Justice : en trois ans, les principaux projets réalisés par Abdellatif Ouahbi et ceux attendus
Depuis sa nomination en tant que ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi a réalisé plusieurs projets et en a promis de nombreux autres. De la révision des lois sur les professions juridiques et judiciaires à la réforme de plusieurs textes sur lesquels repose le secteur de la justice, en passant par le lancement de plusieurs services digitaux, les projets de Abdellatif Ouahbi suscitent toujours des réactions.

Justice : en trois ans, les principaux projets réalisés par Abdellatif Ouahbi et ceux attendus
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Sara Ibriz
Le 17 octobre 2024 à 10h21
Modifié 17 octobre 2024 à 14h54Depuis sa nomination en tant que ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi a réalisé plusieurs projets et en a promis de nombreux autres. De la révision des lois sur les professions juridiques et judiciaires à la réforme de plusieurs textes sur lesquels repose le secteur de la justice, en passant par le lancement de plusieurs services digitaux, les projets de Abdellatif Ouahbi suscitent toujours des réactions.
Abdellatif Ouahbi est, sans aucun doute, l'une des rares personnalités politiques à assumer et à défendre des positions non consensuelles, notamment sur les libertés individuelles.
Cela explique peut-être – ou pas – les nombreuses polémiques qui ont été suscitées par le ministre durant ces trois dernières années, mais aussi des affrontements avec les professions sous la tutelle de son département, toujours d'actualité.
Focus sur les principaux projets réalisés ou attendus de Abdellatif Ouahbi.
Une digitalisation mitigée
Avant de s’intéresser au volet législatif, il convient de s’arrêter sur l’un des plus grands chantiers du ministère de la Justice : la digitalisation. Celle-ci fait l’objet de plusieurs promesses de projets. Certains ont été lancés, tandis que d’autres restent attendus, tout en donnant l’impression d’un retard continu en matière de transformation digitale.
À titre d’exemple, il n’y a, à ce jour, aucun texte qui encadre la tenue des procès à distance. Sachant que la technique de visioconférence est toujours utilisée dans les procès. Mais le ministre a déjà indiqué, en 2022, être contre cette forme de procès.
Autres exemples : l’informatisation incomplète, notamment au sein des tribunaux, mais aussi l’insatisfaction des utilisateurs des plateformes telle que Mahakim.ma et celle dédiée aux avocats. Pourtant, le ministre parle déjà d’encadrement de l’intelligence artificielle et se donne comme deadline les prochaines élections.
Il convient tout de même de noter que le portail Mahakim.ma a été récemment relifté. Bien que plus esthétique, le site ne répond pas encore à toutes les attentes des professionnels.
Mais d’autres services en ligne ont été lancés par le département du ministre Ouahbi. Il s’agit de la demande en ligne des certificats de nationalité marocaine, ou encore du casier judiciaire. Récemment, un projet de décret a été adopté dans l’objectif de mettre en place un registre des mandats en matière des droits réels permettant de lutter contre la spoliation foncière.
Si le ministre de la Justice ne fait pas l’unanimité en matière de digitalisation, le ressenti est similaire chez les professions sous la tutelle de son département.
Des professions en colère
Après avoir réussi les révisions des lois relatives au statut de la magistrature et à l’organisation judiciaire, le ministre a dû faire face à une véritable crise. Ces derniers mois, surtout depuis septembre 2024, le nombre de protestations a augmenté à l'encontre des textes émanant de son département ou encore du retard des textes promis par cette même autorité gouvernementale.
Il est même attendu que ces protestations se poursuivent ou s'aggravent si d’autres professions décident également de passer à l'action. Actuellement et depuis le 7 octobre, les greffes ont suspendu leur mouvement de grève lancé en avril 2024. Entre-temps, les avocats et les huissiers ont démarré leurs mouvements respectifs de boycott et de grèves qui sont toujours en cours.
