Exclusif. Brynjar Lia, expert international, analyse la nouvelle donne au Proche Orient

Historien du Moyen-Orient et professeur à l’université d’Oslo, Brynjar Lia est considéré comme parmi les meilleurs experts internationaux sur le terrorisme international et le jihadisme global. Médias 24 s’est entretenu avec lui par téléphone.

Exclusif. Brynjar Lia, expert international, analyse la nouvelle donne au Proche Orient

Le 8 juillet 2014 à 13h00

Modifié le 8 juillet 2014 à 13h00

Historien du Moyen-Orient et professeur à l’université d’Oslo, Brynjar Lia est considéré comme parmi les meilleurs experts internationaux sur le terrorisme international et le jihadisme global. Médias 24 s’est entretenu avec lui par téléphone.

De 1999 à 2011, Brynjar Lia a dirigé l’Etablissement norvégien de la recherche en défense (FFI), un think tank qui regroupe les plus importants chercheurs scandinaves. 

 

Interrogé à propos des conséquences des guerres se déroulant actuellement en Irak et en Syrie sur le développement du terrorisme international, Brynjar Lia indique que "malgré la difficulté qu’il y a à prévoir avec justesse la suite des événements,  les guerres en Irak et en Syrie et la proclamation de l’Etat islamique (EI) vont peu modifier à court terme la situation actuelle en termes de terrorisme".

Pour lui, "trois raisons s’y opposent. D’abord, les Etats-Unis sont très réticents à s’engager dans la guerre en Irak car ils ont choisi, autant à la Maison-Blanche qu’au Congrès, de faire le choix de l’isolationnisme, contre l’interventionnisme direct".

Après deux guerres en Irak en 1991 et en 2003 et une très longue présence militaire en Afghanistan, Washington souhaite se mettre davantage à l’écart des problèmes du Moyen-Orient. Pour autant, cela n’empêche ni une forte présence militaire navale dans la région du Golfe, des alliés israéliens, saoudiens et émiratis suréquipés et l’entretien de bases militaires au Qatar, à Bahreïn et au Koweït.

B. Lia  juge: "le fait que les Etats-Unis ne s’engagent pas au sol ne fournira pas de prétexte à l’EI ou à Al Qaida pour "clamer vengeance" même si par ailleurs d’autres groupes terroristes peuvent être en train de préparer des attaques.

Le deuxième motif qui milite pour l’instant contre une extension du terrorisme international selon Brynjar Lia est "le fait que l’EI s’est beaucoup étalé géographiquement, a conquis d’immenses territoires" qui approchent les 200.000 km² soit la superficie de la Syrie et que cela selon B. Lia restreint la capacité d’action de l’EI. "L’EI travaille à consolider ce qu’elle a et à se rapprocher de Bagdad".

Les jihadistes défient Washington, Moscou et Téhéran

Mais la troisième raison qui selon B. Lia ne contribuera pas dans l’immédiat à une poussée du terrorisme international est le fait que "l’EI préfère garder en main la menace terroriste comme une arme de dissuasion vis-à-vis des Américains".

En substance, l’analyse de Brynjar Lia sur ce point est que "si les Etats-Unis n’interviennent pas contre l’EI en Irak, l’EI ne tentera pas d’organiser des opérations terroristes contre les Américains", sachant que l’EI dispose de 15.000 combattant dont 3.000 à 4.000 étrangers et au moins 2.000 en provenance d’Europe et jusqu’à 200 d’origine américaine.

En plus de cela, estime B. Lia, en termes de rôle politique sur la scène internationale, "l’EI n’est pas orienté vers les actions d’éclat à l’étranger". C’est une de ses différences avec le mouvement de Zawahiri.

L’aura de l’EI auprès des jeunes militants jihadistes lui assure une popularité plus importante que celle d’Al Qaida à l’heure actuelle. Pour B. Lia, "l’Etat islamique peut concurrencer Al Qaida quand il le décidera  car il dispose de capacités combattantes et financières plus importantes".

Des alliances mouvantes

Interrogé sur le futur des alliances politiques et stratégiques entre grandes puissances, puissances régionales et mouvements armés dans la région, Brenjar Lia estime que des changements sont en cours notamment parce que les Etats-Unis ne souhaitent pas de nouvel engagement au Moyen-Orient comme on l’a vu avec le dossier  syrien puis avec l’Irak et la conditionnalité politique posée au premier ministre irakien Nouri Al-Maliki pour obtenir un soutien militaire américain important.

Du coup aujourd’hui, ce sont des avions russes et des avions et des combattants iraniens qui volent au secours du premier ministre chiite irakien, contre les jihadistes sunnites.

Si Washington, Moscou, Téhéran et Riyad ne veulent pas d’une victoire de l’EI, Riyad est plus circonspect, souhaitant que l’EI maintienne une pression politique et militaire importante sur Nouri Al-Maliki à Bagdad et sur le régime chiite de Téhéran. Il faut ajouter à cela le fait que chacune de ces quatre capitales partage des intérêts avec l’une ou l’autre des autres capitales, mais pas toujours sur le même dossier.

Enfin, il reste le rôle d’Ankara et de Tel Aviv dans la région. Les Israéliens ne cachent pas qu’un Moyen-Orient divisé en plus d’Etats plus petits est à leur avantage et contribuera à noyer le dossier palestinien. La coopération entre Israéliens et Kurdes est ainsi déjà avancée depuis plusieurs années et elle s’accélère.  

Quant à Ankara, elle a soutenu la rébellion syrienne, soutenu les troupes de l’Etat islamique en Irak et au Levant et lutte pour le leadership régional politique et religieux contre Riyad, parfois en alliance avec Doha.

Menaces sur Amman et Riyad?

Interrogé enfin sur les risques posés à la Jordanie et à l’Arabie saoudite par l’EI et ses troupes, B. Lia estime que "cela dépendra de ce que feront ou ne feront pas Amman et Riyad. Il existe une possibilité d’attaques internationales contre l’EI si l’EI agresse la Jordanie ou le royaume saoudien. Politiquement, je crois qu’il est difficile pour l’EI de s’attaquer aux Jordaniens et aux Saoudiens," juge Brynjar Lia.

Signes de la volatilité de la situation,  le 4 juillet dernier, Riyad a toutefois déployé 30.000 hommes à ses frontières avec l’Irak et lundi 7 juillet, des obus en provenance d’Irak sont tombés du côté de la frontière saoudienne sans faire de victimes.

Côté jordano-irakien, la frontière est fermée depuis fin juin et les troupes hachémites sont en état d’alerte. Cependant, en Jordanie, les sympathisants de l’EI semblent nombreux et n’hésitent pas à parader en public.

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