Les principaux enseignements des élections tunisiennes

Voici en six points, l’essentiel des élections législatives tunisiennes. Qui gagne ? qu’est ce qui va changer ? quels enseignements pour la région ?  

Les principaux enseignements des élections tunisiennes

Le 27 octobre 2014 à 15h46

Modifié le 27 octobre 2014 à 15h46

Voici en six points, l’essentiel des élections législatives tunisiennes. Qui gagne ? qu’est ce qui va changer ? quels enseignements pour la région ?  

      1- Un grand ami du Maroc au pouvoir.

C’est le parti de Beji Caïd Essebsi qui a gagné. Un parti qui revendique une filiation bourguibienne. Il sera libéral sur le plan économique, politique, culturel et social. Il poursuivra avec détermination la politique sécuritaire de lutte contre le terrorisme qui a donné d’excellents résultats avec le gouvernement technocrate actuel.

Surtout, il saura préserver l’indépendance de décision et la souveraineté de la Tunisie, prise en étau entre deux grands voisins.

Beji Caïd Essebsi, BCE comme on l’appelle, est un grand et vrai ami du Maroc qu’il connaît depuis les années soixante.  Il a dans notre pays de nombreux amis et considère, en authentique bourguibien, qu’un Maroc fort est indispensable à l’équilibre du Maghreb et à sa stabilité. Une alliance avec le Maroc ou en tous les cas des relations fortes avec le Royaume lui paraissent donc indispensables. En juin dernier, il a été le seul chef de parti à être reçu par le Roi Mohammed VI alrs en visite en Tunisie.

BCE dispose également d’amitiés solides dans les pays du Golfe (Emirats surtout et à un degré moindre Arabie saoudite) et en Europe. C’est un fin politique  qui a une trempe d’homme d’Etat.

BCE est favorable à la laïcité, c’est-à-dire la neutralité de l’Etat dans le domaine religieux, la religion restant confinée dans la sphère privée.

Contrairement aux rumeurs diffusées par la presse internationale, Nida Tounes n’est pas le repaire des résidus de l’ancien régime. Les caciques de l’ancien régime, parfois décomplexés, se sont éparpillés entre différentes formations politiques, y compris Nida Tounes et Ennahdha. Ils ne constituent en aucun cas le noyau dirigeant ni de l’un ni de l’autre. La plupart d'entre eux se sont regroupés dans deux petits partis, Al Moubadara et le parti Destourien, qui ont recueilli un nombre infime de voix.

 

2- Qui va gouverner?

Il y aura un gouvernement de coalition qui sera conduit par le parti gagnant, Nida Tounes. Le choix du premier ministre est un mystère car il n’y a pas beaucoup de personnalités qui sortent du lot dans le camp démocrate.

Ces législatives à un tour sont essentielles car le régime politique choisi est un régime parlementaire.

Les élections présidentielles auront lieu le 23 novembre en deux tours, sauf si un candidat obtient la majorité absolue dès le premier tour. Le président aura des pouvoirs très limités.

La présidentielle sera surtout un match entre BCE, 87 ans et Moncef Marzouki, le président sortant, dont le parti CPR a obtenu… 4 sièges aux législatives. BCE sera favori.

Le nouveau parlement sera installé le 25 novembre et le nouveau gouvernement vers le 10 décembre.

     

     3- Les médias étrangers.

Les Tunisiens du camp démocrate sont très critiques à l’égard du traitement médiatique, dominé par les clichés, fait par les médias internationaux.

Ils estiment que les occidentaux, américains ou français par exemple, ont une attitude extrêmement complaisante vis-à-vis du parti Ennahdha. Comme si, pour reprendre les mots du penseur Fethi Benslama, la gauche avait besoin du parti islamiste pour se donner bonne conscience après avoir soutenu la dictature de Ben Ali ; et comme si la droite avait besoin des islamistes pour se donner un ennemi.