Pour l’heure, les notaires et les adouls ne s’expriment pas. En fait, ils se sont déjà exprimés auparavant, notamment à travers des grèves pour les adouls. Mais en ce moment, les textes relatifs à leurs professions respectives ne sont pas d’actualité. Quant aux avocats, ils protestent contre l’adoption du projet de Code de procédure civile et rappellent plusieurs revendications, même si le texte régissant leur profession ne fait pas l’objet d’un examen ni au sein du gouvernement ni au sein du Parlement.
En réalité, une version a fuité en 2022, provoquant un tollé. Les représentants des avocats ont fermement rejeté ce texte et, en même temps, la tenue de l’examen du barreau qui avait fait polémique à l’époque et engendré de graves accusations dressées contre le ministre, lui-même avocat de profession. L’affaire avait été dépassée à la suite de l’intervention du chef du gouvernement et du Médiateur du Royaume qui ont préconisé la tenue d’un nouvel examen d’accès à la profession.
Des textes stratégiques
Le Code de la famille fait partie des textes dont l’importance est cruciale pour l’avenir du pays et auxquels Abdellatif Ouahbi a contribué puisqu’il faisait partie de l’équipe chargée du pilotage de la réforme de la Moudawana.
Mais avant cela, le ministre a partagé, à plusieurs reprises, son opinion sur plusieurs volets qui concernent ce texte. En 2022, un peu plus d'un an après sa nomination, Abdellatif Ouahbi détaillait déjà ses ambitions pour la réforme de la Moudawana. Celles-ci concernent notamment la réforme des procédures de divorce en optant pour un juge unique au lieu d'une instance de trois magistrats pour statuer dans ces affaires. Selon le ministre, cette disposition permettra aux juges désignés dans les ambassades marocaines à l'étranger de statuer sur les affaires de divorce impliquant les ressortissants marocains résidant à l'étranger, plutôt que de les contraindre à se déplacer au Maroc.
En matière de tutelle légale, actuellement dévolue au père en priorité, le ministre PAMiste a clairement pris position contre cette disposition discriminatoire et injuste. Tout comme le mariage des mineurs qu’il a appelé à supprimer du Code de la famille, voire à incriminer dans le Code pénal.
Ces deux textes se complètent sur plusieurs points, notamment en matière de filiation. Et pour le ministre, celle-ci peut être prouvée par un test ADN, notamment dans le cadre de relations sexuelles hors mariage, responsabilisant ainsi les parents sur le plan civil.
Lors d’une conférence tenue par la Fondation Lafqui Titouani en 2022, dont Abdellatif Ouahbi était l’invité, celui-ci a partagé la solution qui repose sur le fait d’imposer à la mère la responsabilité de l’enfant si celui-ci reste chez son père, et vice versa. Lorsque l’enfant aura atteint ses 21 ans, le parent responsable paierait une indemnité au parent qui a gardé l’enfant durant ces années. Il s’agit d’une indemnité que le ministre a déclaré vouloir introduire dans le projet de Code pénal qui devait voir le jour, selon lui, en janvier 2023. Le texte est toujours attendu.
Un aperçu du projet de Code pénal
À diverses occasions, le ministre a dévoilé certains de ses projets pour le futur Code pénal qui avait été retiré par le Chef du gouvernement en 2021, à la demande de Abdellatif Ouahbi.
L’objectif était de réviser en profondeur ce texte et d’accompagner cette réforme d'un nouveau Code de procédure pénale. Si ce dernier vient d’être adopté en Conseil de gouvernement, le Code pénal, lui, n’a pas encore été finalisé. Mais le ministre a parfois livré quelques aperçus de ce texte très attendu.
Il s’agit notamment de sanctions endurcies en matière de diffamation, surtout sur les réseaux sociaux. Le ministre donne d’ailleurs l’exemple et n’hésite pas à saisir lui-même la justice pour dénoncer des propos et écrits qu’il estime diffamatoires à l'égard de sa personne. Il avait ainsi initié un procès pénal contre le youtubeur Mohamed Reda Taoujni qui avait été condamné, puis gracié. Et plus récemment, le ministre a attaqué en justice le journaliste Hamid El Mahdaoui, dont le procès est en cours.
