
Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Habemus papam
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Le 7 mai 2025 à 15h43
Modifié 7 mai 2025 à 15h43Après le décès du Pape François le 21 avril dernier, un conclave est actuellement en cours pour élire un nouveau pape. Cette assemblée ne pourra s’achever que si les cardinaux s’accordent, avec au moins deux tiers des suffrages nécessaires, pour valider la nomination.
La grande majorité des papes élus à ce jour étaient italiens, avec quelques exceptions de certains originaires de la Grèce, de la France, de l'Allemagne, de la Pologne ou de l'Argentine, comme le Pape François qui vient de décéder. Aucun pape africain n’a été élu à ce jour à la tête de cette institution universelle qui joue un rôle prépondérant sur la scène diplomatique mondiale.
Le choix et la validation du nouveau pape répondront à un protocole rigoureux, pour élire la personne idoine qui puisse répondre aux exigences du moment. Le conclave dédié pour choisir un nouveau chef religieux se déroule entre une période de deux à trois semaines après le décès du pape. Cette période laisse aux cardinaux le temps de se connaitre et d’analyser objectivement la situation pour trouver la personne qui fédère l’Eglise catholique et répond aux impératifs du moment. Depuis 1913, aucun conclave n’a duré plus de cinq jours. Le plus long remonte au 13ᵉ siècle, quand il a fallu trois ans pour nommer un nouveau chef religieux.
Le jour du conclave, les cardinaux-électeurs joignent les prières à la votation. La matinée commence par une messe votive pour le défunt et prépare l’élection du nouveau. Dans l’après-midi ils se rendent en procession solennelle jusqu’à la chapelle Sixtine pour prêter serment. Celui-ci prend la formulation suivante qui les engage tous : nous permettons et nous jurons de garder avec la plus grande fidélité le secret sur tout ce qui concerne l’élection du souverain pontife et sur ce qui se fait dans le lieu de l’élection et qui concerne, directement ou indirectement, les scrutins, et de ne violer aucun secret pendant ou après l’élection.
Après cette déclaration solennelle, le maître des cérémonies prononce une formule qui ordonne à toute personne étrangère au conclave de quitter la chapelle Sixtine et de fermer les portes pour passer au vote. Pour être élu, un cardinal doit obtenir au moins deux tiers des suffrages. Le premier vote se déroule le premier jour dans l’après-midi, et si l’élection n’aboutit pas, il peut y avoir quatre votes les jours suivants, soit deux le matin et deux l’après-midi. En cas où le scrutin ne donne pas un élu, l’élection se met en pause pendant une journée, pour offrir aux cardinaux le temps de prière, de réflexion et de dialogue avant de revenir au vote.
Ces opérations se répètent, et si aucun pape n’est élu après sept scrutins, on procède de nouveau à une nouvelle pause. Ce processus peut se répéter jusqu’à trois fois, et si aucun n’est élu, les deux cardinaux ayant recueilli le plus de voix n’ont plus le droit de vote dans les scrutins suivants. Après chaque votation, et avant de quitter la chapelle, tous les bulletins sont brûlés pour respecter le caractère secret de l’élection. La fumée noire issue de la combustion des bulletins qui échappe du toit indique que le pape n’est pas encore désigné. Quand la fumée est blanche, bulletins brûlés avec de la paille humide, cela annonce l’élection d’un nouveau pape.
Durant tout le conclave, tous les cardinaux sont hébergés sur place pour les isoler des influences externes. Ils ne sont pas autorisés à être en contact avec des personnes étrangères, à recevoir ou envoyer des messages, à lire ou écouter les médias pendant toute la durée de l’élection. Tout est fait pour les éloigner des influences externes ou recevoir des instructions de l’extérieur. Si une infraction à ces normes était commise, l’auteur est soumis de suite au bannissement et à l’excommunication. Tous les cardinaux doivent donc être coupés du monde durant tout le conclave, jusqu’à l’élection du nouveau pape.
Par la suite, lorsqu’un cardinal est élu comme pape, par au moins les deux tiers de ses pairs, le doyen du collège des cardinaux suit le même rite que par le passé. Il pose officiellement la même question rituelle posée aux papes précédents : Acceptes-tu ton élection canonique comme souverain pontife ? Puis, après son consentement devant ses pairs, on lui demande comment il veut être désormais appelé. Une fois la réponse donnée par le nouveau souverain pontife, les cardinaux s’avancent vers lui pour lui rendre hommage et faire acte d’obédience.
Ce rituel religieux figé depuis des siècles finit par l’annonce par le cardinal du balcon central de la basilique Saint-Pierre pour proclamer la nouvelle au peuple. Il prononce la célèbre formule habemus papam, nous avons un pape, tout en annonçant le nom choisi par le nouveau souverain pontife. Celui-ci fait ensuite sa première apparition comme chef de l’Église catholique pour saluer les fidèles dont il assume dorénavant la responsabilité morale. Il leur offre sa bénédiction apostolique Urbi et Orbi, c’est-à-dire une bénédiction à la ville et au monde.
