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Parc national de Souss-Massa : ultime royaume de l’ibis chauve et autres espèces menacées

REPORTAGE. Connu depuis l’Égypte pharaonique qui lui consacre un hiéroglyphe dans son iconographie, l’ibis chauve, symbole de grandeur et de splendeur, peuplait jadis l’ensemble du pourtour méditerranéen. Cette espèce survit aujourd’hui dans la région de Souss-Massa. Son parc national offre un écosystème idéal pour la préservation d’autres espèces vulnérables comme l’antilope addax, la gazelle dorcas et l’autruche à cou rouge.

Parc national de Souss-Massa : ultime royaume de l’ibis chauve et autres espèces menacées

Le 23 avril 2022 à 8h33

Modifié 29 avril 2022 à 13h43

REPORTAGE. Connu depuis l’Égypte pharaonique qui lui consacre un hiéroglyphe dans son iconographie, l’ibis chauve, symbole de grandeur et de splendeur, peuplait jadis l’ensemble du pourtour méditerranéen. Cette espèce survit aujourd’hui dans la région de Souss-Massa. Son parc national offre un écosystème idéal pour la préservation d’autres espèces vulnérables comme l’antilope addax, la gazelle dorcas et l’autruche à cou rouge.

Moins d’un mètre de plumage noir jais. Le jour, les reflets de lumière subliment ses ailes de nuances vertes et pourpres. Habituellement silencieux, malgré un long bec courbe et rouge, il niche dans des parois abruptes, près de rivières, de fleuves ou même en bord de mer. Son crâne glabre lui donne un air de vieux sage. Peut-être qu’il l'est.

Et contrairement aux autres oiseaux noirs, tel le corbeau qui dans l’imagerie populaire est synonyme de mauvais présage, l’ibis chauve symbolise la splendeur et la grandeur. L’oiseau apparaissait fréquemment dans l’iconographie égyptienne puisqu’il vivait dans les falaises rocheuses de la rive orientale du Nil. Dans l’Égypte pharaonique, son hiéroglyphe exprime la notion de akh, une transfiguration permettant aux défunts de vivre dans l’au-delà. En dépit de son aura légendaire, l’ibis chauve est en danger à l'échelle mondial. Jadis, on pouvait l’observer dans toute l'Europe centrale, en Afrique du Nord, dans le pourtour méditerranéen et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, il a pour unique royaume le Parc national de Souss Massa, au nord d’Agadir.

L’ibis chauve a d’autres spécificités que le Dr Mohammed El Bekkay, directeur du parc national de Souss Massa, nous décrit. "Il a un crâne qui est dégarni de plumes, et c’est pour cela qu’on parle d’ibis chauve. En plus, ce n’est pas un oiseau qui menace la productivité végétale au niveau du territoire. Carnivore, il se nourrit de lézards, de scorpions et de petits insectes qu’il trouve sur le sol. Il attire la convoitise de nombre de visiteurs qui s’y intéressent."

L’ibis chauve.

Un vivier ornithologique

Il faut savoir que le parc national de Souss Massa, situé dans un environnement bioclimatique aride, se caractérise par une diversité et un dynamisme des milieux. De nombreuses espèces animales et végétales y ont ainsi trouvé un habitat propice à leur développement. "L'ibis chauve (Geronticus eremita) reste l'élément le plus remarquable de son avifaune. La zone du parc en abrite la colonie nicheuse la plus importante du monde entier. La population des ibis est estimée à quelque 250 à 300 oiseaux, avec une cinquantaine de couples nicheurs", précise Zouhair Amhaouch, chef de la division des Parcs et réserves naturelles à la direction de la Lutte contre la désertification et la protection de la nature (département des Eaux et forêts).

L’autre spécificité du parc réside dans le fait qu’il accueille les deux embouchures de oued Souss et oued Massa qui sont classées sites Ramsar - une convention internationale qui s’intéresse aux zones humides d’importance internationale pour les oiseaux migrateurs. Ces deux fleuves revêtent un grand intérêt ornithologique avec 250 espèces d’oiseaux, dont au moins 86 nicheuses, d'après Zouhair Amhaouch.

Des milliers d’oiseaux représentant plus de trente espèces (canards, limicoles...) hibernent chaque année aux embouchures des oueds Souss et Massa. Des espèces rares telles que la spatule blanche, l’avocette, le flamant rose et la cigogne blanche, fréquentent également ces zones humides en nombre important.

Une colonie du grand cormoran du Maroc, localisée également sur les falaises côtières au sud du parc, héberge un effectif dépassant largement les 35 couples nicheurs. A côté des ibis et des grands cormorans, nichent aussi le cormoran huppé, le faucon lanier et la buse féroce. Notons que l’autruche à cou rouge est le seul oiseau réintroduit dans le parc.

