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Fonds de dette. “Un nouveau modèle à dupliquer pour les financements à venir” (Tarik Hamane )

Tarik Hamane, DG de l'ONEE.
Ghassan Waïl El Karmouni | Le 5/2/2025 à 17:12
ENTRETIEN. Présentée comme une innovation financière sur le marché marocain des infrastructures, l’opération qui vient d’être bouclée a permis de faire connaître cette solution de financement et d’en faire le test grandeur nature. Le directeur général de l’ONEE, Tarik Hamane, revient pour Médias24 sur les principales conclusions tirées de cette première nationale.

Médias24 : C’est la première fois que le marché recourt aux fonds de dettes. Qu’est-ce que vous en tirez comme expérience ?

Tarik Hamane : Tout d’abord, c'est une première opération du genre à l'échelle du Maroc. Il faut dire que l'ONEE a été relativement pionnier en termes de financement, puisque nous avons été les premiers à faire la titrisation de créances au Maroc. Même en termes d'IPP, nous étions les premiers à le faire à l'échelle du continent. Y compris au Moyen-Orient à l'époque.

Deuxièmement, on remarque qu’il y a une manne aujourd'hui, et c'est le marché des capitaux qui n’a pas encore été suffisamment exploité. Cela a été démontré par le fait qu’il y a eu un engouement du marché pour l’opération, puisqu’elle a été sursouscrite plusieurs fois [sur les 2 milliards concernés, l’opération a attiré près de 7 milliards, ndlr]. Cela montre aussi l'appétit et l'intérêt du marché pour l'ONEE et pour les projets stratégiques de l'Office. Pour nous, c'est un nouveau modèle que l'on va tenter de dupliquer pour les financements à venir.

- Avez-vous une idée des prochains projets qui peuvent être concernés par ce genre de financement ?

- Effectivement, pour des ouvrages de production, de stockage ou de flexibilité du réseau, on va essayer de faire appel à ce mode de financement, notamment le stockage par batteries.

L'ONEE reste l'opérateur parce que l’autoroute fait partie du système électrique national

On a quelques projets de stockage par batteries qui sont prévus pour la stabilité du réseau et pour renforcer la capacité de stockage pour la gestion de la pente.

- Et pour le photovoltaïque ?

- Non, pas forcément. Nous comptons installer des solutions de stockage par batteries pour le réseau et pour la flexibilité. Et peut-être même d'autres types d'opérations thermiques qu'on peut envisager.

- Cela pourrait-il concerner les projets de réseau et l’autoroute électrique Dakhla-Casablanca ?

- Non. Pour le réseau, c'est essentiellement du financement concessionnel. Parce que ce sont des infrastructures qui ont une rentabilité à long terme. Et les bailleurs de fonds multilatéraux ont l'habitude de financer ce projet avec des taux très bas. Donc, on va garder ce levier, à part la ligne courant continu. Là, cela va être du financement à travers le privé. Pour l’autoroute, c'est un autre processus qui va se faire avec le concours du privé, en concession. C'est le schéma vers lequel on s'oriente. Bien sûr, l'ONEE reste l'opérateur parce que l’autoroute fait partie du système électrique national. Mais l'avantage de ce mode de financement, c'est qu'on peut le faire maintenant et que cela peut se faire même dans le cas d'un PPP. L'essentiel, c'est que c'est associé à un projet.

- Et pour l'eau et le dessalement ?

- Pour la plupart des stations de dessalement, on va le faire en PPP, sauf les petites. Effectivement, concernant ces dernières, cela peut être un schéma de financement. Aujourd'hui, l'arbitrage va se faire en termes de conditions de financement entre les conditions bancaires et le recours au marché financier, notamment les opérations qui ne recourent pas à la garantie de l’État.

Tous les bailleurs de fonds ne financent pas les turbines à gaz

Donc l'idée, c'est de faire davantage appel au marché des capitaux. Pour cette opération, cela a été quasiment du 50/50 entre secteur bancaire et marché de capitaux. Mais, au fur et à mesure que le marché s'approprie le produit et le comprend, les conditions vont s’améliorer et la partie financement du marché va augmenter.

- On a observé quand même que c'était un montant assez faible par rapport aux besoins de l'ONEE…

- C'est une opération. On finance un projet. On ne finance pas les besoins de l'ONEE. Donc cela reste quand même un projet important. On parle de 1.000 MW et de 4 milliards de dirhams. C'est significatif, mais c'est un premier projet. On a d'autres projets qui portent essentiellement sur le stockage ou la flexibilité pour lesquels on va essayer de faire appel à ce type de fonds structurés.

- Pourquoi avez-vous recouru à ce type de financement alors que cela aurait pu être financé par d’autres mécanismes comme des prêts concessionnels ou 100% bancaires ?

- Avec le concessionnel, cela aurait été difficile parce que tous les bailleurs de fonds ne financent pas les turbines à gaz. Moi, je pense que c’est une belle opération qui nous a permis de sortir avec des taux beaucoup plus intéressants que les taux des banques classiques. C’est vrai qu’on a quand même levé de la dette bancaire, mais du 50/50, c'est déjà pas mal. Je pense que c'est un bon modèle. Et l'objectif qui a été fixé, c'est qu'à terme, la partie banque va être réduite. De toute manière, avec tous les projets d’infrastructures que connaît le Maroc, il y aura une grande pression sur le prêt bancaire, et le recours à ce genre de financement deviendra une nécessité.

Avec tous les projets d’infrastructures que connaît le Maroc, il y aura une grande pression sur le prêt bancaire, et le recours à ce genre de financement deviendra une nécessité

- On peut avoir une idée du taux que devra payer l’ONEE entre le prêt et la levée ?

- All in, on est autour de 4,5%, qui est un très bon taux.

- Concernant les remboursements, ils se feront sur les revenus futurs de la centrale. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?

- Globalement, il y a le coût de l’investissement, celui du fonctionnement, y compris la maintenance [un contrat de maintenance à long terme a d’ores et déjà été signé avec Mitsubishi, fournisseur de la turbine, ndlr], ainsi que le coût du carburant. En face, il y a un volume d’électricité produite. Nous allons payer la centrale avec le prix de vente, qui égale la somme des coûts actualisés multipliée par le volume. Ce volume est nanti. Il s’agit, dans le business model, de 30% de la capacité totale de la centrale. Cette dernière ne devant fonctionner que durant la pointe, soit quasiment 30% du temps.

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