Lecourtier: comment la France voit le Maroc et ce qu'elle propose pour l'avenir

VERBATIM. C'est une sorte de "Nous vous avons compris" qu'a exprimé l'ambassadeur de France au Maroc vendredi 16 février à l'université d'économie et de droit de Casablanca, à l'invitation de la Fondation Links. Un exposé qui éclaire les relations maroco-françaises vues par la France aujourd'hui.

Ph. MEDIAS24

Lecourtier: comment la France voit le Maroc et ce qu'elle propose pour l'avenir

Le 18 février 2024 à 10h40

Modifié le 19 février 2024 à 8h06

VERBATIM. C'est une sorte de "Nous vous avons compris" qu'a exprimé l'ambassadeur de France au Maroc vendredi 16 février à l'université d'économie et de droit de Casablanca, à l'invitation de la Fondation Links. Un exposé qui éclaire les relations maroco-françaises vues par la France aujourd'hui.

En raison de l'intérêt du sujet, des mots précis et du discours riche livrés par Christophe Lecourtier, nous livrons ci-dessous la vidéo de l'événement ainsi qu'un vebatim fidèle des propos de l'ambassadeur de France. Nous publierons une lecture de ces propos ultérieurement. Lecourtier est arrivé au Maroc en décembre 2022, en pleine glaciation. Actuellement, le temps semble amorcer un dégel progressif des relations bilatérales.

Voici ce qu'en dit Christophe Lecourtier [vidéo à la fin de l'article]:

L'ambasadeur de France se déclare "très impressionné parce que le sujet dont on parle, les relations entre la France et le Maroc, est un sujet très important, très ancien lui aussi. Et moi, je ne suis qu'un petit maillon à un petit moment de cette longue histoire. Mais comme tout maillon d'une chaîne, il faut être sûr qu'il tient, il peut renforcer cette chaîne-là. C'est quelque chose que j'ai eu l'occasion de dire à peu près dans ces termes à des personnes extrêmement illustres de votre royaume. C'est une histoire unique".

"Mais ce qui est sûr, c'est que c'est une relation charnelle. Elle est unique parce qu'elle est charnelle et parce qu'elle est charnelle, elle est difficile à délier. Comme un ADN qu'on ne peut pas dissocier pour en faire deux personnes différentes".

"Mais en même temps, rien ne serait plus arrogant, rien ne serait plus sot que de dire que parce qu'elle est unique, parce qu'elle est charnelle, parce qu'elle est ancienne, tout va de soi et tout va forcément se rétablir tout seul dans le meilleur des mondes. Je reprends tout à fait à mon compte et je ne conteste pas le fait qu'il puisse y avoir sinon une crise, du moins une période dont nous ne pouvons pas nous satisfaire et qui appelle des remédiations".

"Ma carrière, pour ne pas parler de moi plus longtemps que vous ne l'avez fait, se caractérise à travers tous les jobs que vous avez bien voulu rappeler, mais surtout par le fait que j'ai été, comme junior et puis un peu moins junior, un assez bon observateur de toutes les circonvolutions, les évolutions du monde des 20 dernières années, des 25 dernières années, avec une époque qu'on a pu appeler la mondialisation heureuse, il y a 25 ans peut-être".

"Et puis aujourd'hui, une époque qui est caractérisée par une démondialisation, ou en tout cas des conflits de diverses natures qui détruisent totalement le paradis auquel certains avaient rêvé".

"Je vous rappelle, après la chute du mur de Berlin, certains philosophes américains parlaient de la fin de l'histoire, comme si à un seul coup toutes les contradictions qui pouvaient être les nôtres, au sud, au nord, à l'est, à l'ouest, avaient pu se résoudre dans une sorte d'Éden libéral fortement inspiré par les États-Unis. Ça s'est terminé quelques mois après en Irak, on a bien vu la suite.

"En tout cas, j'ai été un assez bon observateur et j'ai eu à certains moments, y compris en ce moment beaucoup, la possibilité d'être un acteur avec un petit A, mais comme j'ai dit tout à l'heure, aucun maillon d'une chaîne n'est négligeable à partir du moment où il essaye d'être utile".

L'enjeu n'est pas une réconciliation pour une belle photo style PAris Match

"L'enjeu pour nous, on parle beaucoup de réchauffement, de retrouvailles, je souscris tout à fait à ces termes-là, mais ce n'est évidemment pas une réconciliation pour une belle photo, pour Paris Match, pour une sorte de chronique mondaine où on se retrouverait, on s'embrasserait, on se dirait que tout ça était passager et qu'on repartirait comme avant".

