Recherche ethnique, liens de parenté... Que valent les tests ADN généalogiques ?

Interdits dans de nombreux pays, y compris au Maroc, ces tests ADN permettent entre autres d’estimer la mixité ethnique d’un individu. Leur interdiction est contournée par le recours à des plateformes en ligne. Pourquoi cet engouement ? Sont-ils réellement fiables ? Où et comment les effectuer ? Éléments de réponse.

Recherche ethnique, liens de parenté... Que valent les tests ADN généalogiques ?

Le 16 février 2023 à 16h08

Modifié 16 février 2023 à 17h14

Interdits dans de nombreux pays, y compris au Maroc, ces tests ADN permettent entre autres d’estimer la mixité ethnique d’un individu. Leur interdiction est contournée par le recours à des plateformes en ligne. Pourquoi cet engouement ? Sont-ils réellement fiables ? Où et comment les effectuer ? Éléments de réponse.

Les tests ADN généalogiques suscitent de plus en plus la curiosité et l’intérêt d’individus désireux d’en apprendre davantage sur leurs origines ethniques et leur patrimoine génétique.

Au Maroc, Yahya et Najd ont confié leur expérience à Médias24. Tous deux ont eu recours à des plateformes en ligne. Yahya a effectué son test auprès de MyHeritage. Najd a réalisé le sien sur la plateforme Ancestry.com.

Une démarche avant tout ludique

Ce test a permis à Yahya de découvrir qu’il avait huit origines différentes, l’appartenance nord-africaine étant la plus représentative, nous explique-t-il. "Le site sur lequel j’ai effectué mon test m’a également permis de retrouver des utilisateurs qui partagent des séquences génétiques identiques aux miennes."

Il s’agit de correspondances d’ADN, une technologie qui permet de comparer les données des résultats des tests d’ADN autosomique et des arbres généalogiques, afin didentifier les correspondances entre les utilisateurs ayant testé leur ADN sur le site ou avec d’autres sociétés qui partagent des séquences génétiques indiquant une relation familiale, lit-on sur le site de MyHeritage.

"On m’a affiché les noms et prénoms de cousins éloignés au deuxième degré et ceux éloignés au premier degré. Ils étaient majoritairement d’origine franco-marocaine. On m’a aussi mis en contact avec des cousins éloignés américano-marocains et maroco-canadiens", ajoute Yahya.

Najd, lui, a partagé avec nous une capture d’écran des résultats obtenus via la plateforme Ancestry.com, que nous avons reconstitués. Dans son cas, nous remarquons une prévalence des origines africaines, plus particulièrement maghrébines.

Yahya et Najd indiquent avoir effectué ces tests dans une démarche purement ludique – "pour le fun", nous disent-ils –, ce qui n’est pas le cas de tous ceux qui en ont fait l’expérience. Car pour certains, les tests généalogiques peuvent être un moyen de trancher une question récurrente chez les Marocains : suis-je d’origine arabe ou amazighe ?

 Arabité versus berbérité 

Une étude réalisée par National Geographic en 2017 montrait que le génome "arabe" n’était pas dominant en Afrique du Nord. Elle indiquait à titre d’exemple que la population tunisienne ne possédait que 4% du génome "arabe" et 88% du génome "nord-africain", essentiellement constitué du génome "berbère".

Au demeurant, qu’est-ce qui justifie précisément cette quête d’arabité ou de berbérité ? Selon Xavier Luffin, professeur de langue et littérature arabes à l’Université libre de Bruxelles (ULB), le besoin d’un mythe des origines est constant dans l’ensemble des civilisations. La quête d’arabité prend toutefois des formes particulières, pour des raisons propres à la fois à l’islam et à l’histoire de l’Afrique.

"Un élément de taille confère aux Arabes un rôle particulier dans l’histoire de l’islam. Même si son message se veut universel, le Qur’ān a été révélé en arabe à un prophète arabe (...) Les Arabes ont donc une place particulière non pas dans l’islam – qui est clair sur ce point – mais dans sa diffusion. Dans le cas d’individus ou de familles (...) une généalogie garantissant une origine arabe offre donc des avantages à la fois politiques et religieux", explique-t-il dans la revue d’anthropologie et de sciences humaines Civilisations.

Il ajoute que "les origines arabes d’un clan lui donnent une assise politique plus importante dans l’imaginaire populaire".

Tassadit Yacine, anthropologue et spécialiste algérienne du monde berbère, estime quant à elle que la revendication par les Berbères d’une identité qui leur est propre les fera transiter d’un état d’"objet" qui subit l’histoire à celui de "sujet" de l’histoire ; d’un peuple accroché à une mémoire mythique à la tentative de recherche de l’histoire événementielle ; d’une culture ancienne à une culture réinterprétée, actualisée ; d’une culture fondamentalement recluse dans l’oralité aux nouveaux défis de la scripturalité.

"Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’il n’y a pas si longtemps, il fallait encore lutter contre un discours idéologique arabo-islamique absolument féroce dans son exclusion et qui tentait, par exemple de 'démontrer l’origine arabe des Berbères et de leur langue' et que n’étant qu’un 'sous-produit des Arabes, les Berbères ne peuvent évidemment prétendre à aucune spécificité'", souligne Tassadit Yacine.

Pas totalement berbère, mais pas totalement arabe non plus

Méditerranéen et africain par sa géographie, arabo-musulman par sa culture et sa religion, le Maroc repose sur un fond ethnoculturel originel foncièrement berbère.

