Etablissements de paiement, paiement mobile… le modus operandi
Etablissements de paiement, banques, paiement mobile, interopérabilité… Voici comment le nouvel écosystème des services de paiement va fonctionner.
C’est une révolution qui se prépare dans le monde des services de paiement. La Banque centrale vient récemment d’octroyer les premiers agréments d’établissements de paiement et s'apprête, avec d’autres parties prenantes comme l’ANRT, à lancer le paiement mobile.
Ceci étant, le mode de fonctionnement de ce nouvel écosystème demeure flou. Entre les établissements de paiement, les banques, le paiement mobile, le principe d’interopérabilité…, les connexions ne sont pas encore claires. Nous avons donc tenté de décortiquer ce nouvel écosystème avec Asmaa Bennani, Directrice du département de la Surveillance des systèmes et moyens de paiement et Inclusion financière à Bank Al-Maghrib.
"Bank Al-Maghrib veut ouvrir davantage le marché des paiements et apporter une nouvelle concurrence à travers l’entrée sur le marché d’acteurs plus agiles et ayant une structure de coûts moins lourde que celles des banques", nous explique notre interlocutrice. Une démarche en vue de réduire la circulation du cash et développer l’inclusion financière.
Tout d’abord, il y a les établissements de paiement. Mme. Bennani nous explique que ces structures sont le premier jalon de cette ouverture: "Les établissements de paiement pourront ouvrir et tenir des comptes de paiement. Ce sont des comptes prépayés permettant de réaliser plusieurs opérations : les virements, les prélèvements, le paiement par carte bancaire ou justement à travers le mobile. Outre le dépôt (cash in) et le retrait d’espèces (cash out), le compte de paiement permet également la réception d’indemnités ou des salaires, etc."
Mme. Bennani indique par ailleurs que n’importe quel acteur (banques, sociétés de financement spécialisées dans la gestion de moyens de paiement, opérateurs téléphoniques, etc.) peut exercer cette nouvelle activité, mais à travers la création d’une filiale dédiée aux services de paiement, et bien évidemment après obtention de l’agrément de la Banque centrale. "Nous avons, avec l’ANRT et en collaboration avec les banques et les opérateurs télécoms, défini les règles de place régissant ce wallet [portefeuille détenu chez l'établissement de paiement, ndlr.] en tant que pré-requis pour la mise en œuvre effective de ce nouveau moyen de paiement interopérable et en temps réel".
Qu’implique donc le principe d’interopérabilité ? Cela veut dire qu’un utilisateur disposant d’un wallet chez l’établissement A, peut interagir avec un wallet de l’établissement B ou C…, que cet établissement soit banque, un opérateur téléphonique ou autre.
Notre interlocutrice ajoute que cette interopérabilité n’a pas été facile à instaurer, mais qu’elle sera opérationnelle très prochainement : "Nous avons pris beaucoup de temps pour déterminer ses spécifications techniques». Mme. Bennani indique que le switch mobile, infrastructure qui permettra justement de router les informations d’un établissement A vers un établissement B, sera opérationnelle dès la fin du mois d’Avril prochain.
Et afin d’assurer un succès viral aux comptes de paiement, Bank Al-Maghrib mise sur la solution du paiement mobile, et indirectement sur le taux de pénétration de la téléphonie mobile au Maroc qui s’élève à 123% : «A chaque wallet correspond un numéro de téléphone mobile. Ceci étant chaque numéro peut avoir plusieurs wallets. Cela va permettre une utilisation par tous», explique Mme.Bennani.
Rappelons que le paiement mobile permet de régler des achats avec son téléphone mobile. Il n’est même pas nécessaire d’avoir un smartphone. Le mobile est adossé à un compte bancaire. Cela fonctionne en approchant le téléphone d'un terminal monétique compatible, ou en effectuant un transfert d’argent de mobile à mobile. Le mobile devient une sorte de porte-monnaie virtuel qu’il est possible de recharger.
En gros, le principal avantage de cet écosystème est qu’il permettra de capter une portion importante du cash en circulation : «Nous avons fait un travail énorme pour identifier les principales poches de cash existantes. Ce sont près de 400 milliards d'opérations de paiement en cash qui vont être ciblées en moyenne chaque année. La poche la plus importante correspond aux paiements effectués auprès des commerçants de proximité d’une valeur globale d’environ 290 milliards de dirhams chaque année, avec une moyenne par transaction d’à peu près 35 dirhams», explique Mme.Bennani.
Rappelons que ces principales poches de cash sont au nombre de six : le versement des prestations sociales de faibles montants, les transferts nationaux entre particuliers de faibles montants, les achats de particuliers dans le commerce de détail, le paiement des factures de services en réseau, l’achat de recharges téléphoniques et le paiement des fournisseurs par les commerçants de détail.
A chacun son business
Il faut dire que les comptes de paiement constitueront sûrement un relais de croissance pour les opérateurs qui comptent les proposer : «Nous travaillons maintenant sur les règles économiques du système, comme les règles de partage des commissions, entre autres», nous affirme Asmâa Bennani.
Elle explique que chaque établissement agira selon son propre business model, qui ciblera une catégorie précise de clientèle : «le recrutement des clients se fera à travers des agences propres ainsi que des agents, dont des agents détaillants comme les épiciers, chez qui l’on pourra ouvrir des comptes de paiement de type 1».
Le recrutement des clients sera toutefois difficile, selon notre interlocutrice : «Nous sommes en concurrence avec le cash qui, dans l’esprit de la plupart des utilisateurs, est sans coût, alors que sa gestion coûte globalement pour l’ensemble de l’écosystème près de 1% du PIB chaque année. Lors du recrutement des clients et des commerçants, il faudra leur montrer les avantages qu’ils ont à gagner en utilisant les comptes de paiement et le paiement mobile», nous explique-t-elle.
D’une autre part, notre interlocutrice ajoute que les fonds collectés par les établissements de paiement seront déposés auprès des banques et rémunérés selon les conditions convenues entre la banque et l’établissement de paiement. «Ces comptes ont été protégés par le législateur qui a prévu un mécanisme fort pour leur protection. Ils n’appartiennent pas aux banques et ne rentrent pas dans les actifs de liquidation en cas de défaillance ; les fonds inscrits étant affectés au remboursement des titulaires des comptes de paiement», conclut Mme.Bennani.
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