Scénario catastrophe pour le titre Total Maroc en cas de sanction du conseil de la concurrence

Mehdi Michbal | Le 18/9/2019 à 12:36

Le pétrolier ne conteste pas les griefs dans l’enquête portant sur les soupçons d’entente anti-concurrentielle. Il encourt une sanction qui peut aller jusqu’à 620 MDH, soit près de 80% de ses bénéfices annuels. 

Aucune décision n’a encore été prise par le Conseil de la concurrence concernant l’enquête sur les prix des carburants. Mais la tournure des événements est défavorable à Total Maroc, unique pétrolier coté. Introduit à la Bourse de Casablanca en mai 2015 à un cours de 535 DH, Total Maroc avait gagné, depuis, plus de 126%. Tous ces gains risquent désormais de s’effacer en cas de sanction dans ce dossier. Les sanctions dans ce domaine sont particulièrement lourdes.

La valeur risque de se trouver au cœur d’un scandale (économique, social, financier et moral) inédit dans les annales du monde des affaires.

Mardi 17 septembre, Médias 24 révélait que le pétrolier, au même titre que les deux autres géants du secteur (Afriquia et Vivo), n’a pas souhaité contester les griefs dans l’affaire portant sur les soupçons d’entente anti-concurrentielle diligentée par le Conseil de la Concurrence.

Les trois pétroliers ont choisi la voix de la raison : ne pas contester les griefs formulés par le Conseil pour réduire de moitié le montant des sanctions encourues et tenter éventuellement de grappiller davantage en entrant dans une procédure de négociation avec les services du Conseil de Driss Guerraoui, comme prévu par l’article 37 de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la Concurrence

Enorme ponction sur les bénéfices prévisionnels

En matière de pratiques anticoncurrentielles, "le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10% du montant du chiffre d’affaires mondial ou national, pour les entreprises n’ayant pas une activité à l’international, hors taxes, le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l’exercice précédant, celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre."

Lorsqu’un organisme ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, "le rapporteur général peut proposer au Conseil de la Concurrence (…) de prononcer la sanction pécuniaire en tenant compte de l’absence de contestation." Auquel cas "le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié."

Malgré cet allègement prévu par la loi, Total Maroc risque gros, très gros. Afriquia et Vivo également, mais pour ces deux opérateurs l’impact financier sera supporté entièrement par leurs actionnaires de référence (le groupe marocain Akwa et la multinationale Shell).

Pour Total, le spectre des dégâts serait plus large, s’étendant aux petits porteurs du marché, aux salariés-actionnaires du groupe et à l’argent des retraites géré par les institutionnels du marché, présents en masse dans le capital du pétrolier.

Le chiffre d’affaires le plus élevé de l’entreprise depuis 2016 (première année post-libéralisation des prix et année où les marges des pétroliers ont explosé) est de 12,48 milliards de dirhams (exercice 2018).

La valeur de la sanction peut donc aller jusqu’à 624 millions de dirhams, l’équivalent de 5% de ce chiffre d’affaires. C’est donc près de 80% des bénéfices annuels de l’opérateur qui risquent de partir en fumée (Total a réalisé un bénéfice net de 781 MDH en 2018).

Evolution du chiffre d’affaires consolidé depuis 2016

Chiffres en milliards de dirhams

Source : Bourse de Casablanca

2016 : 8,03

2017 : 9,91

2018 : 12,48

 

Evolution du RNPG depuis 2016

Chiffres en millions de dirhams

Source : Bourse de Casablanca

2016 : 897

2017 : 1 032

2018 : 781

 

Une sanction d’une telle ampleur pour un opérateur coté en Bourse est d’abord inédite. Elle risque non seulement d’ébranler les équilibres de l’opérateur mais induire une descente aux enfers de son cours boursier, au grand dam des porteurs du titre.

Risque de tsunami boursier

Les règles d’usage veulent que ce risque soit provisionné dès cet exercice, même si l’exécution de la sanction ne pourrait se matérialiser qu’en 2020. Ce qui risque de déclencher un véritable tsunami en Bourse dès la séance d’aujourd’hui…

Publiée mardi à 13h25, en pleine séance de marché, l’information n’a eu aucun impact sur le cours du pétrolier. Il s’est réduit de 2,96% (une variation ordinaire) dans un très petit volume de 355.000 dirhams. Les boursicoteurs n’ayant certainement pas eu le temps de digérer l’information, d’en mesurer les conséquences et de passer des ordres de vente à leurs traders. Ce mercredi en fin de matinée, le titre avait perdu 4,86%.

Le titre s’était considérablement apprécié depuis son introduction en Bourse en 2015, passant de 535 à 1213 dirhams, entre le 29 mai 2015 et aujourd’hui. Crédité depuis le début de l’année d’avis extrêmement positifs, le titre a gagné plus de 31% depuis début 2019. Tous les analystes du marché le recommandaient jusque-là à l’achat, certains conseillant de l’accumuler dans les portefeuilles, surtout après la dissipation des craintes sur le plafonnement des marges, vraie-fausse menace brandie par le ministre des Affaires Générales Lahcen Daoudi.

Des positions qui devrait désormais changer radicalement, surtout pour les investisseurs agissant dans une logique de court terme.

Les boursicoteurs souhaiteront en toute logique liquider le titre le plus vie possible pour récupérer les gains accumuler ces trois dernières années, et limiter ainsi la casse.

Les institutionnels, eux, subiront des pertes sur les comptes de cet exercice. Mais pourraient, il faut le dire, profiter de ce mouvement vendeur et récupérer les tires cédés à prix bas, leur horizon d’investissement étant très long.

Car si cette sanction va engendrer de grosses pertes sur le titre en 2019 et en 2020, Total Maroc reste sur un horizon long, un titre de fond de portefeuille. L’impact de la sanction sera absorbé sur deux exercices au grand maximum, et les comptes d’exploitation retrouveront ensuite leurs couleurs. Un investisseur qui mise sur 10, 15 voire 20 ans sera à peine ébranlé par cette affaire. Ceux qui investissent pour fructifier leur argent ou leur épargne sur une année ou deux, seront eux, dans l’inquiétude.

C’est cette situation que le marché devra désormais gérer.

Pour l’heure, les analystes du marché sont encore sous le choc. S’il est certain que le cours du titre entamera une forte baisse dès aujourd’hui, personne ne peut en anticiper l’ampleur.

Il s’agit d’une première sur le marché marocain. Jamais jusque-là, une valeur du Masi n’a été exposée et à une telle procédure anti concurrentielle et à un risque de sanction d’une telle ampleur.

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