Le Code pénal va également prévoir des peines endurcies en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Une initiative louable pour le ministre qui estime que le rôle des cellules d’accompagnement des femmes victimes de violences doit être revu, d'autant que nombre de victimes ne franchissent même pas le pas de la plainte ou de la demande de soutien. La procédure d’accompagnement est donc à renouveler et à adapter avec les besoins réels.
Si de tels faits nécessitent un durcissement des sanctions, d’autres ne seront même pas incriminés. Il s’agit de l’enrichissement illicite, prévu dans l’ancienne mouture du Code pénal. Pour le ministre Ouahbi, la présomption d’innocence pèse davantage dans la balance, ne permettant donc pas de trouver un équilibre entre ce droit constitutionnel et la chasse aux corrompus. Sans le dire ouvertement, l’incrimination de l’enrichissement illicite semble être abandonnée par le ministre. Cela dit, une telle disposition peut être imposée par le Parlement si les députés la proposent et l’adoptent.
En avril 2023, à l’occasion d’une conférence sur les libertés individuelles, le ministre s'était exprimé sur l'avortement et l'adultère. Le premier est, de son avis personnel, "une affaire entre le médecin et la femme concernée". Le second est "injustement" sanctionné. Pour lui, "un simple signalement d'un inspecteur de police suffit pour prouver l'existence de l'adultère alors que même l'Islam exige la présence de quatre témoins pour prouver formellement l'existence d'une relation sexuelle extra-conjugale". Il rappelle que "les enfants et les proches sont les premières victimes de cette pratique contemporaine".
Mais rien n’indique que les positions du ministre seront incluses dans le texte en cours de préparation.
Toujours sur le plan pénal, le ministre a réussi à faire aboutir deux lois, dont l’une qui n’a pas été épargnée par les critiques. Il s’agit de la loi relative aux peines alternatives. L’autre texte qui, lui, a été adopté sans difficulté, est celui de la gestion des établissements pénitentiaires.
Il convient de noter que la loi relative aux peines alternatives a déjà été publiée au Bulletin officiel. Mais cette publication n’acte pas son entrée en vigueur qui dépend plutôt de plusieurs décrets d’application.
Simplifier les procédures
Outre la digitalisation des services visant à simplifier l’accès à la justice, le département de Abdellatif Ouahbi a également élaboré des textes visant à faciliter cet accès aux justiciables. Mais selon plusieurs praticiens, les dispositions de ces textes sont anticonstitutionnelles.
Après l’adoption du projet de Code de procédure civile par la Chambre des représentants et celui du Code de procédure pénale par le Conseil de gouvernement, des voix se sont élevées pour dénoncer les dispositions prévues dans ces textes.
Alors qu’ils ont pour but de simplifier l’accès à la justice pour les citoyens, ces textes sont accusés d’entraver les droits des justiciables. Par exemple, le projet de Code de procédure civile prévoit un plafonnement pour les recours, tandis que le projet de Code de procédure pénale interdit aux associations d’ester en justice en matière de deniers publics. Très critiquée, cette position est pourtant assumée par le ministre depuis 2022.
Ces dispositions mises à part, les deux textes ont apporté plusieurs nouveautés saluées par des professionnels exerçant dans la sphère judiciaire.
Du renforcement des garanties du procès équitable à l'orientation du recours à la garde à vue et à la détention préventive, en passant par le renforcement du rôle de l'avocat, le projet de Code de procédure pénale a ajouté 106 nouveaux articles et en a modifié plus de 300.
Le projet de Code de procédure civile prévoit, quant à lui, de céder la gestion de l’argent du justiciable à la Caisse de dépôt et de gestion au lieu des barreaux, mais aussi de supprimer l'institution du curateur et de mettre en place celle du juge de l'exécution qui est notamment chargé de superviser et de contrôler le déroulement de l'exécution des décisions de justice.
Pour ce qui est de l’exécution des jugements, le ministre a annoncé plusieurs mesures lors de ses passages au Parlement. Et celles-ci ont été jugées “encourageantes”.
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