"D'ailleurs, qu'est-ce que c'est l'avant ? On va pas revenir à l'époque de Jacques Chirac, c'était sûrement une belle époque, mais ça commence à dater. On pourrait revenir à l'époque de Nicolas Sarkozy, je l'ai accueilli il y a trois jours encore à Marrakech".

"Nous les Français, nous avons peut-être perdu un peu la connaissance, l'intimité avec le Maroc, peut-être plus que vous"

"Donc c'est illusoire. Et si nous voulons, ce qui est vraiment le cœur de ma mission, mais aussi ce que souhaitent mes autorités, je crois ici aussi au Maroc, si nous voulons être utiles, nous devons, et je pèse les mots, essayer de renouveler la relation. Essayer, parce que rien n'est jamais acquis. Renouveler, parce que c'est bien ça dont il s'agit. Et la relation, c'est évidemment le cœur de tout. Et en partant du principe tout à fait simple, mais qu'il vaut mieux redire à chaque fois, que nous nous connaissons moins, ou en tout cas que nous les Français, nous avons peut-être perdu un peu la connaissance, l'intimité avec le Maroc, peut-être plus que vous".

"Nous avons gardé des lunettes dont les verres ne sont plus adaptés à la réalité du Maroc"

"La deuxième chose qui découle de la première, c'est que ce pays a changé en bien des aspects, et pour le mieux. Et que, parfois, nous n'avons pas su mettre nos montres à l'heure, et nous avons gardé des lunettes dont les verres ne sont plus adaptés à la réalité du Maroc. Ça procède un peu du même sujet".

"La deuxième chose, on y reviendra, ou la troisième chose, c'est que le monde a terriblement changé, et il continue à changer. Et que notre relation, on n'est pas tous les deux sur une île déserte, dans une piscine. qui ne seraient occupées que par la France et le Maroc. Il y a beaucoup de gens autour".

"Et la troisième chose que parfois on oublie un peu ici, c'est que la France a changé et je conteste, on pourra peut-être répondre à des questions, l'idée est qu'elle soit sortie de l'histoire".

"Il y avait une phrase très malheureuse du président Sarkozy il y a quelques années, j'ai été son collaborateur, je le connais, on s'aime bien, mais ça ne s'appliquait pas du tout au Maroc. Mais en allant en Afrique subsaharienne, un monsieur qu'on connaît, qui avait voulu faire une figure de style, avait écrit une phrase stupide qui était «l'homme africain n'est pas encore entré dans l'histoire». Juste comme ça. Bon, c'était stupide. Enfin, il y a des égards..."

"Mais de la même manière, on entend parfois ici, c'est peut-être pas formalisé de la même manière, mais que la France serait sortie de l'histoire. Pas forcément de celle avec le Maroc. Je le conteste aussi, il y a bien des égards".

"Nous sommes dans une phase de mue, un peu comme un serpent, vous savez, tous ces animaux qui, à un moment donné, perdent leur peau. Alors, évidemment, il y a un moment où on ne sait pas si c'est l'ange ou si c'est la bête qui va sortir de ça. Mais cette mue, elle est l'expression d'une vitalité. Et je suis convaincu, pour quand même bien connaître mon pays, parce que quoi que diplomate, j'ai eu l'occasion de passer beaucoup de temps en France, de m'occuper beaucoup de problématiques françaises. Et je vois le verre à moitié plein dans notre pays, avec aussi tous ses défauts. Donc je ne vais pas être trop long, mais je vais me limiter à quatre idées".

1. L'année 2023 n'a pas été si mauvaise que ça

"La première idée, c'est que l'année 2023 n'a pas été si mauvaise que ça, pour les relations franco-marocaines. Et que notre intimité humaine, assez unique, s'est renforcée dans bien des domaines".

