Les impayés bancaires des Marocains s’accumulent à un rythme inquiétant

Le stock des impayés atteint plus de 23 milliards de DH. En moins de 7 ans, il a été multiplié par 2,7 alors que les crédits bancaires des particuliers n’ont augmenté que de 44%. Un boulet, à la fois pour les ménages et les banques.

Les impayés bancaires des Marocains s’accumulent à un rythme inquiétant

Le 5 janvier 2020 à 17h21

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

Le stock des impayés atteint plus de 23 milliards de DH. En moins de 7 ans, il a été multiplié par 2,7 alors que les crédits bancaires des particuliers n’ont augmenté que de 44%. Un boulet, à la fois pour les ménages et les banques.

Le constat est alarmant. Depuis février 2013, les créances en souffrance, détenues par les banques sur les particuliers ont emprunté une forte trajectoire ascendante.

Elles sont passées de 8,8 milliards de DH à 23,6 milliards en novembre 2019, soit une hausse de 168% en moins de 7 ans ! Et celle-ci est loin de s’expliquer par la seule évolution globale du crédit bancaire aux particuliers.

En effet, sur la même période, l’encours des crédits de cette clientèle n’a progressé que de 44%, passant de 210 à 303 milliards de DH. Le taux d’impayés bancaires des particuliers a donc presque doublé, atteignant 7,8% contre 4,2% début 2013.

En mars 2019, l’agence de notation internationale Fitch avait alerté sur la vulnérabilité des banques marocaines, soulignant entre autres le taux élevé des impayés chez les sept principaux établissements du pays, qui s’élèverait à près de 10% selon ses calculs.

Bank Al-Maghrib avait aussitôt réagi en réfutant le chiffre avancé par Fitch. « Contrairement à l’analyse de Fitch, les actifs des banques ne sont pas de mauvaise qualité. Le taux d’impayés au niveau du secteur se stabilise à 7,3% et 8,7% sur base consolidée et n’atteint pas les 9,8% avancés par l’agence de notation. Ces niveaux demeurent modérés par rapport à ceux des pays émergents comparables. L’évolution des créances en souffrance a ralenti depuis 2014 et s’est même tassée aujourd’hui ».

En fait, le taux d’impayés de 10% avancé par Fitch est plus valable pour la clientèle des entreprises. En novembre 2016, il s’élevait même à 11% pour cette catégorie. Un taux alarmant mais sur lequel on ne s’attardera pas ici.

Et le tassement qu’évoque BAM est plus valable pour les entreprises que pour les particuliers. Rien qu’en 2019, les impayés de cette dernière clientèle se sont aggravés de 14% ou 2,9 milliards de DH.

Les dettes des ménages représentent 50% de leurs revenus

Un taux de créances en souffrance de 7,8% est-il inquiétant ? Il faut savoir que la moyenne mondiale était de 3,7% en 2017. Aux Etats-Unis, il se limitait à 1,1%. En Europe, il s’élevait à 3,9% et le patron de la BCE s’était inquiété sérieusement quand il avait atteint 7,5%.

Selon les statistiques du FMI, reprises par la Banque mondiale, les taux des impayés sont très variables au niveau international. Si certains pays européens comme la Grèce ou l’Italie font pire que le Maroc, plusieurs autres pays émergents font mieux.

Les Marocains sont-ils surendettés ?

S’il est commun au Maroc de rapporter la dette financière des ménages au PIB pour mesurer leur niveau d’endettement, il est plus pertinent de l’approcher par leur revenu disponible.

En tenant compte de la dette des particuliers auprès des sociétés de financement spécialisées (60 milliards intégrant également un niveau d’impayés élevé), la dette financière des ménages s’élève à près de 363 milliards de DH.

En 2018, le revenu brut disponible des ménages s’élevait à 714 milliards de DH, selon les données du HCP.

Le taux d’endettement des particuliers s’élève ainsi à plus de 50%. Ailleurs dans le monde, comme en France ou aux Etats-Unis, ce taux dépasse les 90% voire les 100%, avec des niveaux d’impayés pourtant modérés.

La bulle du crédit du milieu des années 2000...

En somme, ce n’est pas tant le taux d’impayés atteint actuellement qui inquiète, c’est plutôt la tendance à l'aggravation de ces dernières années.

A son origine, la bulle du crédit du milieu des années 2000. En une décennie, entre fin 2003 et fin 2012, le crédit bancaire des particuliers a été multiplié par 3,6, passant de 58 milliards à 210 milliards de DH. L’encours des crédits immobiliers et à la consommation a été multiplié par 4.

La libéralisation des taux d’intérêt et leur baisse voulue par les pouvoirs publics (ils avaient atteint 5% contre près de 16% au début des années 1990), la concurrence acharnée entre banques pour distribuer des crédits, la course des ménages pour l’accès à la propriété et le développement de la consommation ont été les ingrédients de cette bulle.

Mais celle-ci a arrêté de grossir, d’où l’accélération des impayés. C’est connu, quand le crédit se tasse, l’argent pour rembourser les banques se raréfie.

Le problème est que le développement du crédit pendant les années 2000 n’a pas servi au véritable décollage de l’économie nationale. Au lieu de financer la production locale et la création d’emplois, il a appuyé la consommation de produits importés et l’envolée des prix de la pierre, au profit des acteurs d’un secteur de rente où les emplois ne sont pas stables et peu qualifiés.

Les créances en souffrance, qui totalisent 70 milliards de DH toutes clientèles confondues, représentent un véritable boulet pour les endettés d’abord, mais aussi pour les banques. Les provisions pour créances en souffrance consomment leurs fonds propres, réduisent leurs bénéfices et renchérissent le coût du crédit.

Diverses mesures techniques peuvent être envisagées et mises en œuvre pour les atténuer, mais régler le problème à la racine nécessite une véritable reprise de l’activité économique, de la production et des créations d’emplois et de richesse.

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