L’autruche à cou rouge

Gazelle dorcas, addax et oryx, le trio inédit

Et pour bien comprendre l’importance de ce parc à l’échelle nationale, le Dr Mohammed El Bekkay rappelle que "la région accueille environ 250 espèces d’oiseaux sur les 360 espèces que l’on peut observer sur tout le territoire. Ainsi, la bande côtière du parc national de Souss Massa accueille plus des deux tiers de la richesse nationale, et est à proximité d’une des plus belles destinations balnéaires du Maroc. Donc, les potentialités de développement d’un tourisme ornithologique pour l’observation d’oiseaux sont considérables".

Hormis la diversité ornithologique du parc, dont la vedette incontestée reste l’ibis chauve, le site s'enorgueillit de pas moins de 300 espèces végétales et d'une vingtaine de mammifères, sans oublier la vingtaine de reptiles qui s’y trouvent.

Les espèces les plus remarquables de la faune mammalienne de ce parc sont le sanglier, le chacal, le renard, le lièvre, la mangouste, le chat sauvage, la genette et le porc-épic. Une douzaine d’espèces de micromammifères, représentant sept familles, occupent également la zone du parc. Deux espèces de chauves-souris ont été identifiées dans le secteur de Massa (par Aulagnier et Thévenot, 1986) : nyctère de la Thébaïde  et rhinolophe de Cafrerie.

En plus de ces espèces issues de souches sauvages, d’autres ont été réintroduites dans le but de reconstituer la faune du grand Sud marocain et d’augmenter l'attrait touristique du parc. Il s’agit de l’antilope addax, de la gazelle dama mhorr, de la gazelle dorcas et de l’antilope oryx. Réintroduites ces dernières années, la gazelle dorcas, l’addax et l’oryx sont trois des plus importantes populations semi-captives d’antilopes que renferment les deux réserves naturelles du parc de Souss Massa (Rokkein et Arrouais).

Cette faune saharienne avait disparu du Maroc, depuis 1945 pour l’autruche d’Afrique du Nord, dès les années 1950 pour l’addax et 1970 pour l’oryx. Le département des Eaux et forêts vise la réhabilitation de ces espèces, pour qu’elles se développent dans ces espaces, avant leur réintroduction dans leur habitat naturel. "Il y a un prélèvement presque annuel d’une vingtaine à une trentaine d’individus qui sont ramenés vers l’aire de répartition biologique pour qu’ils puissent être relâchés dans leur espace naturel", indique le directeur du parc. Depuis une dizaine d’années, plus d’une vingtaine d’opérations de translocation de faune ont été réalisées, et plus de 300 individus ont été relâchés dans leur milieu naturel.

Un groupe d'addax

Un territoire et des engagements

Toutes ces espèces évoluent aujourd’hui dans cette aire protégée créée en 1991. Il s’agit d’une bande côtière d’une longueur de 65 kilomètres, qui s’étend sur une superficie de quelque 33.800 ha, allant de l’embouchure de l’oued Souss au sud de la ville d’Agadir jusqu’à la zone d’Aglou, au niveau de la province de Tiznit (voir aussi la carte du Parc). Le parc est à cheval entre trois provinces : Inezgane Ait-Melloul, Chtouka Ait Baha et Tiznit. "A l’instar d'autres parcs nationaux ou aires protégées, ces espaces regorgent de potentialités biologiques et écologiques qui en font un territoire riche en ressources. De ce fait, il est important d’intervenir pour leur sauvegarde, leur réhabilitation et leur développement au profit des visiteurs et des populations qui vivent aux alentours", souligne le directeur du parc.

Le parc national de Souss Massa remplit à ce titre quatre principales missions : la conservation et la réhabilitation des habitats et des espèces, la lutte contre l’érosion, la contribution à l’amélioration de la qualité de vie de la population locale et, enfin, l’accueil, l’éducation, l’information et la sensibilisation du public. Comme tous les parcs nationaux, le parc d’Agadir est un espace privilégié ouvert à tous, dans le respect de la réglementation. Grâce à ses attraits (faune et flore spectaculaires, beauté des paysages…) et à son infrastructure d’accueil et d’interprétation, il ambitionne de développer un écotourisme, en contribuant à la préservation du patrimoine naturel de la région.

Y figure évidemment l’arganier, une réserve de biosphère classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Un véritable cortège floristique accompagne cet arbre emblématique, qui revêt une importance majeure dans le cadre de la médecine traditionnelle et des plantes aromatiques.

Locomotive écotouristique

On dénombre pas moins de 26 espèces de reptiles et d'amphibiens dans la zone du parc, représentant 22 genres et 13 familles. Cette herpétofaune comprend des espèces de lézards (surtout des acanthodactyles) qui, tout en étant d’importants prédateurs d’invertébrés, constituent une ressource alimentaire pour certains mammifères et oiseaux, notamment les rapaces et l’ibis chauve.

