
Ancien diplomate, docteur en sciences politiques.

Le Maroc et la géopolitique : un clin d’œil à l’histoire et des repères combien actuels
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Le 8 mai 2025 à 15h52
Modifié 8 mai 2025 à 18h28Le président américain Donald Trump prête serment le 20 janvier 2025, et la rotative de tout remettre en cause est mise en branle. Plus que des appréhensions, des peurs bleues de voir le locataire de la Maison Blanche joindre la parole à l’action par la mise en œuvre de ses promesses de campagne en matière de politique étrangère, telle est l’attitude des partenaires des États-Unis. Des chefs d’États accourent pour effectuer leurs traditionnelles visites à Washington et en savoir plus, pour en avoir le cœur net.
Concomitamment à l’élection de Donald Trump, hasard de calendrier, des mémoires de chefs d’État, de chefs de gouvernement et d’anciens ministres des Affaires sont publiées. Puis, des campagnes de lobbying et de séduction sont lancées vers Washington D.C.
Des articles commandés sont publiés pour essayer de tirer les vers du nez du nouvel homme fort. Dans notre paysage maghrébin, les relations entre les États-Unis et le Maroc d’une part et les États-Unis et l’Algérie de l’autre sont mises en balance. Ceci sans parler des déclarations de diversion ici et là qui font long feu.
Et puis, coup de tonnerre, l’Algérie décide de brader tout par la voix de son ambassadeur à Washington. Panique exprimée par certaines plumes marocaines. Ensuite, des annonces sur la coopération militaire entre le Maroc et les États-Unis dans la foulée d’un accord signé depuis cinq ans pour une durée de dix ans. Dans la foulée, l’Espagne et la France confirment leur interdépendance avec le Maroc. Des voix à Madrid et à Paris tentent, néanmoins, de semer la zizanie. En vain.
L’espace moyen-oriental n’est pas en reste ; une information avec une intention d’intoxication délibérée circule sur une déclaration présumée peu amicale à l’adresse du Maroc de l’ancien secrétaire général de la Ligue des États arabes, Amr Moussa. Elle est véhiculée par des relais algériens et reprise, sans crier gare, par certains supports médiatiques marocains. L’information est démentie par un communiqué de presse d’Amr Moussa.
Et en avant toute dans la bataille de l’information tirée par les cheveux. Par ailleurs, le président algérien annonce, à l’occasion de sa rencontre mensuelle avec la presse nationale, que l’Algérie est prête à faciliter l’accès à la Méditerranée au profit des pays africains enclavés du Sahel.
Un univers si hermétique qu’il devient transparent
Une proposition manquant de crédibilité qui s’ajoute à d’autres annonces, qui, depuis 1919, font que les observateurs avertis classent sous l’étiquette "No comment". Pas besoin de creuser la tête pour en conclure qu’il s’agit d’une contre-proposition à l’initiative d’accès des mêmes pays à l’Atlantique faite par le Roi du Maroc en août 2023.
Puis, il y a eu une information selon laquelle le Congrès américain a introduit une résolution en hommage à l’amitié historique entre les Etats-Unis d’Amérique et le royaume du Maroc en prévision de l’anniversaire de la commémoration de 250 ans du traité de paix et d’amitié entre les deux pays.
Entretemps, des efforts sont entrepris pour normaliser les relations entre l’Algérie et la France. La visite du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères à Alger, le 6 avril 2025, laisse présager que les choses iraient dans le bon sens, notamment sur la question de la coordination entre Paris et Alger sur la sécurité dans le Sahel.
Deux semaines plus tard, retour à la case de départ, à la suite d’une saccade d’expulsion de diplomates français et algériens à la suite de l’arrestation d’un fonctionnaire dans un consulat algérien soupçonné d’avoir trempé dans une tentative d’enlèvement d’un opposant algérien Amir Boukhars, plus connu sous l’acronyme Amir Dz.
Et alors que les observateurs semblent respirer un peu, voilà que le Mali, le Burkina Faso et le Niger décident de rappeler leurs ambassadeurs accrédités en Algérie pour consultation. La raison en est, comme le souligne sans ambiguïté le Mali, le soutien de ce pays aux mouvements séparatistes de l’Azawad.