"Certes, on n'a pas eu de visites présidentielles, on n'a pas eu beaucoup de visites officielles, etc. Mais si on regarde toute une série d'indicateurs qui prouvent la vitalité de cette relation, tous sont en hausse dans des proportions considérables. Regardez le tourisme. Maroc a connu en 2023 une performance assez remarquable, pas très loin, je crois, des 15 millions de touristes. Là-dedans, il y a 5 millions de Français. Alors vous allez me dire, il y a des franco-marocains, mais il y en avait avant aussi. Nous sommes à plus d'un tiers des touristes qu’accueille le Royaume. Tous les murs des métros de Paris étaient couverts il y a quelques semaines encore d'affiches. Et il n'y a pas d'autres pays au sud où les Français aient envie d'aller. Le Maroc est plébiscité".

"C'est même gênant quand on va dans certaines villes marocaines, parce qu'on a l'impression qu'il y a plus de Français que de Marocains, en tout cas dans la Médina de Marrakech, par exemple. J'étais allé avec un ministre et pas le moindre, il y a quelques mois, à Marrakech. Au début, il voulait connaître un peu plus la Médina. A la fin, il était en campagne électorale, parce qu'il y avait des selfies partout avec des compatriotes".

"C'est quand même important. On a pu parler de désamour, mais ça n'a eu aucun effet sur la volonté des Français de venir au Maroc et de le connaître dans toute sa diversité, sa richesse, son accueil, sa générosité. Autre élément, qui n'est quand même pas négligeable, on est un peu plus financiers, c'est que jamais les remittances, les transferts financiers venant de l'étranger, et en particulier de France, n'ont été aussi importants".

"Le Maroc a en gros 110, 120 milliards de dirhams, en tout cas en 2022, mais je crois que ça s'est encore augmenté en 2023. Là-dedans, les Français représentent encore 32-33%. C'est 30 milliards de dirhams qui sont venus cette année et en hausse de 17% par rapport à l'année précédente. Ça dit aussi quelque chose sur cette intimité culturelle. Ce sont des Marocains ou des Franco-Marocains, mais voilà, ils sont en France, ils travaillent, ils envoient leur argent".

Visas: Macron a dit que ce fut une mauvaise décision qui nous a éloignés de nos amis et abîmé notre image

"Sur les fameuses histoires des visas, ... Là, je sens que c'est le moment du sketch qui est le plus écouté. D'abord, le président de la République lui-même, je ne veux pas faire de politique, mais c'est vrai que l'inspiration qui avait présidé à ces mesures, peut être interpellée, peut-être questionnée, mais j'y étais. Au mois d'août dernier, 2023, à la conférence annuelle au cours de laquelle le président de la République française réunit tous les ambassadeurs et tous les corps constitués de la République, il a clairement dit que c'était une mauvaise décision, qu'elle nous avait éloignés de nos amis, qu'elle avait abîmé notre image, je l'ai dit d'ailleurs ici à la radio, en citant ni plus ni moins que les propos publics qu'il avait tenus".

"En 2023, c'était une instruction qui m'avait été donnée, nous avons accordé 100.000 visas de plus par rapport à l'année 2022, soit 241.000 visas pour des ressortissants marocains".

"Vous allez me dire que ça ne marche pas encore assez bien, (...) nous avons fait du Maroc de loin après la Chine, - la Chine a 1 milliard 400 millions d'habitants- le premier pays bénéficiaire de nos visas. On peut toujours en faire plus, on veut en faire plus".

"Ce que nous allons faire, j'y reviendrai après, c'est une politique qui va rester très quantitative, mais qui va distinguer (...) certaines catégories de visas pour que ça aille plus vite pour certains et au même rythme qu'avant pour les autres".

"Donc, nous avons une population marocaine ou franco-marocaine en France. On ne fait pas de statistiques ethniques ou de statistiques par nationalité ou religieuses, évidemment on n'a pas le droit de faire ça. Mais, parce que normalement chez nous, il y a une seule catégorie de français. Mais quand même, il y a des études qui sont faites avec vos consulats, on est à 1,7 - 1,8 million de Marocains, franco-marocains, descendants de marocains, beaucoup. On a une population de 68 millions". (...)

"Donc cette intimité, elle n'a pas été du tout affectée, au contraire, par cette mauvaise année. Je reviendrai aussi dans les investissements économiques, qui sont une des caractéristiques de la France, ici au Maroc. Pas pour faire plaisir, mais parce que c'est notre intérêt bien senti, c'est notre intérêt réciproque. Sur 100 dirhams investis l'année dernière au Maroc par des étrangers, 44 sont venus de la France. 44%. C'est l'office des changes [qui est la source], c'est pas des statistiques de l'ambassade".

