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Designers de Rabat : Jonathan Amar, le designer 'globe-trotter' (2/3)

Jamil Bennani, Bassam Haddad et Jonathan Amar, trois architectes d’intérieur de la génération pionnière d’une discipline encore jeune au Maroc. Ces précurseurs, qui conçoivent des œuvres de design depuis trente ans, croisent leur regard sur l’évolution de la création et défrichent un terrain longtemps investi par les arts décoratifs traditionnels.

Théière de Jonathan Amar. Modèle Terai.

Designers de Rabat : Jonathan Amar, le designer 'globe-trotter' (2/3)

Le 25 février 2022 à 10h51

Modifié 25 février 2022 à 17h12

Jamil Bennani, Bassam Haddad et Jonathan Amar, trois architectes d’intérieur de la génération pionnière d’une discipline encore jeune au Maroc. Ces précurseurs, qui conçoivent des œuvres de design depuis trente ans, croisent leur regard sur l’évolution de la création et défrichent un terrain longtemps investi par les arts décoratifs traditionnels.

Trois designers contemporains, Jamil Bennani, Bassam Haddad et Jonathan Amar, dévoilent les coulisses de la création pour Médias24.

Chacun de ces 'maîtres' designers revient sur son parcours, miroir de l’évolution de cette discipline dans le pays. À travers le design, ils sont les passeurs d’une tradition artistique marocaine en permanente transformation.

Jonathan Amar.

Analyser la tradition et la technique, avant de passer au stade de la création

Jonathan Amar

Pour moderniser, il faut parfois juste simplifier. C’est la recette proposée par Jonathan Amar. « Dans l’artisanat, il y a toujours de l’imitation. Après, il faut réfléchir en termes de poids et de complexité des motifs et simplifier, dans le cas du zellige par exemple. Dans l’artisanat marocain, les motifs sont assez complexes. Cela a été fait d’ailleurs à différentes époques, dans les années 1930 et 1940. » Pour ce fervent défenseur de l’artisanat marocain, tout n’a pas encore été exploité dans le patrimoine. C’est le cas du plâtre, un domaine particulièrement maîtrisé mais qui fait l’objet de peu de création. « C’est un domaine dans lequel on est très fort au Maroc. Il faut peut-être aller dans ce sens », estime-t-il.

S’il existe un objet emblématique de l’art artisanal marocain, c’est bien la théière. Et c’est sur cet objet que Jonathan Amar a travaillé au cours des trois dernières années. Alors que la théière fait partie du quotidien de tous les Marocains, elle n’est pas simple à produire.

« Il y a au moins trente étapes au total pour fabriquer une théière, sinon plus. Et surtout, il y a plusieurs intervenants : celui qui fait le bec, celui qui fait le manche, etc. Chacun n’intervient que dans son propre domaine. C’est tout un assemblage de choses. Et une fois que tout est assemblé en laiton, on fait les finitions. Nous avons fait une finition en métal argenté, nickelé pour une utilisation courante, et en plaqué or aussi pour avoir une version dorée », détaille Jonathan Amar qui travaille depuis 1989 sur de prestigieux projets de design au niveau international, tant pour des espaces privés que commerciaux.

Une théière 4.0

Fabriquée à la main par des maîtres forgerons de Fès, la théière signée Jonathan Amar est le résultat d’un savant dialogue entre design et artisanat. « Notre théière est traditionnelle à 100% », affirme-t-il. En revisitant un savoir-faire ancestral, le créateur hisse cet objet vers la modernité. Réinterpréter en simplifiant cet objet artisanal est une manière aussi de garantir son utilité dans la durée.

