Dossier Cet article est issu du dossier «Agriculture : Souveraineté et durabilité deux enjeux conciliables ?» Voir le dossier

AGRICULTURE SIAM 2023. Les détails du plan d'action du Maroc pour assurer sa souveraineté hydrique

Le 3 mai 2023 à 16h12

Modifié 3 mai 2023 à 19h22

Clé de voûte de la souveraineté alimentaire, la maîtrise de l’eau d’irrigation au Maroc s’articule autour du développement et de la sécurisation d’un stock stratégique de ressources hydriques, mais aussi de l’amélioration de l'efficacité hydrique et de la gouvernance de l’eau agricole.

Il n’y a pas de solution miracle pour assurer la souveraineté alimentaire du Maroc dans un contexte climatique où la pénurie d’eau s'intensifie. Garantir une gestion durable des ressources et assurer une souveraineté hydrique, avec la sécurisation d'un stock de 3 milliards de m3 par an, sont des mesures nécessaires et envisagées par le gouvernement.

Dans le cadre du programme scientifique tenu en marge de la 15e édition du Salon international de l’agriculture (SIAM), organisée du mardi 2 au dimanche 7 mai à Meknès, la maîtrise de l’eau d’irrigation a en effet été avancée comme solution idoine dans l'optique d'améliorer les performances du secteur agricole tout en économisant un maximum d'eau.  

Alors que l’inflation importée des produits alimentaires, causée tour à tour par la crise sanitaire et la guerre russo-ukrainienne, a illustré la nécessité de réduire la dépendance du pays aux importations et de garantir sa souveraineté alimentaire, favoriser une gestion des ressources hydriques et miser sur des systèmes d’irrigation efficaces sont des pistes particulièrement intéressantes à explorer.  

Bonifier l'efficacité hydrique

L'idée est donc de développer "une agriculture durable et résiliente aux changements climatiques, en bonifiant l’efficacité hydrique et en misant sur la promotion des techniques de conservation des sols", a indiqué Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture. Et pour cause, l’agriculture du Royaume subit de plein fouet les caprices de la météo depuis plusieurs années.  

"Les changements climatiques impactent significativement le potentiel des ressources en eau mobilisables", a admis Nizar Baraka, ministère de l’Equipement et de l’eau. En atteste la baisse de 30% des apports d’eau aux barrages du Royaume, provoquant la suspension de l'irrigation à partir des barrages dans certains périmètres agricoles du pays. 

"Les pénuries d’eau sont aggravées par la forte croissance de la demande, liée à l’augmentation démographique et au développement socio-économique", complète Ahmed El Bouari, directeur de l’Irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole au sein du ministère de l’Agriculture. 

"La compétition entre les usages de l’eau est appelée à gagner en intensité", reprend-il. "La sévérité de cette compétition augmentera avec la croissance démographique et économique, l’accélération de l’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie", a-t-il précisé. 

Pour éviter ce scénario caractérisé par une forte baisse des volumes d’eau alloués à l'irrigation par rapport aux dotations prévues par les documents de planification de l’eau, un plan d’action a été activé. Ce plan s’articule autour de trois composantes majeures : 

- le développement et la sécurisation de l'offre hydrique ; 

- la bonification de l’efficacité hydrique ; 

- l'amélioration de la gouvernance de l’eau agricole.

Sécurisation de l'offre hydrique

Le développement et la sécurisation de l'offre hydrique font partie intégrante du Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l'irrigation (PNAEPI). Il ambitionne de renforcer la résilience des systèmes d’approvisionnement en eau, d’atténuer la compétition sur les ressources en eau entre secteurs et de mobiliser un stock hydrique stratégique destiné à la souveraineté alimentaire.

Pour ce faire, le Maroc prévoit plusieurs mesures qui se déclinent comme suit : 

- le développement de nouveaux barrages et l’exploitation du potentiel hydrique des bassins du Loukkos, Sebou et Bouregreg, qui sont pour le moment en mal de valorisation (6 milliards de m3 de capacité additionnelle) ;  

- l’interconnexion des bassins Sebou-Bouregreg-Oum Er Rbia-Tensift, Loukkos-Tangérois, Laou-Moulouya (1 milliard de m3 de capacité additionnelle) ; 

- l’approvisionnement en eau des grandes villes côtières par dessalement de l’eau de mer ; 

- le développement des projets d’irrigation par dessalement afin d’irriguer des cultures à haute valeur ajoutée, à l'image des 5.000 ha prochainement irrigués par la station de dessalement de Dakhla.

