Recours de l’Etat aux financements innovants, quel effet sur le marché boursier?
L’Etat a affiché sa volonté de s’orienter de plus en plus vers des mécanismes de financements innovants, tels que la titrisation, et les partenariats public-privé notamment. Avec cette initiative, le secteur public va-t-il supplanter le marché des capitaux? Des acteurs du marché financier marocain estiment que l’impact serait minime. Explications.
Afin de maintenir le déficit prévisionnel à 3,5% du PIB, le gouvernement prévoit, dans le cadre du PLF 2020, une enveloppe de 12 milliards de DH de financements issus des "mécanismes innovants".
Ces nouveaux mécanismes de financement, qui doivent financer comme prévus dans le PLF 2020 15% des investissements du budget général de l’Etat, peuvent porter sur le partenariat public-privé (PPP), la titrisation d’infrastructures, Lease back, etc.
A titre d’exemple, et comme annoncé par Médias24, l’Etat a décidé de recourir au mécanisme de la titrisation des créances futures du nouveau port de Safi.
C’est une opération qui devrait rapporter à l’Etat à peu près 2 milliards de DH de trésorerie.
Dans le même sillage, il y a un accord de principe qui a été signé entre l’Etat et le CMR, comme l’avait annoncé le ministre de l'Economie et des finances, Mohamed Benchaâboun, mardi 5 novembre, portant sur une opération de Lease back.
Dans le cadre de cette opération, la propriété des CHU sera transférée à la CMR qui va les louer à l’Etat. L'opération rapportera 4,5 MMDH à l'Etat. La CMR va placer ainsi une partie de ses fonds de retraite en contrepartie d’une rémunération qui est censée être meilleure que ses placements habituels. A la fin d’une certaine durée, les CHU seront restitués à l’Etat.
Un manque à gagner pour la bourse?
Les opérations de financement différent mais l’objectif qui les motive reste le même : limiter le recours à d’endettement par l’Etat.
Toutefois, une question se pose: quel serait l’impact de cette nouvelle stratégie de l’Etat sur le marché des capitaux, spécialement le marché boursier marocain? Est-ce qu’il aurait un effet d’éviction (baisse de l’investissement sur le marché actions au profit de l'investissement dans les nouveaux mécanismes de financement de l'Etat)?
Selon Ayoub Msikine, directeur chez un investisseur institutionnel de la place, la question ne se pose pas vraiment.
"Les opérations de titrisation ne sont pas nombreuses et reposent principalement sur la dette privée. Un investisseur institutionnel en général, et notamment une compagnie d’assurance, fait la différence entre deux classes d’actif: le marché de la dette étatique (bons de trésor) ou privée et le marché actions".
"Chez les assurances, l’un des objectifs principaux des placements est de pouvoir servir un taux intéressant aux assurés, spécialement pour l’assurance vie, au niveau des contrats de retraite ou de capitalisation, où la compagnie doit pouvoir servir un bon taux de rendement afin de canaliser une bonne part de marché vu qu’il y a une forte pression sur les taux".
Cela dit, "Afin de servir un taux de rendement élevé, la compagnie d’assurance ne peut pas le réaliser en investissant exclusivement dans la dette étatique ou la dette privée. Il faut une poche action qui soit bien diversifiée. C’est là où intervient l’ingénierie d’investissement de chaque assurance".
Plus encore, "Quand il s’agit d’une compagnie d’assurance, il y a des seuils à respecter en termes de placement pour chaque catégorie d’investissement".
Certes, "Le marché boursier est risqué, mais on en a besoin afin d’avoir des taux de rendements satisfaisants. La dette est beaucoup moins risquée mais elle offre des taux de rendements limités".
"En terme de couple rendement risque, le marché de la dette offre un petit rendement par rapport à celui de l’action, mais le risque reste maîtrisé. Mais, un investisseur à la recherche d’un équilibre, il a besoin des deux poches. Il sera preneur par exemple pour une opération de titrisation mais il ne laissera pas tomber le marché boursier".
Actuellement, "Chaque mécanisme a sa place, avec tous ses avantages et ses inconvénients. Aucun mécanisme ne pourra remplacer l’autre".
"L’impact sur le marché boursier sera donc limité", conclut notre interlocuteur.
Le marché obligataire pourrait souffrir…
Dans le même sillage, un membre du directoire d’une banque de la place, préférant s’exprimer sous couvert d’anonymat, estime que cette nouvelle dynamique de mécanisme de financements innovants "va impacter plus le marché obligataire. Vu les rendements actuels de ce marché, les investisseurs vont préférer des partenariats public-privé avec l’Etat que de réaliser des placements sur ce marché. Par contre, sur le marché boursier l’impact serait minime".
"A la base, sur le marché boursier, la partie placée n’est pas aussi significative que ce qui est placé sur le marché obligataire. Et ces financements innovants nécessitent du cash important. La partie actions pourrait à la limite connaître quelques ajustements".
Autrement dit, les investisseurs pourraient limiter leurs placements sur le marché obligataire en premier, avant de passer au marché boursier.
Ce qui est sûr à présent, c’est que les investisseurs de la place sont à la recherche de nouveaux papiers pour leurs placements. Il y aura donc un engouement pour ces nouvelles opérations de financement des dépenses publiques. D’après les acteurs du marché consultés, il n’y aura pas forcément un manque à gagner pour la Bourse de Casablanca.
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