Reda Loumany décrypte les enjeux de la nouvelle stratégie de PwC au Maroc

B.B | Le 2/11/2021 à 18:45
Dans la cadre d'une nouvelle stratégie déployée à l'échelle mondiale, PwC réalisera soixante recrutements annuels d'ici 2025 au Maroc. Le patron de PwC au Maroc nous explique également les changements profonds auxquels feront face les entreprises marocaines dans le monde des affaires post-crise et comment le groupe compte les accompagner pour les affronter. Nouvelle stratégie, télétravail, fiscalité, environnement... Entretien sur ce qui normera le monde de demain.

A la mi-octobre, le groupe PwC a dévoilé sa nouvelle stratégie mondiale baptisée "The New Equation". Au Maroc, PwC est aligné sur cette nouvelle stratégie qui mobilisera un investissement de 12 milliards de dollars pour les cinq prochaines années.

Au Maroc cela se formalisera à travers le développement de plateformes d’expertises à forte valeur ajoutée, couvrant les enjeux clés liés à la cyber sécurité, la digitalisation, les opérations de transactions ainsi que les exigences environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG). 8.000 personnes en France et au Maghreb seront également recrutées pour participer à cette dynamique.

Ce changement stratégique intervient dans un contexte où les entreprises font face à des changements drastiques de mode de travail et des besoins de transformations rapides vers le numérique.

Pour comprendre comment les entreprises nationales vont être impactées par ces nouvelles problématiques et ce qui va être mis en place par PwC au Maroc pour les accompagner, LeBoursier est allé à la rencontre de Reda Loumany, Territory Managing Partner chez PwC au Maroc. Entretien.

 

LeBoursier: Vous évoquez dans votre communiqué la nouvelle feuille de route de PwC. Qu’apportera-t-elle de nouveau pour le marché national et comment cela refaçonnera la stratégie de PwC au Maroc ? 

Reda Loumany: Alignée sur la stratégie mondiale de PwC, The New Equation, la nouvelle feuille de route répond à deux enjeux indissociables auxquels font face les entreprises :

  • Créer de la confiance dans un monde en perpétuel changement : Il est de plus en plus nécessaire pour les entreprises de gagner la confiance de leurs salariés, de leurs clients/consommateurs bien avertis ou encore de leurs investisseurs de plus en plus regardant sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
  • Mener des transformations complexes pour des résultats durables. Comme pour créer de la confiance, il est nécessaire d’avoir une stratégie intégrée mobilisant un large panel d’expertises afin d’accompagner durablement la transformation des entreprises.

Pour ce qui est du Maroc, cela se traduit notamment par une accélération des investissements à travers le développement de plateformes d’expertises à forte valeur ajoutée pour nos clients et pour le Réseau PwC. Chacune de ces plateformes regroupe des expertises spécifiques que sont la Cybersécurité, les opérations de transactions (Deals) ainsi que nos activités de Conseil en Développement Durable (ESG).

Nous accompagnons ainsi nos clients sur des sujets de plus en plus complexes, exigeant des équipes pluridisciplinaires : stratégie, technologie, finance, transformation, ESG... Ce qui nous différencie au Maroc c’est notre capacité unique à combiner différentes expertises pour apporter davantage de valeurs aux entreprises mais également à leurs parties prenantes et à leurs écosystèmes dans un sens large.

 

-En termes d’emplois, 250 collaborateurs travaillent actuellement pour PwC au Maroc, combien d’ici l’horizon 2025 et quel investissement effectué au Maroc ?

-Nous avons enclenché il y a quelques mois de cela un ambitieux plan de recrutement qui touche aussi bien les jeunes diplômés que des collaborateurs expérimentés. Au Maroc, nous avons l'ambition de recruter annuellement d’ici 2025 une soixantaine de nouveaux collaborateurs et ce sur l'ensemble de nos lignes de métiers (cela correspond à environ 30% de notre effectif).

Nous investissons en premier lieu pour nos collaborateurs, pour créer des conditions de travail identiques à celles du réseau international. Nos deux espaces de travail réinventés (Workplace of the Future) de près de 1 500 m², au sein de la tour CFC à Casablanca, en sont la preuve. Nous investissons également dans l’apprentissage et le développement continus de nos collaborateurs via un portail en accès illimité qui a permis d’offrir 10 500 heures de formation en 2020.

A côté de tout cela, nous poursuivons nos investissements en matière d’outils et de solutions technologiques pour digitaliser nos processus et permettre à nos collaborateurs de travailler d’une manière plus fluide et plus sécurisée.  A cet effet, nous venons de lancer en septembre dernier le déploiement de Salesforce, l’outil de référence qui permet de développer une culture commerciale et d’insuffler de nouvelles façons de travailler, plus collaboratives.

