Tunisie : le pouvoir vacille, le pays tangue

Suspension des travaux de l'assemblée constituante, déferlante de l'opposition dans les rues, impasse politique: le gouvernement ne tient plus le pays.

Tunisie : le pouvoir vacille, le pays tangue

Le 7 août 2013 à 9h41

Modifié le 27 avril 2021 à 22h21

Suspension des travaux de l'assemblée constituante, déferlante de l'opposition dans les rues, impasse politique: le gouvernement ne tient plus le pays.

Une initiative inattendue et inédite : Mustapha Ben Jaafar, président de l’ANC et l’un des trois leaders de la troïka au pouvoir a annoncé hier soir la suspension des travaux de l’Assemblée constituante jusqu’à ce qu’à la reprise du dialogue entre l’opposition et le pouvoir.

Ben Jaâfar a pris tout le monde de court et a surpris ses propres alliés qui n’ont pas ménagé leurs critiques, tandis que les pages officielles du parti Ennahdha ont publié des critiques très virulents allant jusqu’à le qualifié de putschiste et de traître.

Depuis le retrait de 60 députés de l’opposition après l’assassinat de Mohamed Brahmi, sur les 217 que compte l’ANC, les travaux n’avaient pas repris. Seules deux réunions plénières ont été tenues.

L’ANC peut continuer à fonctionner mais sans 60 députés de l’opposition, se pose un problème de légitimité des décisions.

 

 

La situation politique est donc dans l’impasse, le pays est coupé en deux, même si une moitié (l’opposition) paraît nettement majoritaire.

Les principales organisations influentes font partie du mouvement d’opposition qui exige le limogeage du gouvernement et son remplacement par un gouvernement démocrate : l’Utica (patronat), l’UGTT (centrale syndicale), la Ligue des droits de l’Homme et l’ordre des avocats. La plus grande partie des médias, y compris les radios et les chaînes de télévision, appuient ouvertement la contestation.

Toute la nuit dernière, plusieurs dizaines de milliers de manifestants avaient afflué au Bardo, devant le siège de l’ANC pour une grande manifestation, six mois jour pour jour après l’assassinat de Chokri Belaid, un crime qui n’est toujours pas élucidé. Des sources indépendantes estiment l’affluence à au moins 100.000 personnes. D’autres, également crédibles, parlent de 250.000 personnes.

Le crime a été imputé par le gouvernement à la mouvance salafiste mais seuls des comparses ont été arrêtés et aucune indication n’a été fournie sur l’identité des commanditaires.

Un sondage rendu public hier annonce que 74% des Tunisiens estiment que le parti Ennahdha est responsable de la propagation du terrorisme dans le pays.

Depuis l’accession de la troïka au pouvoir à l’issue des élections du 23 octobre 2011, les salafistes et les jiahdistes avaient pignon sur rue : 500 mosquées étaient contrôlées par eux, les discours de takfir (excommunication), de haine et d’apologie du jihadisme étaient monnaie courante, y compris dans les médias. Ansar Charia, la principale mouvance jihadiste, a organisé à deux reprises son congrès, publiquement et sans autorisation préalable.

Les autorités politiques ont toujours minimisé le risque jihadiste, y compris le jour de l’assassinat de Mohamed Brahmi (interview de Moncef Marzouki au quotidien Le Monde). Ce risque a été périodiquement qualifié «d’épouvantail» par Marzouki et Ghannouchi. Les journalistes dont les reportages et les analyses attiraient l’attention sur ce risque ont été parfois qualifiés de traîtres.

Malgré les coups de semonce, les responsables ont persisté dans cette attitude autiste : assaut contre l’ambassade américaine et incendie de l’école américaine le 14 septembre 2012 ; découverte de dépôts d’armes de guerre en différents endroits du pays ; affrontements à plusieurs reprises à l’occasion de contrôles de routine, avec des groupes jihadistes ; exportation de jihadistes par des filières organisées, à destination de la Syrie et du Mali.

La passivité des dirigeants et leur tendance à minimiser le risque a conduit de nombreux acteurs politiques et membres de la société civile à les accuser de complicité. Surtout que Moncef Marzouki, le très laïc chef de l’Etat, a reçu à deux reprises à la présidence, les principaux leaders jiahdistes.

La découverte en décembre 2012 à Medenine dans le sud du pays d’un dépôt d’armes de guerre est un épisode clé et non élucidé jusqu’à présent. Le dépôt découvert par hasard recelait des quantités impressionnantes selon les témoignages des forces de l’ordre, d’armes de guerre sophistiquées. Il comprenait même des missiles sol-air Sam-7. Dans le dépôt, un pc et une documentation jihadiste ont été également trouvés. Ce qui est étrange, c’est que ces pièces à conviction (pc et documents) ainsi qu’une partie des armes (notamment les missiles) ont disparu et n’ont jamais été signalés au juge d’instruction. Le principal accusé dans cette affaire, Ahmed Rouissi, est également incriminé dans les meurtres d’opposants qui ont eu lieu ultérieurement.

Il aura fallu attendre le meurtre du second opposant, Mohamed brahmi, et l’assassinat sauvage de huit soldats tunisiens à Chaambi pour que d’un seul coup, une guerre anti jihadiste soit déclenchée. Depuis, il ne se passe plus de jour sans au moins deux ou trois opérations anti terroristes dans le pays, le plus souvent couronnées de succès. Ceci a donné à penser que le pouvoir politique protégeait activement les courants jihadistes et interdisait aux forces de l’ordre d’aller jusqu’au bout de leur travail.

La situation économique est elle-même catastrophique comme le montre le creusement du déficit budgétaire, du déficit commercial et du recours à l’endettement. Le stand by signé en juin avec le FMI ne va pas forcément sauver le Trésor public puisque l’Etat n’arrive pas à tenir ses engagements. Après les récents troubles, les annulations de la part des touristes se sont multipliées.

Le pays va à la dérive, le gouvernement islamiste a échoué sur tous les plans sans exception et le compromis historique entre laïcs dits modérés et islamistes dits modérés préconisé par Moncef Marzouki s’avère jusqu’à présent une simple vue de l’esprit.

(Photos AFP)

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