"Donc, là encore, on était en crise, on était en guerre froide, on a entendu tout ou lu tout, et pourtant, tous les clignotants, à part peut-être la relation politique classique, sont restés au vert".

2. L'indépendance dans l'interdépendance

"La deuxième idée, c'est plus une problématique, c'est que notre relation, elle pourrait se caractériser, je dis ça vraiment sur la pointe des pieds, par une phrase que le général de Gaulle avait naguère utilisée, pas spécialement à propos du Maroc, mais ça peut s'appliquer aussi, c'est l'indépendance dans l'interdépendance".

"L'indépendance, ça fait longtemps que c'est un fait ici, ça l'a été pendant des siècles et des siècles, la période française a été finalement une goutte d'eau dans l'océan de l'histoire de la culture des dynasties marocaines. Mais on a créé une interdépendance dans tous les domaines dont on a pu parler, humaine, culturelle, économique. Aujourd'hui, la question qui se pose, c'est qu'est-ce qu'elle devient, qu'est-ce qu'elle peut devenir, indépendamment de tout aspect politique. Dans un monde, vous l'avez évoqué, qui est un monde extraordinairement chaotique. Nous avons, vous avez, tout le monde d'ailleurs, enchaîné quasiment sans transition une crise financière".

"Moi je l'ai vécue au ministère de l'économie et des finances françaises en 2008, et dans les années qui ont suivi. On a l'impression que ça relève maintenant de la préhistoire, mais ça a été terrible. La chute de Lehman Brothers et de toute une série d'établissements financiers, les milliards qui ont dû être injectés pour soutenir le secteur financier, les faillites par dizaine de milliers. Puis cette crise financière à peine commençait-elle à s'atténuer et s'est transformée en crise sanitaire. Chacun s'en souvient. Tout ça sur le fond d'une crise climatique dont chacun, et même en France, mesure les effets".

"En tout cas, la crise climatique va durer. Et puis aujourd'hui, une crise encore plus chaude avec les conflits qu'on voit ici ou là. Et cette accusation -je ne la qualifie pas- en tout cas, cette voix qu'on entend selon laquelle il y aurait des doubles standards entre la manière dont on soutient l'Ukraine contre la Russie et la manière dont on hésite en Palestine ou en tout cas au Proche-Orient à clarifier réellement les responsabilités des uns et des autres".

"Et puis ça débouche sur cette idée qui me semble un peu primaire, un peu du sud global, de l'idée que dans le déclin de l'Occident se reconstitueraient des solidarités entre l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine, qui auraient les mêmes intérêts. Ça reste à voir. Il suffit de voir l'agenda des BRICs  pour voir comment".

"Tout ça, c'est la déconstruction totale du monde qu'on a cherché à construire les uns et les autres. Et le Maroc, de ce point de vue-là, par le rôle qu'il avait dans le camp occidental, il faut bien le dire, -pas simplement parce qu'il était à l'occident du monde arabe, mais aussi parce que vos souverains ont adhéré pleinement et on joué un rôle important dans ce qu'on appelait à l'époque de la guerre froide, le camp occidental".

"Aujourd'hui, il n'y a plus aucun repère datant de cette époque-là. Et donc, notre relation à nous, elle est compliquée parce que elle doit cette interdépendance, elle doit se redéfinir dans un état du monde qui est complètement différent de celui qu'on a pu connaître et celui dans lequel on avait tissé nos liens. Et donc, là, ça n'a rien à voir avec la bonne ou la mauvaise entente entre nos gouvernements. Mais ça a à voir avec notre capacité à ce que ce binôme franco-marocain retrouve de la légitimité, retrouve de la dynamique dans une nouvelle donne mondiale qui ne relève pas de nous, mais qui s'impose à nous".

Nous avons besoin l'un de l'autre

"Donc, c'est un gros challenge. Pour moi, j'ai des convictions très simples qui, je crois, sont relativement justes. La première, c'est que nous avons besoin l'un de l'autre. La France, à bien des égards, a besoin du Maroc. Elle ne peut pas rester en partie ce qu'elle est, c'est-à-dire une puissance moyenne de première division, si je puis dire, sans la fraternité avec le Maroc, parce que les complémentarités sont très nombreuses, on y reviendra.