A notre question "laquelle des origines berbère ou arabe domine le plus, génétiquement parlant, au Maroc ?", Abdelaziz Sefiani, directeur du département de la génétique médicale à l’Institut national d’hygiène, nous explique que les Marocains contemporains ont un mélange d’ADN berbère et arabe. "Aucun Marocain n’est pratiquement à 100% berbère ni à 100% arabe, à moins que ses aïeux soient parvenus à établir au fil des siècles des mariages entre membres d’une même ethnie."

"Génétiquement parlant, nous ne pouvons pas, à l’heure actuelle, établir une différence très importante entre les Marocains berbères et les Marocains arabes. Il faudrait mener d’autres études pour savoir s’il y a des variants que l’on retrouve chez les uns et pas chez les autres. Mais ce serait compliqué... Il y a eu une mixité dès l’arrivée des Arabes au Maroc", poursuit Abdelaziz Sefiani.

Une méthode "probabiliste"

Les Marocains, qui fondent leurs espoirs sur les tests généalogiques pour trancher la question de leurs origines ethniques, doivent cependant se fier à des résultats de tests similaires. Car il s’agit avant tout d’une pratique probabiliste. "Les tests d’ADN généalogiques s’appuient sur une méthode probabiliste", confirme Abdelaziz Sefiani.

La molécule de l’ADN, porteuse de l’information génétique, est en effet composée de quatre sortes de nucléotides (aussi appelés bases), symbolisés par les lettres A, C, G et T et respectivement nommés Adénine, Cytosine, Guanine et Thymine.

"Avec ces quatre lettres, il est possible d’écrire six milliards de bases. Trois milliards de bases sont héritées du père, tandis que le reste est hérité de la mère", précise notre interlocuteur. C’est le changement de l’ordre de ces bases qui donne naissance aux variations génétiques chez les individus. Plus le lien de filiation est important, plus il y a des chances de tomber sur les mêmes variations génétiques.

Une pratique non encadrée au Maroc 

En plus d’être probabilistes, les tests généalogiques sont interdits dans de nombreux pays, y compris au Maroc où la pratique n’est pas encadrée. Utilisés notamment pour l’estimation du brassage et des origines ethniques d’une personne, ils relèvent de la pratique génétique à but uniquement lucratif, prévient Abdelaziz Sefiani. "La pratique génétique à but exclusivement lucratif, contrairement à la pratique génétique médicale, s’intéresse à la réalisation de tests génétiques en dehors du cadre médico-scientifique. Elle est généralement interdite sur le plan réglementaire dans plusieurs pays."

"La plupart des pays où la pratique génétique est réglementée interdisent la réalisation de tests génétiques pour l’identification de personnes en dehors du cadre médical ou de celui de la recherche scientifique. En France par exemple, les personnes qui réalisent ce type de tests risquent des amendes pouvant atteindre 3.500 euros."

Ces tests sont interdits car ils sont porteurs d’informations génétiques très sensibles. "Supposons qu’ils permettent par exemple de savoir si telle personne développera une maladie en 2060. Cette personne risquerait alors de se voir refuser des emplois, des assurances, des retraites et bien d’autres choses encore si une telle donnée était divulguée. Les résultats d’un test génétique peuvent même, dans certains cas, détruire une famille, entraîner des divorces et des litiges", prévient encore Abdelaziz Sefiani.

Au Maroc, aucun cadre juridique ne règlemente la pratique génétique en général. "Malgré l’absence d’une réglementation, les tests génétiques médicaux sont fréquemment réalisés au Maroc. Nous avons des laboratoires et des centres spécialisés dans les CHU afin de répondre aux demandes des médecins. Nous réalisons en parallèle des tests génétiques pour l’identification de personnes dans le cadre médico-légal (test de paternité, prélèvements sur une scène de crime...), une expertise sollicitée par les tribunaux et réalisée dans les laboratoires de la police scientifique et ceux de la gendarmerie."

Comment ça marche

Pour les personnes qui souhaitent malgré tout effectuer ce type de test, voici le mode d’emploi.

Il faut dans un premier temps choisir un laboratoire spécialisé qui en propose la réalisation en ligne. Nous avons repéré, outre MyHeritage et Ancestry.com, d’autres plateformes telles que FamilyTreeDna et 23andMe. Ces laboratoires proposent pratiquement tous des tests par écouvillons buccaux, une petite brosse à tête cylindrique permettant de gratter l’intérieur de la joue.

Après l’inscription sur la plateforme, il faut commander des kits généalogiques composés de deux écouvillons buccaux (un pour la joue droite et un autre pour la gauche). Ils seront expédiés à l’adresse de livraison indiquée.

L’étape suivante consiste à renvoyer les kits dans une enveloppe dédiée reçue lors de l’étape précitée. Les résultats seront ensuite envoyés par mail.

Dans le cas de Najd et Yahya, les prélèvements devaient être envoyés aux Etats-Unis, où sont basés les laboratoires en question. Le coût des tests varie entre 500 et 600 dirhams selon eux. Pour la livraison des kits, comptez trois à quatre semaines.

Najd et Yahya ont cependant mentionné des difficultés lors de l’étape du renvoi des kits aux Etats-Unis. Tous deux se sont vu refuser l’envoi par voie postale de leurs échantillons ADN au motif qu’ils allaient être bloqués à la douane. Ils ont dû envoyer leurs échantillons par l’intermédiaire de personnes qui effectuaient le voyage depuis le Maroc vers les Etats-Unis. Une fois le renvoi des kits aux laboratoires effectué, ils ont reçu les résultats trois semaines plus tard.

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