Quelques semaines après, le 28 avril 2025, le Roi Mohammed VI accorde une audience aux ministres des Affaires étrangères de Burkina Faso, du Mali et du Niger, en leur qualité de représentants de l’Alliance des Etats du Sahel. Une audience cruciale qui dessine les contours d’une géopolitique africaine en pleine mutation.
Parallèlement, le même jour, le ministre nigérian des Finances, Wale Edun, révèle à Washington, en marge des réunions du printemps 2025 du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale, que les Etats-Unis sont intéressés à investir dans le gazoduc africain-Atlantique, attestant par là que ce gazoduc reçoit de plus en plus le soutien et l’intérêt de la communauté des affaires des producteurs et des consommateurs des hydrocarbures.
Le gazoduc Africain-Atlantique relègue en second rang le projet de gazoduc transsaharien qui ambitionne de relier le Nigéria à l’Algérie en transitant par le Niger. Du reste, Niamey déclare, il y a deux jours, qu’il ne serait plus intéressé par ce projet et souhaite bénéficier comme promis du projet de gazoduc Africain-Atlantique.
Dans la foulée, Washington Post et Jeune Afrique révèlent, il y a trois semaines, sur la base d’informations et de recoupement avérés, que l’Algérie et l’Iran (via Hezbullah) ont entrainé des éléments du mouvement séparatiste, le Polisario, pour participer à la guerre du régime Bashar al-Assad contre l’opposition en Syrie. Une coopération qui se serait faite en contrepartie d’un soutien financier et militaire au Polisario qui ne serait plus un secret pour personne. Il en découle que des voix aux Etats-Unis et en Europe montent au créneau pour demander que le polisario soit porté sur la liste des mouvements terroristes.
Savoir décoder les messages ou débarrasser le plancher
La précipitation des évènements attire les regards vers le Maroc. Des cyberattaques ciblent des entreprises privées et publiques marocaines, entraînant des dégâts qui interpellent sur l’identité de leurs auteurs et commanditaires.
Des mouvances politiques marocaines jouent avec le feu en se laissant manipuler par des intérêts hostiles au Maroc en provenance du Moyen-Orient. De la surenchère habituelle, sauf que cette fois-ci, elle frise le seuil de la collaboration avec des forces nuisibles à l’intérêt national du Maroc.
Une panne électrique gigantesque frappe l’Espagne et le Portugal le 28 avril 2025. Les deux pays sont paralysés. Le soir du même jour, le chef du gouvernement espagnol s’adresse aux Espagnols pour faire le bilan de la catastrophe et, chemin faisant, il remercie le Maroc et la France pour avoir aidé à résoudre partiellement le problème par la fourniture de l’électricité à l’Andalousie. Le Maroc contribue avec 38% de sa capacité de production. On découvre alors que deux câbles électriques sous-marins relient les deux pays respectivement depuis 1997 et 2006. Un troisième câble électrique est en cours de réalisation pour réduire les besoins et faciliter l’interdépendance dans ce domaine entre les deux pays.
Pourquoi le Maroc est-il sous les feux de la rampe ces derniers temps ?
Le dénominateur commun de tous ces exemples est qu’il trace un triangle Europe- Moyen-Orient-Afrique. Mais ce triangle devient encore plus intéressant quand l’équation intègre l’Amérique du Nord. Les chroniqueurs se font plaisir à brosser des tableaux qui répondent à leurs préférences idéologiques et à leurs choix politiques.
C’est très facile et très laborieux en même temps. Il est facile d’inventer des appellations ou de proposer des concepts pour les personnes qui y vont sans gants de velours. Pas de perte au change tant que la terminologie ne trouve pas de preneurs attitrés.
L’une des difficultés que rencontrent les politologues et journalistes d’investigation est de banaliser une problématique qui prend tout le monde par surprise. Tout le monde en parle, mais personne n’en saisit la signification et la portée réelles.
Il en est ainsi de l’expression coopération triangulaire ou du partenariat triangulaire. Cette coopération est à l’épreuve, car elle est dominée présentement par la dimension sécuritaire. La perception basée sur les alliances traditionnelles classiques est mise à mal tant les déterminants qui en faisaient un acquis ne sont plus aussi convaincants.