     

     4- La fin de l’islam politique.

La défaite d’Ennahdha est totale. Plus de 72% des Tunisiens, selon les chiffres provisoires, ont voté contre eux et ont voté pour un pays sécularisé.

Ennahdha ne reviendra plus aux affaires sans abandonner réellement son référentiel religieux et son double langage. Ses dirigeants l’ont d’ailleurs compris puisqu’ils ont fait campagne autour des thèmes de … liberté et d’égalité entre les hommes et les femmes.

Mais l’événement est un petit séisme dans tout le monde arabe: après l’Egypte et la Libye, voici que les Tunisiens chassent littéralement Ennahdha du pouvoir.

Un cycle est terminé, celui de l’islam politique des Frères musulmans. Ces derniers auront eu une première séquence où ils prônaient la lutte armée. Une seconde séquence où ils ont fait mine de devenir démocrates et grâce à laquelle ils ont accédé au pouvoir. Ils se sont révélés faux démocrates et piètres gestionnaires. C’est la fin du slogan “l’Islam est la solution“. Il ne suffit pas d’être dévot ou pieux pour diriger un pays.

    

     5- La Tunisie, une démocratie.

Avec la chute des fréristes, la Tunisie accède enfin au statut de démocratie. La démocratie, ce n’est pas seulement un système, des textes, c’est aussi une pratique et une réalité. Avec Ennahdha, ce n’était pas le cas, car Ghannouchi ambitionnait de revenir sur les acquis de la femme, sur l’égalité hommes-femmes et voulait ré-islamiser la société.

    

     6- L’apprentissage de la démocratie.

La Tunisie est passée, avec la révolution, du statut de dictature à celui de pays libre.

Mais l’apprentissage a été ardu et le prix à payer élevé: implantation du terrorisme, insécurité, mauvaise gouvernance, baisse de l’activité touristique, des réserves de change, des taux de croissance, dévaluations successives de la monnaie, inflation, hausse des déficits…

Dans ce qu’on appelle les printemps arabes, chaque cas est à part. Aucun pays ne ressemble à un autre.

Ce qui a aidé la Tunisie à réussir la transition, c’est la faiblesse de son armée (une armée faible n’a pas la tentation de prendre le pouvoir), l’éclatement du paysage politique (Enahdha a dirigé le pays avec seulement 41% des sièges), la force de la société civile (qui a paralysé le pays pour faire tomber Ennahdha et elle y est parvenue), et enfin l’existence d’une grande centrale syndicale de tradition laïque et qui revendique 500.000 travailleurs adhérents dans le pays.

De plus, le pays est petit (220 km de largeur), fait de plaines, uni sur les plans linguistique, géographique, confessionnel et ethnique depuis de nombreux siècles. Il dispose d’une tradition forte d’Etat central.

Contrairement à d’autres pays arabes, l’Etat-nation a résisté malgré les coups et les institutions ont résisté à la volonté de main mise d’Ennahdha.

Mais il faut relativiser le succès électoral: moins de trois millions de Tunisiens ont voté, sur une population majeure de 8,4 millions d’individus. L’organisation des élections par une instance indépendante choisie par l’assemblée constituante a fait l’objet de critiques virulentes de la part de la société civile.

De plus, l'argent a sévi pendant ces élections, argent sale, achat de voix, cadeaux, violations des règles éthiques et des lois ont été signalés par les différentes ONG qui ont supervisé les élections.

Au final, la principale victoire est bien celle d'avoir réalisé une alternance pacifique du pouvoir, un événement que la Tunisie n'avait jamais connu de son histoire.

7- Le rôle des médias

Les sondages "sorties des urnes" réalisés dimanche lors des législatives comportaient une question supplémentaire: comment vous êtes vous forgé votre choix? La réponse est très intéressante: d'abord par les médias. Ensuite les réseaux sociaux, le cercle amical et la famille. Mais les médias d'abord et loin devant.

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