"Et la deuxième idée, c'est que cette complémentarité, elle a toutes les raisons de se refonder, sans forcément exclure d'autres pays, notamment au sud, évidemment, au nord aussi, du Maroc, mais elle a toutes les raisons de se refonder, parce qu'on voit bien, et d'ailleurs, il y a beaucoup de théoriciens économiques ou géopolitiques qui écrivent à longueur de journée là-dessus, que la mondialisation d'il y a encore 20 ans ou 10 ans, aujourd'hui, cède la place à une sorte de re-régionalisation, à la constitution de grandes régions".

"Alors, vous avez la Chine qui, elle-même, est une grande région, avec un certain nombre de pays satellisés. L'Inde, qui est aussi un géant, qui va chercher à défendre ses intérêts mordicus et une sphère de prospérité sans faire de cadeau à personne, ni aux occidentaux, ni à la Chine, ni à personne d'autre. Vous avez de l'autre côté les États-Unis. Je suis de ceux qui parient plutôt sur la victoire, pas au sens militaire, mais au sens modèle de développement des États-Unis à l'échelle de 20, 30, 40 ans par rapport à la Chine, pour des raisons que vous connaissez. Les Etats-Unis, dans les 20 ans à venir, ou les 25 ans à venir, vont avoir deux sujets à régler".

"Le premier, c'est la Chine. Les États-Unis, c'est comme dans les westerns, il faut toujours qu'il y ait un ennemi. Et le deuxième sujet, c'est que les États-Unis, probablement dans 20 ans ou 25 ans, parleront plus espagnol qu'anglais".

"Et quand on voit plus généralement l'évolution de la société, on voit qu'elle est elle-même dans une évolution considérable, mais qui n'a aucune raison de la rapprocher de l'Europe ni de l'Afrique du Nord".

"Et donc, nous avons une sorte de communauté de destin objective, parce que si vous faites une diagonale entre l'Europe du Sud, ça passe forcément par le Maghreb. Au Maghreb, disons qu'il y en a un qui est aux abonnés absents, et puis il y a vous, même le troisième, un peu en difficulté. Donc, c'est l'Europe du Sud, le Maroc, et puis ce qui vient en dessous, sans forcément descendre jusqu'à Cape Town, au moins le Sahel et l'Afrique de l'Ouest".

3. Communauté de destin, refonder un partenariat avec le Maroc

"Ça répond d'ailleurs, c'est mon troisième point, à la vision de Sa Majesté. Cet axe-là, il a une communauté de destin. Si on arrive à le constituer en une région ouverte, dynamique, prospère, partageuse, ça sera bon pour nous tous. Si on n'arrive pas à en faire quelque chose de commun, on aura tous les conséquences que vous pouvez imaginer en termes de déstabilisation, terrorisme, migration incontrôlée, échecs économiques, j'en passe et des meilleures".

"Si on a cette idée, je peux vous dire que c'est l'idée du président de la République française, à mon sens, et du gouvernement français. Assez naturellement et sans vouloir faire de viles flatteries ou de flagorneries déplacées, nous en arrivons assez naturellement à converger avec la vision, avec la stratégie qui est celle du Maroc et que son souverain a exprimées de manière extrêmement claire et convaincante à plusieurs reprises, y compris dans les temps récents. Autrement dit, refonder un partenariat avec le Maroc, ça veut dire accompagner le Maroc dans la vision qui est la sienne, mais pas dans une logique philanthropique, caritative, paternaliste".

"L'accompagner, parce que ça correspond profondément à nos intérêts et que, de mon point de vue, je ne suis pas certain qu'on ait beaucoup de plans B. Bien sûr, on a l'approfondissement de l'Union européenne, c'est très important, c'est existentiel pour nous, mais sinon, au-delà de ça...".

"Et donc, accompagner la vision du Maroc dans deux choses. D'abord, un renforcement toujours plus conséquent avec l'Union européenne ou de l'Union européenne avec le Maroc. Beaucoup de choses ont été faites, mais beaucoup reste à faire en matière d'énergie, d'industrie, c'est-à-dire de chaînes de valeurs, en matière aussi de capital humain, de normes et de standards".

"Si on a un désajustement des normes et des standards, c'est évidemment un élément qui crée du désalignement. (...) [En Europe], on parle toujours de la monnaie, c'est important, mais chaque pays européen avait ses normes, ses standards pour l'électricité, pour tel ou tel produit industriel, alimentaire etc. Mais il y avait encore ce qu'on appelle des barrières non tarifaires, c'est-à-dire que nos produits se heurtaient à des normes qui, fondamentalement, étaient des standards protectionnistes. Jacques Delors, [il a mené] un travail de fourmi, rubrique par rubrique, tous les secteurs d'activité économique et autres pour définir de manière réglementaire, législative, par des directives, des standards communs".

