La reconduction de Sánchez est une victoire géopolitique pour le Maroc (Abdellali Barouki)

Au lendemain de la reconduction du président sortant à la tête de l’exécutif ibérique, un spécialiste des relations hispano-marocaines estime que le nouveau mandat de Pedro Sánchez pourrait pousser d'autres États européens à sortir de leur neutralité sur la question du Sahara marocain. Selon Abdellali Barouki, le Portugal pourrait être le premier pays à s'aligner sur la position de son voisin espagnol qui a consacré la proposition d’autonomie comme étant la solution la plus crédible pour résoudre le conflit qui dure depuis près d'un demi-siècle.

La reconduction de Sánchez est une victoire géopolitique pour le Maroc (Abdellali Barouki)

Le 19 novembre 2023 à 9h11

Modifié le 19 novembre 2023 à 9h11

Au lendemain de la reconduction du président sortant à la tête de l’exécutif ibérique, un spécialiste des relations hispano-marocaines estime que le nouveau mandat de Pedro Sánchez pourrait pousser d'autres États européens à sortir de leur neutralité sur la question du Sahara marocain. Selon Abdellali Barouki, le Portugal pourrait être le premier pays à s'aligner sur la position de son voisin espagnol qui a consacré la proposition d’autonomie comme étant la solution la plus crédible pour résoudre le conflit qui dure depuis près d'un demi-siècle.

Lors d'un vote qui s'est tenu jeudi 16 novembre au parlement espagnol, le leader du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a obtenu la confiance nécessaire du Congrès des députés pour un deuxième mandat de président du gouvernement. Une reconduction qui intéresse directement le Maroc, avec qui Pedro Sánchez avait opéré, en mars 2022, un rapprochement spectaculaire sur la question du Sahara marocain.

"Le Maroc est le gagnant indirect des élections espagnoles"

Sur la victoire de ce dernier qui n’était pas favori, et dont le parti est arrivé deuxième derrière le Parti populaire en nombre de sièges parlementaires, le chercheur hispanophone Abdellali Barouki affirme que le Maroc peut être qualifié de gagnant indirect des élections espagnoles générales de juillet dernier.

Notre interlocuteur affirme  que le deuxième mandat du PSOE permettra de confirmer la position du gouvernement sur la question du Sahara marocain, en rappelant que l’Espagne a été le premier État européen à sortir de la neutralité sur ce dossier.

"Sachant que beaucoup d'intérêts économiques et sécuritaires lient les deux royaumes, notamment dans le cadre de la feuille de route signée en avril 2022, le gouvernement central n’aura par conséquent aucun intérêt à revenir sur sa position à l'égard de la question du Sahara marocain", estime le chercheur pour qui l’attribution commune du Mondial de 2030 ne manquera pas de renforcer davantage leur coopération bilatérale.

 "Le pouvoir de nuisance des partis espagnols d’extrême gauche est devenu très limité"

Malgré l’alliance du PSOE avec le parti d'extrême gauche Sumar, favorable à la thèse séparatiste du polisario, Barouki estime que le gouvernement mené par Sánchez aura moins de mal à continuer à défendre la primauté de la solution d’autonomie marocaine, en rappelant que son allié "arithmétique" a été obligé d’occulter cette question dans son programme électoral, en priorisant les questions de politique intérieure et européenne qui ont pris le dessus.

"Même s'il y a de nombreux députés chez Sumar, dont certains sont d'origine ou liés au polisario, défendent encore les séparatistes, ce parti n’en fait plus une priorité et limite sa position à un simple soutien idéologique", précise l’universitaire, pour qui Sumar a certainement dû faire des concessions d'ordre idéologique pour prendre part au nouveau gouvernement socialiste.

Selon l’expert en relations hispano-marocaines, la presse du polisario a d’ailleurs accusé ce parti d'extrême-gauche d’avoir instrumentalisé leur cause sécessioniste en défendant mollement leur thèse durant la campagne électorale, mais sans la mentionner officiellement dans son programme électoral, contrairement au passé.

"Les grands perdants sont le polisario et l’Algérie"

De plus, la quasi-disparition du champ politique ibérique du parti Podemos, l’autre grand soutien des séparatistes qui faisait partie de la précédente coalition gouvernementale avant d’être laminé au scrutin législatif, ne manquera pas de limiter le pouvoir de nuisance des opposants à la solution d’autonomie.

Ainsi, la reconduction de Sánchez a été une énorme déception pour le polisario qui tablait sur une montée en puissance du poids politique de l'extrême gauche ou de l’extrême droite (Vox) pour que l'Espagne, quelque soit le nouveau gouvernement, retourne à une position de neutralité sur la question de Sahara.

Idem pour son parrain algérien qui a tout essayé, en vain, pour obliger le gouvernement espagnol à revenir sur sa reconnaissance de la proposition marocaine d’autonomie, notamment en rappelant  son ambassadeur de Madrid et en rompant unilatéralement le traité d’amitié Algérie-Espagne.

Conscient d’avoir perdu beaucoup de temps au niveau économique et commercial avec un partenaire important en Europe, le pouvoir algérien a dû se résoudre à envoyer un nouvel ambassadeur en Espagne après 18 mois de brouille.

"L’Espagne de Sánchez pourrait faire sortir de leur neutralité des pays comme le Portugal"

À la question de savoir si Sánchez pourrait aller jusqu'à reconnaître plus explicitement la marocanité du Sahara, le chercheur préfère temporiser en rappelant que, lors de la précédente législature, son premier gouvernement avait déjà fait un énorme pas alors que sa coalition comportait de fervents opposants à cette position, à l'instar de Podemos et Sumar.

Au grand dam du polisario et de l'Algérie, le président du gouvernement ibérique avait en effet annoncé dans une lettre adressée au souverain que "l'initiative marocaine d'autonomie était la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend".

N’excluant pas la possibilité que l'Espagne finisse,  à terme, par reconnaitre explicitement la marocanité du Sahara, le chercheur pense que tout dépendra de la mobilisation de la diplomatie marocaine, mais qu’entre-temps, l'Espagne, qui préside jusqu'au mois de décembre l'Union européenne, pourrait pousser d'autres pays européens à sortir de leur neutralité.

Avec des intérêts économiques de l'Espagne étroitement liés à ceux du Maroc qui devraient encore se développer, l’expert avance que la diplomatie espagnole se mobilisera certainement pour inciter ses voisins européens, et notamment le Portugal, à évoluer sur la question de l'autonomie proposée par le Maroc.

"Il faut être patient, mais l'optimisme est de circonstance car il ne faut pas oublier que le PSOE a voté contre une résolution du Parlement européen qui dénonçait la répression de la presse au Maroc, et qu’en tant que partie prenante avec sa flotte dans les provinces du sud, il défendra certainement la validité de l'accord de pêche Maroc-UE au tribunal européen qui sera bientôt tranchée", conclut l’universitaire en ajoutant que, comme le veut la tradition initiée par Felipe González, Pedro Sánchez devrait consacrer sa première visite officielle à l'étranger au Maroc.

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