La remise en cause de cette perception porte surtout sur la qualité des partenaires et leurs places sur l’échiquier de l’équilibre de puissance. Cet équilibre puise dans la résilience la mesure idoine de l’évaluation. Le Maroc en dispose. Il se présente comme un pilier en la matière. Et l’histoire le démontre de belle manière.
Pourquoi le Maroc ? Drôle de question
Et c’est la raison pour laquelle, il me tente de partager l’essentiel d’une communication que j’ai faite à l’occasion d’un colloque sur Estevanico ou Mustapha Ezzemuri qui a eu lieu au College of Staten Island à New York, le 20 février 2024 sur le thème Tracing the Footsteps of a Remarkable African Explorer.
La communication est intitulée : Morocco, The United States, and Africa South of the Sahara: the Triangular Partnership rooted in the Estevanico Tale and other Tales. Elle s’inspire donc de l’idée des relations triangulaires que d’aucuns cherchent à faire valoir dans les relations entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique.
Il s’agit d’un texte en version française relativement remodelé pour le mettre en phase avec ce qui se passe actuellement sur l’échiquier géopolitique global. Cet échiquier est sérieusement secoué après le retour du président Donald Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025.
La communication met en relief la place du Maroc en tant que plaque tournante des interactions qui ont, de par l’histoire, distingué ce pays et expliqué pourquoi les initiatives atlantiques proposées par le Roi du Maroc offrent l’opportunité aux politicologues et aux historiens de revoir leurs notes ou paradigmes trempés dans des vérités premières qui n’ont plus raison d’être.
L’histoire d’Estevanico ou d’Ezzemuri, offre l’opportunité de réfléchir au destin de l’Homme, quand l’homme n’est pas maître de son destin –ou pour utiliser une autre métaphore, quand l’Homme est utilisé par le destin pour ouvrir l’œil sur des épisodes passés qui devraient servir de leçons pour le présent et le futur.
À l’heure actuelle, les explorateurs, encore lus et redécouverts, sont les témoins du destin commun de l’homme face à la nature et à lui-même. Ibn Batouta (1304-1368) et Léon l’Africain (Abul-Hassan al-Wazzan, 1494-1527-1555) sont en tête de liste. Ibn Batouta entreprit délibérément et librement ses pérégrinations de 1325 à 1949 (Tuhfat an-Nazzer fi Gharaib al-Ansar wa Ajaib al-Asrar, (Arrihla Le Grand Voyage).
Léon l’Africain est connu par son livre Description of Africa. Il fut enlevé par des marins siciliens, envoyé à Rome et présenté au pape Léon X. Le Pape le fit catéchiser et baptiser sous son propre nom, Jean Léon. À la demande du Pape, il rédige sa célèbre Cosmographie de l’Afrique, une description de l’Afrique publiée en 1525.
Pour mieux épicer notre papier, nous pouvons mentionner d’autres cas. Tout d’abord, le cas d’Ahmed Baba. Ahmed Baba était un érudit bien connu et un homme de lettres dans l’empire Songhaï. Il fut capturé en 1594 par l’armée saadienne et déporté au Maroc sous l’accusation de sédition. Il fut logé à Fès sur ordre du sultan Ahmed al-Mansur. Il fut libéré par le sultan Zaydan an-Nasser. Il se distingua par son opposition à l’esclavage et à l’objectivation des hommes. Il retourna à Tombouctou en 1608.
Parler de lutte et de combat contre l’esclavage, c’est évoquer le destin d’un autre Africain, Abdul Rahman Ibrahima. Abdul Rahman Ibrahima, un prince malien de Futa Dajalon (aujourd’hui, au Sénégal) a passé environ 40 ans en esclavage dans le Mississippi.
Le quartette de l’épilogue prometteur
Capturé prisonnier après un raid sur une tribu rivale, il est vendu comme esclave en 1788. Il s’est retrouvé dans une plantation de coton dans le Mississippi (Alford, Terry, Prince Among Slaves, 30th Anniversary Ed. New York: Oxford, UP, 2007; Austin, Allan D., African Muslims in Antebellum America: Transatlantic Stories and Spiritual Struggles, New York: Routledge, 1997).
