Pr William Zartman: «L’Algérie est dans un fossé, elle agit pour provoquer le Maroc»
EXCLUSIF. Spécialiste des relations internationales, le Pr William Zartman suit la politique au Maghreb depuis plus de 30 ans. Il est notamment l’auteur de La Résolution des conflits en Afrique.
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Propos recueillis par Jamal Amiar
Le 17 janvier 2014 à 18h10
Modifié le 17 janvier 2014 à 18h10EXCLUSIF. Spécialiste des relations internationales, le Pr William Zartman suit la politique au Maghreb depuis plus de 30 ans. Il est notamment l’auteur de La Résolution des conflits en Afrique.
Professeur émérite de relations internationales à l’université Johns Hopkins de Washington, William Zartman répond aux questions de Médias 24 au moment où semble se dessiner une transition du pouvoir à Alger. Le président Bouteflika est rentré jeudi à Alger à l’issue d’un séjour de quatre jours dans un hôpital parisien. Sa maladie, son affaiblissement physique visible, entretiennent inquiétude et incertitude en Algérie et posent la question de la succession. Son mandat s’achève le 16 avril prochain.
Médias 24 : Quel serait l’impact politique de la disparition du président algérien Abdelaziz Bouteflika ?
William Zartman : L’Algérie est déjà déstabilisée et sclérosée avec le système Bouteflika et Bouteflika lui-même.
En Algérie, il y a beaucoup de va-et-vient, de grabuge et de conciliabules, de conflits internes larvés et c’est le cas aussi dans son entourage.
Même si tout le monde se met d’accord sur une succession, ces conflits vont empirer. Cela veut dire qu’on ne peut pas s’attendre à des décisions ou à des initiatives à court terme.
La suite, comme cela est le cas depuis toujours à Alger, va dépendre du rôle que va jouer l’armée, sachant que l’armée ne veut pas gouverner par elle-même car elle bénéficie suffisamment de ses arrangements avec Bouteflika. Ils avaient besoin l’un de l’autre. L’avenir reste ouvert.
Maintenant que l’un de ces deux pôles de stabilité est en train de tomber et on ne sait pas quel véritable rôle l’armée va jouer dans le choix du successeur. Cependant, rien n’est immuable.
Quel impact régional est-ce que vous entrevoyez ?
W.Z : Pour la région, rien ne va changer. Ce n’est pas un moment où on va assister à une initiative sur le Sahara ou quoi que ce soit. C’est dommage car cela pourrait être l’occasion de faire bouger les choses, de desserrer l’emprise de l’armée algérienne sur le dossier du Sahara.
Mais cela pourrait aussi être l’occasion pour le Maroc de prendre une initiative aussi sur le dossier de l’autonomie du Sahara. Comme cela peut être un moment pour les partenaires des deux pays de prendre une initiative également.
Avec les grandes puissances, les Etats-Unis vont continuer leur coopération militaire avec l’Algérie, ainsi que leur coopération sur le pétrole et sur le gaz, même s’il n’y a pas de grande proximité diplomatique. L’objectif est la stabilité de la région.
Le départ de Bouteflika peut-il modifier les rapports régionaux et les équilibres maroco-algériens ?
W.Z : Peu de choses, sinon rien à court terme, notamment parce que rien ne change en matière de positions sur le Sahara d’un côté comme de l’autre.
Par ailleurs, en Algérie on n’attend pas l’arrivée d’un nouveau leader fort qui va adopter une nouvelle direction politique. Aujourd’hui, il n’y a pas de leader fort en Algérie, pas de force politique forte et décisive.
En vous écoutant, vous semblez désabusé et pas réjoui par l’évolution politique algérienne ?
W.Z : Les choses n’évoluent pas. L’Algérie est dans un fossé, elle agit pour provoquer le Maroc. Bouteflika est un spécialiste pour « tirer dans la bouche », comme on dit en anglais, « to shoot in the mouth. »
Bouteflika est expert pour faire des déclarations qui bloquent, provoquent et laissent les choses en l’état. Même les Etats-Unis se plaignent de l’absence de l’Algérie sur certains dossiers régionaux comme le Mali.
L’Algérie se replie et se referme sur elle-même, mais elle fait des coups quand c’est possible.
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Propos recueillis par Jamal Amiar
Le 17 janvier 2014 à 18h10
Modifié 17 janvier 2014 à 18h10