Cette théière, qui se décline en deux modèles, 'Almis', une théière marocaine orientale, et 'Terai', une théière classique (voir photos), « a pas mal de succès », confie le designer. « Maintenant, le problème, c’est la production. En ce moment, on a eu des problèmes génériques, comme la matière première ou la livraison. D’autre part, si on veut un produit un peu plus élaboré, cela reste difficile même pour les artisans de Fès, qui pourtant savent faire des théières depuis longtemps. Mais on y arrive. »

Le designer précise, par ailleurs, que « ce sont les Anglais qui ont créé la théière marocaine. Elle n’a pas été créée à Fès. Après, il y a eu celles qui ont été faites en étain pour les services courants de tous les jours. C’était une belle matière. Maintenant, on ne travaille plus l’étain ».

Luminaire Studio Amar.

Analyser pour moderniser

Les théières Almis et Terai ont été conçues pour une utilisation quotidienne, pas uniquement pour « décorer ».

« On a fait une théière pour recevoir aussi. L’idée est d’avoir une théière que l'on peut utiliser tous les jours et que l'on peut évidemment mettre sur le feu », précise le designer, qui collabore avec les plus grands de la discipline, tels Philippe Stark, Kelly Wearstler ou encore Robert Stilin.

Le succès de "Jonathan Amar Studio" n’est plus à démontrer. Sa collection de luminaires Flow, par exemple, est distribuée par 1stDibs, la première plateforme d'objets de luxe dans le monde. Les activités de Jonathan Amar Studio sont réparties sur plusieurs domaines : le studio de design, la production de luminaires et de mobilier, l'aménagement d'espace et l'atelier de restauration. Ses créations sont représentées à Rabat dans la zone industrielle Azzahra (Oulja), et à Paris. Sa galerie est une suite logique dans son cheminement de créateur. Depuis son lancement fin 2017, il a exporté plus de 400 articles dans 21 pays (Europe, Amérique du Nord, Asie, Australie, États-Unis). À travers ses créations, Jonathan Amar réussit à exporter un savoir-faire et une autre vision du design, en sublimant les arts décoratifs du Maroc et d’ailleurs.

Comment fait-on d’ailleurs pour revisiter un objet traditionnel ? Pour Jonathan Amar, la première étape est d’analyser la tradition et la technique, avant de passer au stade de la création. Il est ainsi nécessaire de « voir à travers cette démarche quelles sont les possibilités des artisans. Certaines sont très limitées, parfois. L’artisan qui travaille l’osier, par exemple, rencontre des limites. Dans ce cas-là, il faut l’aider de telle sorte à ce qu’il puisse faire un produit complètement différent. L’apport d’un ferronnier peut y contribuer dans la mesure où c’est lui qui va habiller le rotin, par exemple », nous explique le designer.

Le designer 'globe-trotter'

Jouissant aujourd’hui d’une notoriété qui s’affranchit des frontières, Jonathan Amar a un avis tranché sur la modernisation des arts décoratifs du pays.

« Si on fait de l’artisanat, c’est vrai que c’est du déjà-vu. Il n’y a pas tant de renouveau que ça, mais je pense qu’en général il y une renaissance en termes de design au Maroc, c’est sûr. Et ce dans plusieurs domaines. On le voit dans l’image qui est portée à travers toutes les rénovations des lieux qui sont faites un peu partout. » Jonathan Amar relève, en revanche, que l’artisanat est très influencé par les designers étrangers. « Eux amènent beaucoup de plus-value à l’artisanat marocain », estime-t-il.

Interrogé sur ses sources d’inspiration, il cite sans hésiter ses voyages. En effet, il a arpenté le monde entier et exploré moult influences artistiques. Il est en cela un designer 'globe-trotter'.

Mais ce n’est pas tout. Le designer puise son inspiration dans « ce que je vois autour de moi. Il faut analyser des choses au jour le jour, les besoins, et en même temps les matériaux. Il est aussi nécessaire de sentir la tendance des matériaux qui marchent, et aller dans cette direction-là. On essaie aussi d’évoluer toujours avec les artisans, en améliorant leur travail avec le rêve d’arriver à un nouveau produit qui s’inscrit dans un schéma actuel ». Il qualifie son style d' « ethno-chic baroque », misant sur l'art de mélanger les cultures du monde.

Luminaire pour le restaurant de Philippe Starck.
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