"A travers cette biodiversité et les paysages du parc, il est important de développer des projets générateurs de revenus, notamment par le biais de l’appui à la création de coopératives de production de produits du terroir ou de services touristiques. Il s'agit, dans le cadre de la Stratégie Forêts du Maroc 2020-2030, d'offrir aux populations locales l'opportunité de bénéficier de l'essor touristique qui sera atteint à l’horizon 2030", indique Mohammed El Bekkay. La stratégie nationale de développement du domaine forestier a été initiée par le Roi Mohammed VI en février 2020. Elle vise à faire des territoires forestiers et des aires protégées des espaces de partenariat, de développement et de création de richesses et d’emplois. Cette stratégie traduit la volonté manifeste de convertir les parcs nationaux en locomotive du développement écotouristique au niveau national.

Parmi les objectifs stratégiques visés à l’horizon 2030 figure celui d’attirer un million de touristes dans les dix parcs nationaux que compte le Maroc. C’est dans cette perspective qu’avec ses partenaires, le département des Eaux et forêts est en phase de finaliser plusieurs programmes autour de ces parcs, qui vont de l’accueil du public à la restauration et à l'organisation d'événements.

Des flamants dans l'Oued Souss au Parc National de Souss Massa.

Comment visiter le parc ?

Il faut préciser qu' "au niveau national et sur l’ensemble du territoire, il n’y a que dix parcs nationaux (Toubkal, Tazekka, Iriki, Talassemtane, Ifrane, Haut Atlas oriental, Al Hoceima, Khenifiss, Khénifra). Cela montre déjà une certaine particularité. Ils se retrouvent sur différents sites et avec différentes propriétés écologiques, végétales et animales. Ces richesses-là font de ces parcs nationaux une véritable attraction. Au niveau de tous les parcs, il y a des circuits qui traduisent les efforts de conservation menés par le département des Eaux et forêts et qui, en même temps, permettent d'observer cette particularité et de l’apprécier", révèle Mohammed El Bekkay.

Le directeur ajoute que, dans le cas de son parc par exemple, on peut découvrir les embouchures des oueds Souss et Massa. Celle de l’oued Massa, qui est à 40 km de la ville d’Agadir, fait l’objet de programmes d’aménagement et de réhabilitation. Des coopératives de services proposent un guide pour accompagner les visiteurs sur place, moyennant l'achat d'un ticket commercialisé par ces mêmes acteurs locaux.

Le parc national de Souss Massa est ouvert au public 7 jours/7, de 9h à 16h (fermeture à 18h). Deux formules sont proposées pour visiter le parc. Pour le circuit pédestre (compter au moins deux heures), une billetterie permet aux visiteurs d’acheter leurs tickets sur place.

Pour le circuit en véhicule 4x4 avec un guide professionnel, il faut réserver auprès d’une agence de voyages qui se charge des démarches auprès de l’administration du parc.

Au cours de la visite, on peut observer en période de migration un grand nombre d’espèces d’oiseaux, tout en appréciant le paysage à proximité de la côte. "Pour le Birdwatching (observation des oiseaux, ndlr), on peut également s’adresser aux coopératives de guides ornithologiques (existantes sur place, ndlr) en vue d’organiser des parcours d’observation de l’ibis chauve dans son milieu naturel, et des oiseaux emblématiques des zones humides des oueds Souss et Massa", suggère Zouhair Amhaouch.

Le circuit en véhicule tout-terrain permet de découvrir les réserves animalières du parc et d'observer la faune saharienne.

Pour ceux qui préfèrent la marche, « nous avons aménagé un circuit pédestre sur environ trois kilomètres pour observer la faune sahélo-saharienne réintroduite. Une coopérative locale organise la visite, avec la possibilité de consacrer une demi-journée à admirer le paysage et à pratiquer des activités de loisir encadrées », précise Mohammed El Bekkay.

Pour les amoureux de la plage, le directeur du parc rappelle que le territoire dispose de plusieurs spots connus à l’échelle de la région, notamment ceux de Sidi Ouassaï et Sidi Rbat. Pour ceux qui s’intéressent davantage à la beauté des paysages, le parc dispose de belles falaises côtières dans sa partie sud, ainsi que de nombreux panoramas des écosystèmes steppiques et dunaires le long de la côte du parc, sur une superficie de 3.000 hectares. Et pour les familles avec des enfants en bas âge, certains sites faciles d'accès sont recommandés, comme la réserve faunique, le circuit pédestre ou l’embouchure de l’oued Massa.

Le parc national de Souss Massa peut satisfaire les attentes des petits et des grands, mais le visiteur devra veiller à ne pas manquer le clou du spectacle : l’ibis chauve, que l'on ne peut voir nulle part ailleurs.

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