Après plusieurs tentatives, il a finalement été libéré en 1829 par le président Quincy Adams grâce à l’intervention du sultan Moulay Abderrahmane du Maroc à la suite d’une demande documentée qui lui a été présentée par Andrew Marschalk. Moulay Abderrahmane, avait offert des fonds au consul américain pour financer la libération d’Ibrahima et le ramener dans son pays d’origine (Patrick Horn, sur la base d’Alford Terry, 2007 et Austin, Allan. D., 1997).
Toutes les conquêtes coloniales ont été planifiées par des gens envoyés sous couverture avec la mission douteuse d’éduquer les gens et de les faire passer de l’obscurantisme à la lumière. Il en est ainsi du sort du personnage principal du récit de Conrad (Conrad Joseph: 'Heart of Darkness', Blackwood's Magazine, 1899). Il a été dépêché pour éventuellement éduquer les peuples barbares à embrasser les valeurs de la civilisation occidentale. Il a fini par adopter les usages de ces derniers et devenir plus sanguinaire qu’ils ne l’auraient été.
Parler de destin tragique nous conduit à Estevanico. Voici un personnage, pris comme esclave, qui participe à une expédition destinée à conquérir la Floride de par son talent de polyglotte et qui finit par être mêlé à une histoire rocambolesque mêlant faits avérés et mythes. On fait l’économie des péripéties de l’expédition et des histoires qui ont été confectionnées par la suite sur la base du livre d’Àlvar Nuñez Cabeza de Vaca, Naufrages (1542).
Le destin tragique, c’est aussi celui des Moorish (Mauresques) aux Etats-Unis. Les Moorish qui veulent renaître à l’histoire par ressusciter leur passé supposé être glorieux. Ils revendiquent leur origine marocaine. Ils vont plus loin en prétendant que les Marocains ont été les premiers à découvrir l’Amérique.
The Moorish Holy Temple est une organisation religieuse fondée en 1913 à Newark dans le New Jersey, et depuis lors, les Moorish connaissent des bonheurs différents. Il est prétendu que leur leader Nobel Drew Ali, né Timothy Drew, aurait prêté le serment d’allégeance au sultan marocain Moulay Youssef en 1929.
Plus récemment, un cas qui s’est déroulé aux États-Unis d’Amérique mérite d’être mentionné. La saga Elián Gonzales est l’une des histoires les plus connues dont les gens se souviennent encore. En 2000, Elián, un garçon cubain de 5 ans, a été retrouvé le jour de Thanksgiving, perdu au milieu de l’océan sur un bateau à la dérive. Sa mère et son petit ami n’ont pas pu s’en sortir et ils se sont noyés. Elián a survécu miraculeusement et a été confié à la garde de son oncle.
Les gens ont associé la saga d’Elián aux attaques terroristes du 11 septembre 2001. Ils étaient prolifiques sur l’exactitude de la prophétie de la malédiction à somme nulle. La prophétie enracinée dans les contes amérindiens prédisait que chaque président américain qui serait élu dans une année se terminant par le chiffre zéro serait soit assassiné, soit ne pourrait pas rester au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat.
On pensait que la survie de Ronald Reagan à une tentative d’assassinat en 1981 avait interrompu le cycle des malédictions. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 auraient ravivé la malédiction. L’utilisation de mythes et de légendes était un bon alibi pour les politiciens aux États-Unis et à Cuba pour faire valoir leurs points de vue dichotomiques sur toute la ligne.
L’histoire d’Elián a trouvé un écho dans la conscience publique américaine à une époque où les relations entre les États-Unis et Cuba étaient tendues. Elián a fait l’objet de manipulations publiques à La Havane et à Washington. Fidel Castro a utilisé l’histoire pour mettre en lumière une vieille histoire, disant que Cuba connaîtrait des moments difficiles au début des années 2000 et qu’un garçon nommé Elián apparaîtrait pour sauver l’île et le dirigeant au pouvoir.
Que retiendrions-nous de tous ce qui précède ? L’esclavage comme étant une pratique qui faisait fi de la valeur intrinsèque des personnes qui y ont été assujetties. Mais une pratique qui, par chance, a permis de mettre sous les feux de la rampe, des personnages qui vont marquer leur époque –et certains mêmes de nos jours. Estevanico, bien sûr, mais aussi Ibn Batouta, Ahmed Baba ou Léon l’Africain.