"Alors, le Maroc étant un pays intelligent et qui a, depuis les années 60, une relation tout à fait particulière, tout à fait spécifique avec l'Union européenne, dans beaucoup de domaines, a déjà des normes et des standards. Mais aujourd'hui, une des grandes bagarres, justement, de cette nouvelle étape de la mondialisation et de la ré-régionalisation, c'est que chacun essaye d'imposer ses standards à l'autre. Or, dans tout ce qui va être le numérique, dans tout ce qui va être la voiture électrique, dans tout ce qui est l'intelligence artificielle, etc., ma conviction, c'est que plus les normes et les standards marocains seront équivalents à ceux de l'Union européenne, plus cette intégration se poursuivra et plus on aura d'investissements européens au Maroc et vice-versa".

"Ça, c'est la première dimension. Et puis, la deuxième dimension, et c'est là aussi où nous sommes parfaitement en phase avec la vision de Sa Majesté, c'est de voir le Maroc, comme une plateforme, entre l'Union européenne et le Sahel et l'Afrique de l'Ouest".

"Et là, pour des tas de raisons historiques, religieuses, économiques, humaines, etc., vous avez une relation beaucoup plus ancienne, beaucoup plus stable que nous avons nous-mêmes, même si nous avons été le colonisateur, mais c'est sans doute parce que nous avons été le colonisateur qu'aujourd'hui, dans un certain nombre de ces pays, nous avons coupé les liens, ou ils ont coupé les liens avec nous".

Selon nos études, le Maroc est le pays le mieux perçu par les opinions publiques au Sahel

"Il ne s'agit pas là-dedans de contester ou de partager avec le Maroc, ce qu'il fait déjà très bien tout seul et qu'il continuera à faire. Mais nous avons, nous, la conviction, -dans le dialogue que nous avons avec vos autorités- qu'il y a aussi des choses à faire ensemble. Je prends un exemple. Je reviens toujours sur le développement économique, mais c'est important, sur l'énergie... Le Maroc a marqué beaucoup de points. On a fait des études, y compris par nos services d'intelligence, qui montrent qu'au Sahel, par exemple, le Maroc est le pays qui est le mieux perçu par les opinions publiques. Je ne dis pas par rapport à qui, pas par rapport à nous, mais par rapport à... Mais il n'en reste pas moins qu'au Sahel, comme en Afrique de l'Ouest, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon, il y a d'autres acteurs, et des acteurs qui ne sont pas forcément ni les amis du Maroc, ni les amis de la France. Je ne parle pas des amis... Bon, il y a la Russie, qui est une puissance particulière et qui joue plus en défense qu'en attaque".

"Mais la Turquie, la Chine, ce ne sont pas des ennemis ni du Maroc, ni de la France. Ce sont des gens qui n'ont aucune raison de nous faire de la place. Et je suis convaincu que dans bien des domaines,  la connectivité, l'investissement dans les infrastructures, l'énergie, l'investissement économique, les travaux publics, la culture, nous avons des choses à faire ensemble. Ce que fait le Maroc tout seul, très bien. Ce que fait la France toute seul, on fait encore un certain nombre de choses dans un certain nombre de pays, heureusement. Mais nous pouvons, en plus, faire des choses ensemble qui nous renforceront dans notre solidarité, notre communauté de destin, par rapport à des concurrents, des adversaires, parfois même des ennemis. Et je ne parle pas des aspects de sécurité, mais qui sont très importants pour éviter que se reconstitue, par exemple, dans le Sahel, je caricature un peu, une sorte de Daesh, d'ISIS, qui menacerait finalement tout le monde".

"Parce que nous, on sait très bien que les attentats de Paris de 2015, par exemple, ils ont été en grande partie organisés à Raqqa. Donc, il ne faut jamais croire qu'une zone un peu lointaine et un peu désertique n'a pas la capacité d'envoyer des métastases jusqu'au cœur de nos villes. Donc, ces enjeux de sécurité, de lutte contre la radicalisation et de coopération sont essentiels. Donc, tout ça pour dire que nous nous reconnaissons très bien. Et si cela peut être défini comme une feuille de route conjointe, nous n'avons pas d'autre stratégie. Enfin, nous avons une convergence de vues et de visions stratégiques avec celles du Maroc. Et je pense que de ce point de vue-là, quand on partage la même analyse du monde et les mêmes intérêts, il est plus facile de faire des choses ensemble".