 

-Est-ce que de nouveaux champs d’expertise seront développés sur notre marché dans le cadre de cette nouvelle feuille de route ? 

-Grâce à nos plateformes d’expertises, nous mettons à disposition de nos clients une large palette de compétences visant à traiter les sujets dans toutes leurs dimensions.

Pour ce faire, nous associons nos expertises métiers avec des capacités grandissantes en cybersécurité, confidentialité des données, robotisation automatisée des processus (RPA), et responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG).

Portés par cette vision et ces enjeux, nous avons lancé trois nouvelles plateformes que sont « Cybersécurité », « Deals » et « ESG ».

Notre plateforme « Deals » a pour vocation d’accompagner nos clients (Fonds et Corporate) sur l'ensemble de leurs enjeux dans le contexte d'une opération d'investissement ou de cession. Nous accompagnons nos clients dans l'identification de leviers de création de valeur en amont des transactions pour maximiser les retombées pour nos clients ; pour ce faire, nous mettons en commun un large éventail de compétences couvrant la stratégie, le conseil financier, le conseil juridique et fiscal et banque d'affaires.

 

-Vous évoquiez dans votre communiqué la pérennité du marché marocain. Quels aspects vous rassurent concernant ce marché et quels en sont les leviers de croissance ? Comptez-vous attaquer de nouveaux secteurs cibles sur le marché national ? 

-Ce qui nous rassure c’est que le marché marocain a fait preuve d’une grande résilience malgré les défis. A notre niveau, nous percevons des premiers signaux de reprise d’activité depuis quelques mois. La crise a été le catalyseur de transformation pour un bon nombre d’organisations marocaines quels que soient leur taille et leur secteur d’activité. Les entreprises sont aujourd’hui mieux préparées à faire face aux risques et à l’incertitude liés aux marchés.

Cette crise a également pointé du doigt le besoin d’accélérer le développement de notre tissu industriel. Ces enjeux de réindustrialisation s’accompagnent d’un enjeu fort de création d’emplois.

L’enjeu pour nous n’est pas forcement d’attaquer de nouveaux secteurs d’activités mais de proposer une offre de service mieux adaptée aux enjeux post-crise, que ce soit sur la dimension technologique, humaine, organisationnelle, sociétale et environnementale.

 

-La numérisation des process est un chantier en cours dans de nombreuses entreprises et a été catalysé par la crise du Covid-19. Avez-vous pu témoigner d’un avant et après coronavirus parmi vos clients ?  

-Nos clients opèrent dans des secteurs d’activités très différents et par conséquent ils sont à différentes étapes de leur transformation, notamment numérique.

Force est de constater que cette crise a permis de généraliser la prise de conscience et le besoin d’évolution profond et rapide des modes de fonctionnement quelque soit le secteur d’activité. En effet, même si l’impact de la transformation numérique peut varier d’une entreprise à une autre, d’un secteur à un autre, le fait que l’écosystème business évolue (digitalisation du secteur financier et du secteur public notamment), impose à toutes les entreprises d’emboiter le pas.

Nous accompagnons aujourd’hui nos clients à plusieurs niveaux : certains d’entre eux viennent d’entamer leur transformation organisationnelle et digitale, d’où le besoin de les accompagner dans l’implémentation de solutions de dématérialisation et d’automatisation de tâches pour gagner en efficacité et mieux monitorer leurs performances opérationnelles et financières.

D’autres, plus avancés, se sont engagés dans des projets de migration vers le Cloud et nous les aidons ainsi à mieux exploiter leurs données et à renforcer davantage leur résilience. Cette crise nous a permis d’accélérer également l’intégration de la technologie et du digital dans nos différentes offres et méthodes.

 

-Aujourd’hui beaucoup d’entreprises prennent conscience de l’enjeu écologique dans le développement de leurs activités. Sentez-vous que vos clients y sont plus sensibles ? Quelles mesures les aidez-vous à mettre en place et comment ?  

-The New Equation est la stratégie mondiale de PwC en réponse aux profondes évolutions que traverse le monde : disruption technologique, changement climatique, fractures géopolitiques, conséquences de la pandémie de la COVID-19…

Les mouvements internationaux et nationaux autour de la transition durable ont fait émerger de nouvelles tendances et ont révisé les priorités classiques des entreprises et des investisseurs.

Ignorer les enjeux ESG (Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance) revient à ignorer des risques et des opportunités ayant des effets importants sur la performance financière et non financière.

