La digitalisation du secteur financier se heurte à la méfiance envers les outils numériques (Experts)
Lors d’une rencontre organisée par la CFCIM, ce mercredi 27 novembre, les acteurs du secteur financier marocain ont débattu des enjeux de la digitalisation. Dans un contexte où les technologies évoluent à un rythme effréné, les institutions financières marocaines doivent s’adapter rapidement afin de répondre aux besoins croissants de leurs clients et ajuster leurs stratégies ainsi que leurs processus.
L’intelligence artificielle et la data forment un duo puissant qui permet de repenser les modèles économiques. "Si tu arrives à exploiter cette data, tu peux transformer ton business pour le rendre plus efficace et centré sur le client", a déclaré Maria Hzaine Meskini, responsable de la direction marketing et expérience client de Société Générale.
Les capacités d’analyse prédictive facilitent l’anticipation des besoins des clients et l’ajustement des services en temps réel, renforçant leur satisfaction. Ainsi, "l’objectif est de se recentrer sur des processus complexes tout en optimisant les coûts", a précisé Abdelaziz Benyahya, Chief Transformation Officer West Africa d'AXA Africa.
Digitalisation au service du secteur financier
Les institutions financières adoptent des outils numériques pour simplifier les transactions et améliorer la qualité des services. Par exemple, l’adoption de processus numériques a permis de réduire le recours au papier et d’accélérer le traitement des demandes, notamment lors de la crise sanitaire.
De plus, la montée en puissance des applications mobiles et des plateformes en ligne a renforcé l’autonomie des clients pour les opérations courantes, tout en offrant des conseils personnalisés pour des besoins plus complexes, comme l’épargne ou les crédits.
Les banques et assurances misent sur la data pour personnaliser leurs services et mieux comprendre les besoins des clients. En effet, "grâce à la segmentation comportementale, il est possible d’identifier les besoins spécifiques des clients. Cela permet de proposer des offres plus pertinentes et mieux adaptées", a précisé Mme Meskini.
Ainsi, "l’intelligence artificielle permet d’identifier des comportements anormaux, ce qui permet d’agir de manière proactive pour garantir la sécurité et la conformité", a précisé Redouane Mabchour, directeur général de Concentrix au Maghreb. Dans ce cadre, il est clair que l’IA permet non seulement la rapidité de traitement mais également une gestion des risques.
L’intégration des données dans les outils de gestion client (CRM) permet une rapidité et une gestion du temps rigoureuse. "Ce qui prenait des semaines d’analyse peut désormais être fait en quelques minutes grâce à l’intégration IA et CRM. Cela améliore notre capacité à répondre rapidement aux attentes du marché", a déclaré M. Benyahya.
Faire parler la data signifie prise de décision éclairée
Pour exploiter pleinement les données, les institutions financières investissent dans des infrastructures adaptées, tout en consolidant une culture interne axée sur la donnée. "Nous avons formé nos équipes pour qu’elles utilisent ces données comme une référence clé. Cela change fondamentalement la manière dont nous prenons nos décisions", a précisé Mme Meskini. Dans ce sens, la mise en place de « data lakes » permet de centraliser les informations et d’améliorer la prise de décision.
Le concept de "santé client" est primordial. Ce terme désigne une approche où l’accent est mis sur les besoins fondamentaux du client : être écouté, valorisé et rassuré.
"Le client ne veut pas savoir ce que nous savons faire, mais ce que nous pouvons faire pour lui", explique Mme Meskini.
Dans cette optique, les institutions financières marocaines doivent cesser de se concentrer uniquement sur l’innovation produit et adopter une approche véritablement centrée client. Pourtant, ce basculement est loin d’être simple.
"Nous affirmons être orientés client, mais en réalité, nos priorités restent souvent axées sur nos produits et innovations", explique Hazim Sebbata, directeur général de Cashplus et Président de l'APEP - association professionnelle des établissements de paiement.
Multicanal vs. Omnicanal
Les institutions financières marocaines se tournent progressivement vers l’omnicanal pour répondre aux attentes croissantes de leurs clients. Contrairement au multicanal, où chaque point de contact fonctionne de manière isolée, l’omnicanal propose une expérience fluide.
Mme Meskini explique : "Nous permettons à un client de débuter son processus en ligne, puis de le finaliser en agence. Cette continuité est essentielle".
Cependant, cette transition n’est pas sans défis. "L’omnicanalité exige une architecture intégrée où la data et les systèmes fonctionnent en arrière-plan, tout en offrant une interface unifiée au client", a précisé M. Benyahya.
Malgré des obstacles liés aux infrastructures existantes et aux habitudes des consommateurs, les experts s’accordent sur un point : "cette transformation est incontournable pour moderniser l’expérience client et répondre aux standards internationaux".
Défis : Rassurer pour dépasser les freins culturels
La digitalisation des banques et assurances marocaines repose sur un équilibre délicat entre technologie et interaction humaine. Pour convaincre, les institutions doivent rassurer leurs clients sur la sécurité et l’utilité des outils numériques. En parallèle, elles exploitent l’intelligence des données pour affiner leurs offres et optimiser leurs processus.
La digitalisation des services reste conditionnée par l’acceptation des usagers, et c’est là que surgit un paradoxe culturel.
Au Maroc, la méfiance envers les outils numériques reste un frein majeur à l’adoption massive des solutions digitales. Ce constat a fait consensus : "Les collaborateurs jouent un rôle clé en accompagnant les clients pour adopter les outils digitaux, étape par étape", a déclaré Mme Meskini. Cette approche implique des démonstrations en agence, où les conseillers doivent expliquer aux clients comment naviguer sur les applications bancaires ou utiliser les portails en ligne.
La transparence est essentielle pour instaurer la confiance : "La méfiance envers le digital peut être atténuée par une communication claire sur l’utilisation des données et une mise en avant des bénéfices pour le client", a ajouté Hazim Sebbata.
Malgré des investissements croissants dans la digitalisation, les entreprises marocaines se heurtent à un obstacle majeur, qui est la réticence des clients à adopter ces outils, a mentionné M.Sebbata. Le premier vendeur de billets d’avion au Maroc reste le cybercafé.
Ce constat illustre un manque de confiance envers les outils numériques, aggravé par un analphabétisme digital persistant. Même les services bancaires digitalisés, tels que les cartes de paiement, sont sous-utilisés pour les transactions commerciales. "80% des transactions réalisées avec une carte bancaire concernent des retraits, montrant que le cash reste le moyen de paiement préféré", précise-t-il.
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