4. La France a la capacité d'être un allié et un partenaire utile du Maroc, sans monopole ni paternalisme

"Je reste absolument convaincu que ce partenariat -pour être aux côtés, même si c'est parfois derrière, du Maroc- dans la réalisation de sa stratégie qui correspond finalement à la nôtre, la France a encore la capacité d'être un allié et d'être un allié de l'ensemble du peuple marocain. Elle a la capacité d'être un allié et un partenaire utile, sans exclusives, sans monopole, sans paternalisme... Le Maroc a raison de voir la France autour de la table et de vouloir avec elle, comme nous voulons avec lui, refonder justement cet agenda très ambitieux, plus d'Europe, plus d'Afrique, tout ça à partir du Maroc, autour du Maroc.

"Je pense que nous pouvons être un partenaire utile d'un certain poids parmi d'autres pour transformer encore l'essai de la réussite formidable qu'a connue le Maroc au moins depuis 25 ans. Mais il y avait déjà de bonnes bases avant. Cette université porte le nom de celui qui les avait posées [université Hassan II]. Ça veut dire beaucoup de choses de notre part. Ça veut dire qu'on soit capables, pour être à la hauteur de ce rôle que vous pourriez souhaiter nous redonner, d'être un des grands partenaires pour les 20 ans à venir".

Mobiliser beaucoup de moyens financiers, d'expertise, de formation

"Ça veut dire qu'on soit capables de mobiliser beaucoup de moyens, des moyens financiers, des moyens d'expertise, qu'on accepte, comme on l'a fait d'ailleurs, de mettre ici des investissements en matière industrielle, en matière de recherche, équivalents à ceux qu'on fait chez nous. Qu'on soit capables d'avoir une ambition en termes de capital humain...".

"Soit on se protège et on met des barrières et on passe son temps à essayer de virer les illégaux et à faire entrer le minimum de gens. Ça, c'est le côté police. Mais elle ne peut pas non plus être l'autre extrême qui est le brain drain, c'est-à-dire on va venir faire notre marché ici et rafler les ingénieurs, les médecins, les techniciens marocains ou subsahariens. Et donc, l'avenir, il est dans un pacte extrêmement sincère, clair, ambitieux sur le fait que dans ce Maroc absolument central, dans cette zone de coprospérité qui me semble à moi faire sens, la clé, c'est d'arriver à assurer la formation d'un nombre considérable de jeunes marocains, français aussi ou européens, subsahariens, parce que la démographie du Maroc est aujourd'hui supérieure à la notre, mais chacun sait que c'est assez temporaire, finalement".

"Donc, si on raisonne à l'échelle de 30-40 ans. Et c'est vraiment en arrivant à assurer la formation de milliers de milliers de jeunes, tant au niveau supérieur, doctorant, médecin, qu'au niveau intermédiaire, technicien supérieur, parce que c'est la clé du développement pour tout le monde. C'est la clé d'émergence, c'est les techniciens supérieurs. Et pour nous, même un pays comme le nôtre, c'est la clé pour ne pas descendre d'une catégorie. Quand vous savez qu'une des grandes fiertés de la France, qui est aussi un des sujets d'avenir, y compris pour vous, dans le deal énergétique où le Maroc sera une plateforme d'énergie, d'exportation d'énergie considérable pour l'Europe et pour nous, mais nous aussi, nous relançons un programme nucléaire, qui est quelque chose qui nous caractérise par rapport à la plupart des pays européens".

"Mais la clé, c'est cette communauté de destin, euro, marocco, subsaharienne. Vous avez des universités publiques et privées absolument formidables. On peut faire du Maroc un endroit où les jeunes Marocains continuent à s'éduquer, où les subsahariens viennent se former, où des Français viennent se former, où des Européens et à partir du Maroc irriguer notre région euro-maroco-africaine pour réaliser notre destin et ne pas être dépendants des grands ensembles, donner des perspectives à nos populations, permettre à nos entreprises d'avoir la main-d'oeuvre répondant aux enjeux et puis assurer notre solidarité".

 

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