Aussi notre plateforme ESG a pour vocation d’accompagner les nouveaux enjeux de nos clients : conformité par rapport aux Directives de Bank Al Maghrib, pour ce qui est des Etablissements financiers, reporting extra financiers répondant aux exigences de l’AMMC, financement d’investissements de décarbonation afin de faire face aux évolutions réglementaires européennes, pour ce qui est notamment de nos entreprises exportatrices…

Aujourd’hui nous comptons une communauté « Sustainability » de 150 experts sectoriels et thématiques au sein de PwC France et Maghreb


-Vous aidez vos clients à s’adapter à différents changements d’environnement mais comment PwC au Maroc s'est adapté aux changements induits par la crise?

-Chez PwC au Maroc, nous avons entamé notre propre transformation culturelle il y a plus de 3 ans déjà. Plusieurs initiatives concrètes ont été lancées au sein du bureau pour changer les habitudes et pour améliorer la qualité de vie au travail (le projet Workplace of the future, le programme Be Well Work Well...). Nous avons rapidement pris conscience qu’il fallait prôner la flexibilité au travail, une preuve de confiance envers nos équipes mais aussi le reflet de nos valeurs PwC. Nous avons d’ailleurs été précurseurs par rapport au télétravail en déployant notre programme e-working peu avant la pandémie.  Par conséquent, nos équipes ont pu rapidement s’adapter aux changements induits par la crise sanitaire.

 

-Comment pensez-vous que le monde de l’entreprise va évoluer d’ici les 5 prochaines années ? (télétravail, flexibilité du travail, etc…) 

-Nos équipes « People & Organisation » qui sont dédiées à l’accompagnement de grands projets de transformation organisationnelle et humaine ont mené une démarche d’échange et de benchmark avec un panel de grandes entreprises d’envergure mondiale. Toutes ces grandes entreprises partagent les nouveaux grands défis et enjeux du travail : enjeux humains, d’upskilling, de leadership et d’organisation.

La revue des modes de travail est une évidence post-Covid 19. Il ne s’agit pas de se doter de la bonne technologie pour assurer la collaboration à distance mais il est nécessaire de mettre en place de nouveaux modes de fonctionnement, de management et de prise de décisions. S’ajoute à cela la complexité du lien social à préserver ou refonder quelles que soient les innovations technologiques et les efforts de communication.

Selon la dernière étude « Hopes and Fears » 2021 de PwC, 72% des salariés souhaitent un mix de travail à distance et de travail en présentiel. 80 % des salariés sont confiants sur leurs capacités d'adaptation aux nouvelles technologies au sein de leur environnement de travail.

La transition vers un modèle hybride apparait comme le modèle vers lequel les entreprises semblent se diriger. Ce modèle pousse les dirigeants à repenser les espaces de travail de demain. On s’attend à ce que ces espaces soient entièrement dédiés à la co-construction et à la cohésion des équipes. Des espaces qui seront dorénavant le symbole de la culture et des valeurs de l’entreprise.

 

-Selon vous quels secteurs seront les plus à même d’entamer des transformations profondes au Maroc dans les prochaines années ?  

-Les entreprises évoluent aujourd’hui dans des environnements complexes à la fois technologique, logistique, réglementaire et concurrentiel. Quelque que soit le secteur d’activité, elles sont toutes amenées à se transformer pour anticiper et répondre aux défis et aux challenges de demain.

Les initiatives de transformation structurelles et organisationnelles au Maroc ont été fortement accélérées ces dernières années et vont se poursuivre notamment dans le secteur public et le secteur financier. Avec des potentialités importantes et des ressources renouvelables exceptionnelles, le secteur de l’Energie au Maroc est en phase d’entamer une transformation profonde pour accélérer la transition énergique et installer le Maroc dans la croissance verte.

 

-Pensez-vous que les sujets de transparence fiscale et financière se durciront avec nos partenaires internationaux dans les années à venir ? Quelles répercussions cela aurait pour les organisations marocaines ?

-La transparence financière et la diffusion de l’information est un enjeu majeur pour tous les pays. Ce sont les fondements de l’intégrité et de l’efficience d’un marché financier. Nous ne trompons pas, cette tendance ne peut que s’accélérer dans le temps.

Le fait que notre économie marocaine soit une économie ouverte sur le monde nous impose de nous aligner avec les exigences réglementaires internationales et cela va bien au-delà de la transparence fiscale et financière. Il parait donc très compliqué de se positionner en marge de ces enjeux.

Il ne s’agit pas d’apprécier ces nouveaux enjeux de transparence fiscale et financière comme étant uniquement des contraintes règlementaires mais comme étant aussi des leviers de croissance pour notre propre économie et dont le Maroc bénéficiera dans la durée.

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