Tunisie. Karoui, candidat à la présidentielle, sera interviewé en prison

L’élection présidentielle tunisienne ne finit pas d’étonner. La campagne est riche en rebondissements parfois cocasses, souvent inédits. Ci-dessous, le cas Nabil Karoui.

Tunisie. Karoui, candidat à la présidentielle, sera interviewé en prison

Le 10 septembre 2019 à 4h45

Modifié le 11 avril 2021 à 2h43

L’élection présidentielle tunisienne ne finit pas d’étonner. La campagne est riche en rebondissements parfois cocasses, souvent inédits. Ci-dessous, le cas Nabil Karoui.

La publication des sondages au cours de cette campagne présidentielle est interdite. Cela n’a jamais empêché les enquêtes des instituts de sondage de fuiter. Et selon la plupart des sondages dont la source est authentifiée, c’est Nabil Karoui qui était, début septembre, le grand favori.

Mais Nabil Karoui ne peut pas faire campagne par lui-même. Il est en prison depuis le 23 aout dernier, une détention préventive qui fait suite à son inculpation pour fraude fiscale et blanchiment d’argent. La date de son procès n’a pas été dévoilée.

La loi électorale tunisienne n’interdit pas à un inculpé d’être candidat à une élection, fût-elle présidentielle. Seule une condamnation définitive le privant de ses droits civiques pourrait l’en empêcher. En d’autres termes, Nabil Karoui, détenu à la prison de la Mornaguia à Tunis, pourrait devenir président élu. Son élection est même probable.

L’ISIE, l’instance indépendante qui organise les élections, applique la loi électorale à la lettre. Au cours des trois derniers jours, elle a organisé trois débats entre les candidats. Les candidats sont 26. Parmi eux, seuls 24 ont participé aux débats.

Le grand absent était Nabil Karoui et pour cause. L’ISIE, conformément à sa mission et sans aller jusqu’à critiquer la Justice, a déploré cette absence qui est contraire à l’égalité des chances entre les candidats.

Ce lundi 9 septembre, l’ISIE a annoncé qu’elle avait autorisé une chaîne de télévision privée à interviewer le candidat Karoui de sa prison. Ce sera effectivement une première, à condition que l’interview soit autorisée par l’administration pénitentiaire. On devine que le candidat en question exulte.

 Une cote de popularité qui explose

Son placement en détention préventive l’a victimisé et a fait exploser sa cote de popularité. Ce populiste, car c’en est un, est adulé par le peuple de la Tunisie profonde, vraie victime de la révolution. Nabil Karoui est tout sauf un enfant de chœur. C’est un communicateur redoutable et un homme d’affaires redouté. Son incarcération fait suite à une enquête provoquée par une plainte déposée par I Watch, étayée par un dossier relatif à la fraude et au blanchiment.

L’ascension de Karoui dans les cœurs des Tunisiens est une petite leçon politique. Il y a deux ans, il avait créé une association humanitaire qui avait commencé à arpenter le pays profond en distribuant des vivres, des couvertures, des vêtements, des fauteuils roulants,… en gros de l’alimentaire et des équipements de santé.

Karoui possède la chaîne de télévision Nessma dont la licence avait été octroyée par Zine Benali. Il a commencé son action humanitaire avec peu de moyens. La médiatisation aidant, ses convois comportaient récemment jusqu’à une vingtaine de camions de gros tonnage.

Si l’on croit qu’il suffit de distribuer des pâtes, du sucre et des fauteuils roulants pour devenir populaire, on se trompe. Karoui qui est un cas d’école a fait bien mieux. Il est devenu le leader de cette population dont il est sociologiquement et économiquement très éloigné.

Karoui s’est mis en scène lui-même, presque tous les jours. Il a parlé aux veuves et aux orphelins. Il a reçu de vieilles femmes démunies sur le plateau de sa télévision. Elles ont exposé leurs problèmes en direct. Toujours en live, il a interpellé les autorités, par exemple un gouverneur ou un ministre, le sommant de s’expliquer. Une semaine plus tard, elle revient sur plateau pour expliquer que le gouverneur l’a appelée dès le lendemain matin et lui a rendu justice.

Nabil Karoui a donné une voix aux sans-voix. Il a été proche des pauvres, les a défendus, leur a témoigné de l’empathie plus que de la compassion. Son secret est là.

 Un autre candidat réfugié en France

Donc, sur les 26 candidats, seuls 24 se sont présentés au débat. Le 25è est Nabil Karoui, en prison. Le 26e est Slim Riahi, sous le coup d’enquête judiciaire pour blanchiment et corruption. Il s’est mis au vert en France, accusant le Premier ministre Youssef Chahed, candidat à la présidentielle, de fabriquer de faux procès pour éliminer des adversaires politiques.

Il n’est pas le seul à porter une telle accusation. C’est également la posture de Nabil Karoui et de  Hafedh Caid Essebsi. Ce dernier dirige le parti fondé par son père, Nida Tounes. Il a quitté la Tunisie et n’a pas assisté à la cérémonie du 40e jour du décès de Beji Caid Essebsi, accusant Chahed de lui avoir fabriqué un dossier judiciaire.

Dans cette ambiance délétère, l’incertitude règne sur les résultats des élections. Les populistes mobilisaient dans les derniers sondages publics de mi-juillet, les premières places : Nabil Karoui, en tête, avec 23% à 32% des intentions de vote selon les instituts ; KaIs Sayed, un enseignement universitaire à la retraite surnommé robocop car il ne s’exprime qu’en arabe classique avec un débit saccadé ; Ennahdha avec 10% à 15% des voix, un parti à référentiel islamique qui flirte avec le populisme.

Le vote pour le premier tour aura lieu le dimanche 15 septembre 2019. A priori, les favoris sont Nabil Karoui, Youssef Chahed, Abdelkrim Zbidi et Abdelfattah Mourou (Ennahdha). Citons également en outsiders, Mehdi Jomâa, ancien premier ministre; Moncef Marzouki, ancien président; Abir Moussi, figure destourienne; et Mohamed Abbou.

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