La fallacieuse thèse de la civilisation universelle basée sur une vision unique de l’Homme. Le personnage de Conrad en est l’exemple le plus éloquent. L’organisation des expéditions à partir de l’Europe vers de nouvelles terres, à partir du XVe siècle, a été l’esquisse de l’ethnologie militaire qui allait baliser le terrain pour les conquêtes coloniales.
Par ailleurs, les descendants des expéditeurs, issus de mariages mixtes ou de liaisons de fortune, ont été considérés comme des sujets de rang inférieur. Certains ont réussi à tirer leur épingle du jeu. La plupart, non.
Des communautés entières ramenées de gré ou de force aux Etats-Unis, quatre siècles auparavant, revendiquent leur identité à l’intérieur d’une mosaïque d’identités qui déclenchent souvent des disputes existentielles. C’est le cas de la communauté Moorish aux Etats-Unis dont les membres déclarent être des sujets marocains.
Et l’on est en droit de se poser la question centrale sur la diversité culturelle issue des brassages ethniques et tribaux. Est-elle un facteur de cohésion, d’inclusion, d’assimilation ou d’acculturation ?
L’idée de la malédiction est très significative, à cet égard. La Floride a été le théâtre de trois exemples de malédiction qui vont marquer l’histoire. La malédiction qui a frappé Estevanico. La malédiction associée à Eliane Gonzales. La malédiction associée au suicide d’Ernest Hemingway.
Mais plus intéressante est l’idée de l’exploration pour la découverte de soi-même. À travers l’histoire d’Estevanico, nous découvrons l’aspiration à la liberté, bien qu’il fût considéré comme un esclave VIP. S’il eut pu survivre aux multiples dangers dont il fut la cible, c’est plus que l’instinct de la survie qui l’eût animé. Plutôt, celui de se battre pour devenir libre, et mourir après.
Les autres cas que j’ai mentionnés, à titre de comparaison, consolident cette hypothèse. Mieux, ils placent le Maroc au centre du monde à une époque particulièrement complexe de l’histoire du monde, le passage du féodalisme au capitalisme et au-delà.
Dans les mythes, des leçons de vie
Le Maroc au centre du monde, car Ibn Batouta va vers le nord jusqu’en Bulgarie, vers le sud jusqu’à Tombouctou, vers l’Extrême-Orient jusqu’à Quanzhou en Chine. Léon l’Africain est au service du Pape en Europe catholique. Estevanico, est retrouvé en Amérique. Ahmed Baba, l’Africain est une attraction dans la place de Marrakech et ébloui le sultan et les intellectuels de son époque par son savoir encyclopédique. C’est cette dimension verticale et horizontale de la culture marocaine qui interpelle et intrigue les chercheurs et les passionnés de l’histoire.
La lutte contre l’esclavage et l’emprisonnement abusif n’est pas un aller simple. Dans certains cas cités plus haut, on trouve des destins qui invitent à la réflexion. Le destin d’Ahmed Baba, ramené comme prisonnier et qui finit par devenir une personnalité de renom à Marrakech. Abdul Rahman Ibrahima, qui retrouve sa liberté grâce à l’intervention du sultan marocain. Les Moorish qui luttent pour s’affranchir d’une situation qui leur pose un dilemme existentiel.
À cet égard, la colère d’Ousmane Sembène contre les ethnologues et les cinéastes européens mérite d’être rappelée. Il a déclaré lors d’un débat avec Jean Rouch en 1965 que "la plupart des africanistes traitent les Africains comme s’ils étaient des insectes".
Amadou Hampâté Ba, penseur malien, disait en 1960 que "Quand un vieil homme meurt en Afrique, une bibliothèque brûle". C’est vrai, et c’est pourquoi les puissances coloniales se sont abstenues jusqu’à présent de déclassifier les archives coloniales.
Est-ce que cette perception erronée de l’Homme africain est dépassée ou remise en cause actuellement? Loin s’en faut. Des Africains ont participé à l’écriture de pages sublimes de l’histoire de l’Humanité et n’ont pas eu, de nos jours, la consécration qui aurait pu être la leur.