Le Vatican, de puissance spirituelle à acteur géopolitique mondial
En dépit de ces rites ancestraux, le Vatican, ou plus précisément l’Etat de la cité du Vatican, n’est né officiellement qu’en 1929 à la suite des Accords de Latran, signés entre le Saint-Siège et le gouvernement italien de Benito Mussolini. Auparavant, et depuis le 8ᵉ siècle, les papes régnaient sur un territoire appelé les États pontificaux qui couvraient une grande partie du centre d’Italie. Il faut attendre le 19ᵉ siècle, en 1870, lors de l’unification de l’Italie par le roi Victor Emmanuel II qui a mis fin à ce privilège. Le Pape Pie IX refuse alors de reconnaitre la nouvelle autorité et se déclare prisonnier au Vatican. Cette situation de blocage entre l’Etat italien et le Vatican durera soixante ans.
Le gouvernement de Mussolini signe alors avec le Saint-Siège, le 11 janvier 1929, les accords du Latran pour sortir de cette impasse. Cette entente se base sur un triptyque : la reconnaissance de l’indépendance et de la souveraineté de l’Etat de la Cité du Vatican, la religion catholique est la religion de l’Italie, et enfin une compensation financière conséquente octroyée au Vatican pour la perte des Etats-pontificaux. Le Vatican devient alors un Etat souverain, le plus petit au monde en superficie, avec 44 hectares au centre de la ville de Rome. Il est dirigé par le pape, chef spirituel de l’Eglise et chef de l’Etat du Vatican.
Depuis cette réorganisation, le rôle du pape est devenu plus important à l’échelle internationale, notamment après le second conflit mondial. Pour les catholiques, il est le guide spirituel et le successeur de Saint-Pierre, l’apôtre choisi par le Christ. Et de ce fait, il est le chef religieux de tous les catholiques du monde. Il fixe les grandes orientations de l’Eglise et nomme les évêques et les cardinaux. Il convoque également des assemblées d’évêques, les synodes, pour traiter des questions de l’heure. Il désigne aussi les nonces apostoliques en tant qu’ambassadeurs dans plus de 180 pays.
Le rôle du Vatican est devenu depuis important et stratégique dans le monde. Par le passé, il n’a pas toujours été empreint de compassion, de commisération et d’humanité à l’égard des autres peuples et civilisations. Les croisades contre l’Islam, l’inquisition contre les musulmans et les juifs en Espagne musulmane, le sort réservé aux autochtones en Amérique, l’esclavage et la traite des noirs furent des crimes et des péchés qui ont laissé dans la mémoire humaine des traces indélébiles et de tristes souvenirs. Les missionnaires précédaient les colons, leur préparaient le terrain et les accompagnaient dans leurs basses manœuvres. Le christianisme dévalorisait ainsi les cultures locales vues comme païennes ou sauvages, et imposait les normes européennes.
Après la Seconde Guerre mondiale et les indépendances des pays du Sud, le Vatican adopte cette fois-ci des attitudes de compassion et d’humanisme à l’égard des autres civilisations. Dialogue permanent avec les autres religions, lutte contre la pauvreté ou soutien aux immigrés sont parmi les grands axes de sa politique internationale. Certaines de ses dépendances, comme la communauté Sant’Egidio créée en 1968, œuvrent dans la médiation politique. Présente dans 70 pays, elle développe des initiatives de paix et de réconciliation, comme en janvier 1995 lors de la guerre civile en Algérie, quand elle a réuni les militaires et les islamistes algériens.
C’est cependant en Afrique où le Vatican déploie une forte présence pour se renforcer face à l’Islam qui progresse inexorablement. Jamais le Vatican n’a été si présent sur notre continent comme il le fut sous le Pape François. Dès sa nomination, il avait affirmé qu’il désirait une Église pauvre pour les pauvres et a remis cette équation au cœur même de sa mission. En douze années de pontificat, il a visité dix pays africains, dont le Maroc et l’Egypte, et nommé 17 cardinaux pour notre continent. Il a même poussé cette ouverture jusqu’à célébrer une messe à Kinshasa selon le rite zaïrois, valorisant ainsi la culture africaine, mais contrariant d’autres de ses disciples.
C’est en raison de ces multiples ramifications à travers la planète que le Vatican est devenu une base pour tous les services de renseignements, en raison de la qualité de ses informations et de la pertinence de ses analyses. Cet appareil de collecte remonte au 16ᵉ siècle, quand le cardinal Antonio Ghislieri, devenu par la suite Pape, avait fondé ce service pour surveiller l’hérétique Elizabeth Ire d’Angleterre et contrer ses menaces sur l’Europe continentale. C’est ce savoir-faire développé patiemment par le Saint-Siège qui force l’admiration et fait de la Cité du Vatican une plaque tournante de la diplomatie mondiale.
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