Mehdi Michbal

Mondial-2022 (2è journée/Groupe F) : Le Maroc s'impose face à la Belgique 2-0

Mondial. Nous n’avons encore rien fait !

Le 28 novembre 2022 à 14h09

Modifié 28 novembre 2022 à 14h49

La victoire contre la Belgique a pulvérisé un plafond mental et culturel, donnant désormais la priorité au résultat bien plus qu’au show. Un autre cap psychologique, tout aussi important, reste à franchir : éviter de trop s’emballer, garder notre concentration et aller encore plus haut, toujours plus haut.

En battant la Belgique, avec l’art et la manière, Walid Regragui et ses joueurs nous ont permis d’opérer un saut culturel. Ce qui a fait sortir des milliers de Marocains dimanche 27 novembre dans les rues de Casablanca, Laayoune, Tanger, Paris... c’est la victoire, les trois points arrachés contre la deuxième meilleure équipe du monde du classement FIFA. Des points qui nous font basculer, avec quatre points au compteur, à la tête du groupe, avec un avantage dans le goal average pour les coéquipiers de Luka Modric.

Sur six points possibles, le Maroc en a pris quatre. Comment ? La prestation était-elle belle ? Tout le monde s’en fiche aujourd’hui. Et c’est cela la grande victoire qui mérite d’être célébrée, au-delà de l’euphorie de l’après-match contre les Diables rouges. Walid Regragui a apporté à cette équipe du Maroc la culture de la gagne. Beaucoup l’ont critiqué au sortir de la première rencontre pour son jeu dit "conservateur", "manquant de courage", qui "ne nous ressemble pas"... Les mêmes ont vibré dimanche 27 novembre quand ce même style de jeu, foncièrement tactique, a porté ses fruits, offrant désormais de fortes chances aux Lions de l’Atlas de passer au deuxième tour de la compétition.

On le disait après le précieux nul contre la Croatie : au Qatar, Walid Regragui a fait passer l’équipe du Maroc à une autre dimension, celle où seul le résultat compte, peu importe la manière. Il lui fallait confirmer le bien-fondé de cette méthode, de cette philosophie réaliste du jeu, qui, exception faite des Tunisiens, est totalement absente chez nous, Africains. Il l’a fait contre les Belges, sans bouger d’un iota de ses convictions.

En célébrant leur équipe nationale dimanche, les Marocains ont ainsi validé ce virage mental. Comme le public Wydadi avec lequel Walid s’est battu tout au long de la saison dernière pour lui faire comprendre cette idée fondamentale dans le foot moderne : si on joue, c’est pour gagner, et non pour amuser la galerie. Les résultats lui ont donné raison : avec une équipe du WAC démunie sur les plans humain et financier, les Rouges et Blancs ont remporté deux titres, la Botola et la Champions League africaine, sans chichis. La belle victoire que nous réalisons après ces deux matchs du Mondial, c’est ce cap culturel que nous passons.

Le droit à l’emballement n’est pas permis

Mais il nous reste un autre cap culturel et mental à franchir, encore plus important que le premier : savoir garder les pieds sur terre. Car nous n’avons encore rien fait, comme ne cessait de le marteler, tout au long de la saison 2012-2022, Walid à ses joueurs du WAC, et comme il a dû certainement le dire à ses joueurs après le match contre la Belgique.

Le droit à l’emballement n’est pas permis. Sur les sept matchs possibles dans une Coupe du monde, nous n’en avons joué que deux. Le chemin est encore long, très long, et sera de plus en plus dur à parcourir. Le nul contre la Croatie et la victoire contre la Belgique font partie du passé. Ne tombons pas justement dans les erreurs du passé, où après chaque belle victoire, on se laisse aller, on retombe dans les travers de la mentalité du "colonisé", celui qui se contente de fêter les petits exploits, de réaliser des fulgurances et de disparaître.

Ce mot, "exploit", nous devons le bannir de notre vocabulaire. Pas que dans le foot, mais dans tous les domaines. Le Maroc n’a rien à envier aux autres nations. Il en a fait la preuve dans sa gestion de l’épidémie du Covid. Notre diplomatie nous l’a aussi démontré ces deux dernières années en traitant d’égale à égale avec des puissances mondiales. Notre politique industrielle s’inscrit dans le même esprit, avec un royaume qui vise, et sans le moindre complexe, à être plus compétitif que la Chine et l’Inde dans le secteur automobile. Le Roi a imprimé également ce même ton dans la stratégie énergétique pour faire du Royaume un des leaders mondiaux de l’industrie décarbonée de demain.

Des réalisations et des ambitions qui ont redonné confiance aux Marocains (pas tous) en leur capacité de faire mieux que les autres, et en ne s’appuyant que sur leurs seuls moyens. Quoi de mieux que le foot, cet opium du peuple, pour imprimer une fois pour toutes ce nouvel esprit dans le mental de notre société ?

Les Lions de l’Atlas sont allés jouer des matchs de foot dans une compétition mondiale. Ce ne sont finalement que des matchs de foot, un jeu de onze contre onze où on peut gagner comme perdre. Mais en gardant les pieds sur terre, en négociant leur prochain match contre le Canada avec la même philosophie de jeu, en passant au deuxième tour tout en continuant de se dire qu’ils n’ont encore rien fait, ils pourront peut-être apporter ce petit déclic qui nous manque, en tant que nation, pour opérer cette révolution mentale, sociétale et économique dans un monde en pleine reconstruction.

"Sky is the limit", disent les Américains. Nous devons viser loin, le plus loin possible, et dire "even the sky is not the limit". Le Maroc a tout ce qu’il faut dans ce nouveau monde où les cartes sont rebattues, nous ouvrant de belles opportunités pour (enfin) émerger : une vision stratégique ambitieuse, une stabilité politique et institutionnelle, un capital humain créatif, une diaspora attachée à son pays, une attractivité mondiale dans le domaine de l’investissement… Un ingrédient nous fait encore défaut : croire en nos capacités, surpasser le complexe d’infériorité des pays à revenu intermédiaire comme nous qualifient les experts du FMI et de la Banque mondiale… Le foot ne fera pas exploser notre PIB, ni notre classement dans l’indice de développement humain. Mais il est capable d’apporter ce petit plus qui peut tout changer : la confiance.

“You may say I’m dreamer, but I’m not the only one…” pour paraphraser John Lennon. Et aujourd’hui, le rêve peut devenir réalité...

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