L’après-Bongo : vers la fin d’un demi-siècle de Françafrique ? (3/5)
Longtemps considéré comme l’une des pierres angulaires du système Françafrique, le Gabon est depuis quelque mois dirigé par des militaires. Qu'advient-il des rapports franco-gabonais ?
L’après-Bongo : vers la fin d’un demi-siècle de Françafrique ? (3/5)
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Amine Belghazi
Le 30 janvier 2024 à 15h31
Modifié le 14 février 2024 à 11h08Longtemps considéré comme l’une des pierres angulaires du système Françafrique, le Gabon est depuis quelque mois dirigé par des militaires. Qu'advient-il des rapports franco-gabonais ?
Loin de la zone sahélienne mais proche allié de la France en Afrique, le Gabon est, à cette date, le dernier pays à avoir connu un coup d’Etat militaire sur le continent. Cette “révolution de palais”, comme l’appellent les opposants politiques gabonais, intervient à la suite de la réélection de Ali Bongo pour un troisième mandat présidentiel successif. Un scrutin entaché d’irrégularités, le donnant vainqueur à plus de 64% des voix.
Quelques heures à peine après l’annonce de sa victoire, ce 30 août 2023, une douzaine de militaires ont pris d'assaut la station de télévision Gabon 24 pour diffuser leur communiqué, mettant fin au régime en place et annonçant la dissolution de toutes les institutions de la République : le Sénat, l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle.
Cinq jours plus tard, le chef de la garde républicaine Brice Oligui Nguema, un cousin éloigné du président déchu, est nommé président de la transition.
L'incertitude française
À plusieurs milliers de kilomètres de là, la diplomatie française observe, non sans inquiétude, ce qui se passe dans un pays avec lequel elle entretenait jusque-là des relations privilégiées.
En effet, durant plus d’un demi-siècle, la dynastie Bongo avait son influence sur la scène politique française. Omar Bongo, le défunt père du président déchu, connaissait parfaitement les coulisses et les rouages de la politique de l’Hexagone depuis l’avènement de la Ve République.
Cette proximité historique décrit bien la complexité du système de la Françafrique. Elle est profondément contestée par l’opposition gabonaise qui, à chaque visite officielle d’un chef d’Etat français au Gabon, agite le chiffon rouge en appelant à la fin de l'immixtion française dans la politique interne du pays.
Les deux dernières rencontres entre le président déchu et Emmanuel Macron n’ont pas manqué de créer des remous auprès des détracteurs du clan Bongo, en rappelant le rôle tumultueux qu’entretenait le père dans le système Françafrique. L’une effectuée en mars 2023 à Libreville, à l’occasion d’un sommet sur la préservation des forêts tropicales, et une dernière visite à Paris fin juillet 2023, soit un mois avant la destitution du président Ali Bongo.
Pourtant, dans les faits, les relations entre l’Elysée et le palais du Bord de mer sont devenues distantes avec l’élection de François Hollande, qui reste à ce jour le seul président français n'ayant pas programmé de visite officielle au Gabon au cours de son investiture. Depuis lors, la présidence française s’échine à ne pas interférer dans les affaires politiques internes au Gabon.
Ainsi, à l’inverse de ceux qui l’ont précédé dans la région sahélienne, le putsch organisé par la garde républicaine gabonaise n’a pas été fermement condamné par la diplomatie française. Il n’y a pas eu de demande de retour à l’ordre républicain, ou d’appel à la réinstallation au pouvoir du président déchu. Cette neutralité relative a sans doute facilité la réception de l’ambassadeur français par le nouveau président de la transition, Brice Oligui Nguema, quelques jours à peine après le putsch.
Depuis, l’incertitude plane sur le devenir des rapports franco-gabonais.
Un rapprochement prudent
Il aura fallu attendre le mois d’octobre 2023, à l’occasion du sommet FMI-Banque mondiale à Marrakech pour esquisser un rapprochement informel entre les officiels des deux pays, dans la suite d’un hôtel de la ville ocre. Sur demande des autorités françaises, la secrétaire d’Etat chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux a rencontré une délégation d’officiels gabonais, à leur tête le Premier ministre Raymond Ndong Sima, avance notre confrère Jeune Afrique.
Mais il faudra attendre le 1er décembre pour assister à la première poignée de main entre les deux chefs d’Etats, à Dubaï, à l’occasion de la COP 28. Cette rencontre a été l’occasion pour le président français de s’enquérir de la situation de la transition démocratique au Gabon, prélude à un retour à la normale des rapports diplomatiques entre les deux pays.
Actuellement, sur le front interne, Brice Oligui Nguéma bénéficie d’un large soutien populaire. Il faut dire que depuis son investiture, plusieurs chantiers prioritaires mis en sommeil ont été relancés.
“Le nouveau gouvernement est accepté et même encouragé par la population. Avant lui, nous avions des promesses. Aujourd'hui, on peut voir les réalisations”, commente depuis Libreville, Déborah, une jeune Gabonaise contactée par Médias24. “En l’espace de quelques mois seulement, le nouvel exécutif a réussi à éponger une bonne partie de la dette extérieure gabonaise, à relancer l’embauche dans la fonction publique, à rénover les écoles et à accorder des bourses nationales aux lycéens. Sans parler de la reprise des constructions des voiries et des routes, suspendues du temps de Ali Bongo”.
Le chantier institutionnel en construction
Mais indépendamment du fait que ces réalisations à caractère social sont très appréciées du public gabonais, les différentes sensibilités politiques estiment que le temps imparti à la tenue des prochaines présidentielles est particulièrement long. Ces élections sont prévues en août 2025. Les acteurs politiques appellent à la fin de l’état d’exception et au retour à l’ordre constitutionnel.
Cette doléance est également partagée sur la scène continentale. Et pour cause, le Gabon fait face à des sanctions qui l’isolent sur le plan régional. La Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) qui, malgré avoir reconnu le caractère paisible et inclusif de la transition, le 15 décembre dernier, a prononcé le maintien de la suspension de la participation du Gabon dans ses instances, et ce jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel. Une urgence qui ne sied visiblement pas au nouvel exécutif gabonais, qui appelle à une réforme profonde des institutions du pays avant la tenue du scrutin présidentiel.
Nommé en septembre 2023 à la tête de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Aba’a Owono a confirmé cette orientation stratégique, à l’occasion de la présentation des vœux du Nouvel An le 4 janvier 2024 : “S’il est constant que les instances internationales élaborent des modèles de calendrier de transition qu’elles ont tendance à plaquer à toutes les situations, s’il est légitime que les acteurs politiques n’aient le plus souvent en ligne de mire que la seule organisation des élections, il reste une réalité implacable et dont il faut tenir compte dans le cas de notre pays : le Gabon d’aujourd’hui est dans un tel état de délitement multiforme que sa mise en chantier ne peut se limiter à sa seule dimension institutionnelle”.
En tout état de cause, tout porte à croire que le Gabon avance d’un pas assuré vers des réformes substantielles à même d’enterrer le fantôme du passé françafricain.
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Amine Belghazi
Le 30 janvier 2024 à 15h31
Modifié 14 février 2024 à 11h08