Coronavirus, impact économique : Abdellatif Jouahri répond à nos questions

Mesures de soutien du comité de veille économique, taux directeur et liquidités, prévisions de croissance, impact sur les réserves de Change, chute de la bourse... Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, répond aux questions de Medias24 suite à la crise du Coronavirus et à la tenue de son conseil mardi 17 mars.

Coronavirus, impact économique : Abdellatif Jouahri répond à nos questions

Le 22 mars 2020 à 11h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

Mesures de soutien du comité de veille économique, taux directeur et liquidités, prévisions de croissance, impact sur les réserves de Change, chute de la bourse... Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, répond aux questions de Medias24 suite à la crise du Coronavirus et à la tenue de son conseil mardi 17 mars.

Lors de ce conseil de politique monétaire, Bank Al-Maghrib a décidé d'abaisser le taux directeur à 2% pour soutenir l'économie. Lundi 16 mars, le comité de veille économique avait pris deux mesures de soutien pour limiter l'impact de la crise du Coronavirus, suivies par d'autres mesures prises jeudi 19 mars.

Que pense la Banque centrale de tout cela ? Qu'est-ce qu'elle répond à ceux qui jugent ses prévisions économiques dépassées ? Quels sont les risques qui pèsent sur le dirham, les réserves de change et le marché des capitaux ?

Médias24 a adressé une série de questions à Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, qui a pour la première fois tenu sa traditionnelle conférence de presse en streaming compte tenu de la situation actuelle. Les réponses ont été envoyées par écrit, ce qui ne nous laisse pas la possibilité de rebondir. Voici ses réponses.

Médias24 : Les mesures adoptées par le CVE sont insuffisantes aux yeux de certains opérateurs économiques. En sa qualité de conseiller du gouvernement, qu'est-ce que la Banque centrale recommande à l'Exécutif d'adopter comme mesures de soutien à l'économie et à l'emploi dans le contexte de crise actuel ? 

Abdellatif Jouahri : Je pense qu’il faudrait reconnaître que les autorités marocaines ont été et sont très réactives. Les mesures prises dès l’apparition des premiers cas ont certainement déjà évité le pire.

Sur le plan économique et social, la décision de Sa Majesté pour la création du fonds spécial a été judicieuse et prise au moment opportun. Elle permet de mobiliser des ressources importantes. Au-delà, ce qui est réjouissant, c’est l’élan spontané de solidarité de tous les Marocains, entreprises, institutions publiques et privées ou simples citoyens. C’est clairement la force d’une nation dans ce genre de moments difficiles.

Maintenant avec ces ressources, le comité de veille dont la composition inclut des représentants de toutes les parties concernées permettra de définir au fur et à mesure les actions, leur priorisation et leurs modalités d’opérationnalisation. Mais clairement, la priorité est d’abord la santé et la prise en charge des ménages les plus vulnérables impactés par les mesures de fermeture de certaines activités et des restrictions sur les déplacements.

Ensuite il y a également les segments les plus fragiles de l’économie telles que les TPME. Je ne vais pas vous lister les mesures déjà prises, vous les connaissez déjà, mais je pense que cette approche permanente d’évaluation, d’identification et de priorisation est l’approche la plus judicieuse dans ce genre de situation difficile.

- En plus de la baisse du taux directeur, ne fallait-il pas injecter massivement des liquidités à l'instar des Banques centrales d'autres pays?

- Lors de sa réunion du 17 mars, le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé d’abaisser le taux directeur de 2,25% à 2%. Cette décision est basée sur l’analyse de l’évolution récente de la conjoncture économique et sur les perspectives macroéconomiques.

Comme indiqué dans le communiqué publié à l’issue de la réunion du Conseil, les discussions se sont attardées sur les répercussions des conditions climatiques défavorables qui prévalent dans notre pays et de la propagation à l’échelle mondiale de la pandémie Covid-19.

A cet égard, l’évolution rapide de cette pandémie exige l’actualisation fréquente de l’évaluation de la situation et des prévisions économiques et le suivi de très près de l’évolution de la situation.

La prochaine réunion du Conseil de la Banque est prévue le 16 juin prochain, mais le Conseil peut décider de se réunir de manière exceptionnelle avant cette date et examiner l’opportunité de mesures additionnelles en agissant sur les instruments dont il dispose.