Et ce n’est pas une surprise que cette dimension est mise sous les feux de la rampe, à travers la coopération triangulaire entre le Maroc, les Etats-Unis et l’Afrique subsaharienne.
En tant que pays africain ayant des racines historiques, culturelles et spirituelles en Afrique, le Maroc s’y est intéressé bien avant qu’il ne devienne un enjeu stratégique important pour d’autres pays. L’Afrique est le théâtre de la concurrence entre les anciennes puissances coloniales (la France, la Belgique et la Grande-Bretagne, en particulier), les nouveaux concurrents (la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran) et les États-Unis.
Le partenariat tripartite et triangulaire prime sur les relations bilatérales orientées vers l’exclusion des tiers. C’est dans cette perspective que les relations triangulaires entre le Maroc, les États-Unis et l’Afrique subsaharienne prennent toute leur importance.
Le Maroc œuvre pour faire de la côte atlantique africaine une zone de coopération et de paix. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la création d’une organisation regroupant les pays africains riverains de l’Atlantique, dont l’idée date de 2009.
Depuis lors, bien des étapes ont été franchies. Elle est désormais qualifiée de processus Afrique atlantique. La cinquième réunion ministérielle de ce regroupement prometteur s’est tenue le 8 mai 2025 à Praia, au Cap-Vert. Le Maroc, initiateur de ce processus, est fidèle à son engagement de partenaire fiable qui œuvre pour le triomphe du codéveloppement, de la coresponsabilité d’une Afrique émancipée des séquelles d’un passé qu’il faudra oublier pour repartir du bon pied.
C’est dans cette perspective qu’il faut percevoir le lancement du "Partenariat pour la coopération atlantique" en septembre 2023, parrainé par les États-Unis et le Maroc. Il a été créé en marge des travaux de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Un partenariat qui couvre pour la première fois l’Atlantique Nord et l’Atlantique Sud.
L’initiative royale de permettre aux pays enclavés du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger et Tchad, d’avoir un accès à l’Atlantique entre dans cette vision inclusive. Non, n’en déplaise aux détracteurs du Maroc, les dimensions moyen-orientale, méditerranéenne, africaine et américaine ne sont ni un conte de fées ni une fanfaronnade.
Non, que les pendules soient remises à l’heure. Un, quand le Maroc a été un pionnier dans la recherche d’une solution juste et durable à la question palestinienne, en abritant et facilitant des contacts entre les parties en conflit, il a fait valoir ses atouts en tant que pays arabo-musulman qui a une connaissance de la région qui va de l’Atlantique à la mer de Chine (Ibn Batouta).
Deux, quand le Maroc a milité pour son ancrage à l’Europe, il a fait valoir ses spécificités méditerranéennes (Abul-Hassan al-Wazzan, Léon l’Africain).
Trois, quand le Maroc a peaufiné sa politique africaine, il a puisé dans son âme les valeurs qui le rattachent à l’Afrique subsaharienne (Ahmed Baba).
Quatre, quand le Maroc a renforcé ses relations avec les Amériques, c’est l’impact de la reconnaissance de l’indépendance des États-Unis par le Maroc en 1777 ; le retour de la politesse a été la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud en 2020.
En somme, dans les deux derniers exemples, il y a le souci de la défense de la liberté et de la redécouverte de l’Amérique (Abderrahmane Ibrahima, Mustapha Ezzemuri, les Moorish (Mauresques)).
La géopolitique n’a aucun sens, aucun impact, aucun secret si elle ignore l’un de ses principaux vecteurs, l’histoire. Cette histoire, elle est écrite par les hommes et les femmes. Et les hommes et les femmes laissent des archives. Et ces archives ne sont pas muettes. Et elles mettent en valeur l’espace euro-afro-américain.
Les initiatives royales le prouvent et l’inscrivent dans l’esprit de la continuité basée sur le codéveloppement, la participation créatrice d’opportunités et la conviction que c’est par l’économique que la paix et la stabilité sont possibles. Les détracteurs n’ont plus suffisamment de temps pour tergiverser. Time is running out.
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