Ces mesures permettront la mobilisation d’un stock hydrique stratégique, d’un volume de 3 milliards de m3, en vue de sécuriser les dotations en eau nécessaires "pour pérenniser l’irrigation dans les périmètres irrigués existants, à savoir 700.000 ha", précise Ahmed El Bouari. 

Ce stock hydrique stratégique aura également pour objectif de développer de nouveaux périmètres irrigués, destinés à l’irrigation de complément des céréales, afin d’atteindre une production assurée de 60 millions de quintaux par an, dix de plus que les prévisions relatives à la campagne céréalière actuelle.

Un million d'hectares en goutte à goutte

En comptant les céréales irriguées, les légumineuses et les cultures oléagineuses, le Maroc compte équiper, à l’horizon 2030, un million d'hectares en système d’irrigation goutte à goutte. Les zones concernées par cette mesure sont celles disposant d’un potentiel hydrique à valoriser, relevant des bassins du Loukkos, Sebou et Bouregreg.

Il s’agit aussi des zones à alimenter par les ressources eau issues du projet d'interconnexion des bassins et du développement du dessalement (plateaux des Zaïr, Chaouia, Abda, Doukkala, Rhamna). D’autres zones sont elles aussi concernées, notamment les périmètres agricoles dominés par les projets de petits barrages projetés, principalement à vocation céréalière.

En sus, le gouvernement mise sur le développement des projets de dessalement de l’eau de mer pour la production des fruits et légumes sur plus de 100.000 ha. "L’objectif est de mobiliser un milliard de m3, dont 500 millions de m3 en moyenne par an destinés à l’irrigation", assure le directeur de l’Irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole au sein du ministère de l’Agriculture. 

Ce levier servira à atténuer la pression sur les ressources en eau conventionnelles, tout comme les stations de dessalement d’eau de mer "permettront de réserver les ressources qui étaient allouées à l’eau potable des grandes villes, uniquement pour l’irrigation", se félicite Nizar Baraka.  

L’autre atout des stations de dessalement est de valoriser l’avantage comparatif dans la production des fruits et légumes, notamment en saison d’hiver, pour sécuriser l’approvisionnement du marché national et promouvoir le développement socio-économique local et régional.

Une agriculture résiliente et éco-efficiente

La stratégie Génération Green a un objectif de la plus haute importance : doubler la valeur ajoutée par m3, pour passer de 125 DH à 250 DH par m3. Au-delà de favoriser des cultures à haute valeur ajoutée et peu gourmandes en eau, il s’agit aussi d’améliorer l'efficacité hydrique de l’irrigation.

A cet effet, le gouvernement prévoit un investissement de 50 MMDH pour développer une agriculture résiliente et éco-efficiente, en actionnant les leviers suivants : 

- la modernisation des systèmes d’irrigation et l’amélioration de la valorisation de l’eau d’irrigation à travers le développement de l’irrigation localisée sur 350.000 ha ; 

- la valorisation des ressources en eau mobilisées par les barrages qui passera par l’extension et la sauvegarde de l’irrigation sur 72.000 ha ; 

- le développement de la petite agriculture irriguée en réhabilitant des périmètres de petites et moyennes hydrauliques sur 200.000 ha ; 

- le développement de partenariats public-privé (PPP) en irrigation pour contribuer à l’augmentation des projets d’irrigation en PPP pour l’extension et le renforcement de l’offre hydrique ;

- la conservation des eaux et des sols en préservant les terres agricoles.

La sécurisation des dotations et l'application des quotas 

En matière de gouvernance, les axes d’amélioration sont multiples, tant le précédent modèle de gestion de l’eau agricole au Maroc a montré des limites, dont la résilience insuffisante des systèmes d’approvisionnement à partir des barrages, la forte pression sur les eaux souterraines et le recouvrement insuffisant des coûts du service de l’eau. 

"Plusieurs actions sont entreprises pour une meilleure durabilité et efficacité des investissements et une meilleure responsabilisation des acteurs", plaide Ahmed El Bouari. A commencer par encourager le cofinancement, la conception, la construction et l’exploitation des projets d’irrigation.  

Dans un second temps, une gestion durable des nappes est en cours de mise en place, via des projets de sauvegarde, des contrats de gestion de participative, des systèmes de régularisation et de contrôle des prélèvements. En ce sens, le Maroc envisage une amélioration du service de l’eau, en s’appuyant sur la sécurisation des dotations, la généralisation des compteurs individuels et des contrats de vente d’eau, ainsi que l’application des quotas.

 

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