- Pensez-vous que l'économie marocaine sera suffisamment résiliente pour réaliser une croissance de 2,3% compte tenu de la crise actuelle ?

- Au regard des développements rapides et significatifs survenus depuis l’arrêt des données qui ont servi de base pour l’élaboration des prévisions de la Banque, les hypothèses retenues sont largement optimistes. Le Conseil l’a bien précisé et en était totalement conscient. C’est pour cela qu’il a convenu de continuer à suivre de très près la situation, d’actualiser les données et d’appeler à une réunion exceptionnelle si les développements viennent à l’exiger.

C’est une situation inédite que vit le monde entier, un niveau d’incertitude exceptionnel et une crise économique et sociale sans précédent qui touche tous les pays quel que soit leur niveau de développement.

- Ne faut-il pas également alléger les règles prudentielles sur les banques pour leur permettre de mieux soutenir l'économie ?

- Sur le plan prudentiel, les dispositions actuellement en vigueur laissent la latitude aux banques d’opérer un moratoire sans pour autant exiger le déclassement en souffrance des créances concernées. La restructuration d’une créance pour difficulté financière, en particulier lorsqu’il ne s’agit pas de la 1ère restructuration est un critère d’inscription de la contrepartie dans la "watch list" et sa couverture par une provision à caractère général.

Au vu du caractère temporaire attendu des difficultés des entreprises, les banques pourront surseoir à la constitution de la provision à caractère général y afférente au titre de fin juin en attendant une mise au point à fin 2020. De façon générale, Bank Al-Maghrib continuera de suivre de près la situation et fera preuve de la plus grande flexibilité qu’exigera cette situation particulière.

- Avec l'arrêt de l'activité touristique, la crise en Europe qui impactera les transferts des MRE et les IDE, et les difficultés que rencontrent les exportateurs en termes de demande et d'approvisionnement, ne craignez-vous pas un impact lourd sur les réserves de change et la valeur du dirham?

- Il faudrait d’abord rappeler que le niveau actuel des réserves de change est adéquat et permet de couvrir l’équivalent de plus de 5 mois des importations de biens et services. Ceci dit, les développements liés à la pandémie Covid-19 se succèdent de manière très rapide, malheureusement dans un sens préoccupant. Cela créé une forte incertitude, et il est difficile de prévoir comment la situation évoluera au cours des prochaines semaines. Nous sommes en train d’identifier les différents scénarios et les actions qui pourraient en atténuer l’impact y compris toutes les possibilités dont nous disposons pour renforcer notre matelas de réserves de change.

S’agissant de la variation du Dirham, elle restera limitée aux extrémités de la bande de fluctuation de +/-5% par rapport à un cours central fixé à partir du panier de cotation du Dirham (EUR : 60% ; USD : 40%). Ainsi, l’élargissement de la bande de fluctuation à +/-5% permettra non seulement de contribuer au développement du marché des changes marocain mais également de renforcer la résilience de l’économie et sa capacité à absorber les chocs externes inhérents à la crise actuelle induite par la pandémie du Coronavirus.

- La Banque centrale ne pense-t-elle pas qu'il serait prudent de fermer le marché boursier qui s'effondre, ou d'autoriser les institutionnels à se renforcer sur le marché Actions pour le soutenir ?

- Bank Al-Maghrib interagit avec les différentes autorités et départements ministériels concernés, notamment le ministère des Finances et les autres autorités de supervision du secteur financier pour coordonner les réponses à apporter aux évolutions observées notamment sur les marchés des capitaux. En parallèle, les autorités de régulation nationales, dans le cadre du comité de surveillance des risques systémiques, coordonnent entre elles les dispositions à mettre en place pour éviter d'en arriver à une crise systémique.

A titre d’illustration, les inquiétudes liées aux dernières évolutions du marché boursier marocain ont fait l’objet de plusieurs échanges, évaluations et concertations entre les membres et ce, préalablement à la décision prise le 16 mars par l’Autorité Marocaine du Marché de Capitaux, de revue à la baisse des seuils de variation maximale applicables aux instruments financiers inscrits à la cote à la Bourse des valeurs de Casablanca.

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