production et les prix de vente, grâce notamment à l'arrêt de l'abattage. "Il y a aussi eu d’autres mesures importantes d’accompagnement, prises par le ministère de l’Agriculture, à l’image des subventions des aliments composés". 

Une fois les prix stabilisés, la phase de reconstruction a pu être enclenchée avec une augmentation progressive du nombre de vaches laitières. D’autant que les pluies d’avant ramadan ont offert du répit aux éleveurs en améliorant les parcours et donc l'alimentation du bétail. 

"Ces précipitations nous ont donné un élan qui a été consolidé par les subventions pour les génisses locales ou importées. C’est ainsi que le ministère de l’Agriculture et Centrale Danone ont réussi à relancer la filière et la production laitière, dont la matière première a d'ailleurs récemment été marquée par une meilleure lactation". 

Davantage d’attractivité et moins de pénibilité 

La reconstruction de la filière laitière en vue de retrouver des performances normales ne se fait pas en un claquement de doigt. Cet objectif nécessite d’entreprendre plusieurs actions pour augmenter l’attractivité du secteur et réduire sa pénibilité. 

"Les jeunes générations considèrent le métier d’agriculteur comme peu attrayant. Dans le cadre de “Hlib Bladi”, l’un de nos objectifs est justement de redonner de l’attractivité, en assurant des revenus décents à travers l’augmentation du rendement de chaque vache laitière et du nombre de têtes par ferme". 

Le second axe réside dans la diminution de la pénibilité qui caractérise la profession à travers une mécanisation du processus de production, ainsi qu’une gestion collaborative entre Centrale Danone et les fermiers, notamment en matière d’alimentation. 

"Ceci implique un investissement dans les fermes consenti par notre entreprise, en termes de bien-être animal et d’aménagement général de la ferme pour assurer de meilleures conditions de production". La formation des éleveurs est également un élément déterminant.

Alors que par le passé, le taux de retour du lait au fermier était important, “il est devenu extrêmement faible, en dessous de 1%”, assure Nathalie Alquier. Pour en arriver là, il y a eu un accompagnement de l’agriculteur, jusqu’au plus petit maillon de la chaîne, au niveau de la ferme, pour améliorer les pratiques, augmenter le niveau d’hygiène.

"Enfin, nous tenons particulièrement à assurer l’éducation des enfants des éleveurs afin que les familles conservent leurs terres". Centrale Danone est convaincue de la relance du secteur laitier à l’avenir. Même si le coût des matières premières importées ne risque pas de baisser et que la sécheresse semble perdurer.

"Grâce à la vision du Roi Mohammed VI, incarnée par la stratégie Génération Green, nous sommes optimistes en l’avenir". De surcroît, "les consommateurs marocains sont friands de produits laitiers et nous sommes l’acteur majeur qui fait le pont entre le fermier et nos clients". 

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