Capital-investissement : “Le Fonds Mohammed VI permettra de passer un cap pour entrer dans la cour des grands” (Ben Ahmed)

Médias24 a interviewé le président de l’Association marocaine des investisseurs en capital, en marge de la 10e conférence annuelle de l'AMIC. L'occasion de revenir sur les derniers indicateurs de performance de l'industrie, et de découvrir comment le Fonds Mohammed VI pour l'investissement transformera le marché.

Capital-investissement : “Le Fonds Mohammed VI permettra de passer un cap pour entrer dans la cour des grands” (Ben Ahmed)

Le 31 mai 2023 à 18h29

Modifié 31 mai 2023 à 18h39

Médias24 a interviewé le président de l’Association marocaine des investisseurs en capital, en marge de la 10e conférence annuelle de l'AMIC. L'occasion de revenir sur les derniers indicateurs de performance de l'industrie, et de découvrir comment le Fonds Mohammed VI pour l'investissement transformera le marché.

Ce mercredi 31 mai, l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) organisait à Casablanca la 10e édition de la conférence annuelle du capital-investissement.

L'occasion de revenir sur les leviers à actionner pour catalyser la mobilisation des capitaux vers le private equity au Maroc, ou encore de relater des success stories d’entrepreneurs ayant recouru à des fonds de capital-investissement pour introduire leur société en bourse.

Médias24 a pu s’entretenir avec Hatim Ben Ahmed, président de l’AMIC et managing partner chez Mediterrania Capital. Le porte-parole du secteur évoque les accomplissements de l’industrie en 2022, ainsi que les perspectives qui se profilent dans un contexte d’effervescence autour du rôle que va jouer le Fonds Mohammed VI pour l’investissement. Interview.

La baisse des levées de 38% est causée par un changement de focus des investisseurs internationaux, et notamment des privés

Médias24 : 2022 a été une année record pour l’industrie du capital-investissement en termes de désinvestissement. Les levées, en revanche, ont baissé de 38% et les montants investis ont reculé de 21% par rapport à 2021. Comment expliquer cela ?

Hatim Ben Ahmed : 2022 a été en effet une année record en termes de désinvestissement et nous en sommes très heureux. Il y a eu deux belles introductions en bourse, avec notamment Disty Technologies et Akdital, et de nombreuses cessions stratégiques ou de fonds à fonds. Cela est une belle preuve de maturité d’industrie.

La baisse des levées de 38% l’an dernier provient de différents facteurs et est continentale. En Afrique, les montants levés l’an dernier ont chuté de moitié à 2 milliards de dollars. Cela est principalement causé par un changement de focus des investisseurs internationaux, et notamment des privés, qui ont réorienté leurs investissements vers leurs zones de prédilection. Inflation oblige, un certain nombres d’arbitrages ont dû être faits.

Dans le monde de la Banque de développement (DFI ‘Development Finance International’, ndlr), il y a eu je pense un recentrage des priorités pour certains acteurs vers l’Europe de l’Est du fait de la guerre en Ukraine et vers les autres priorités comme le climat. Le continent en a pâti, et le Maroc également, car une partie significative des investisseurs dans le Royaume sont les DFI.

Pour les investissements, il s’agit d’un effet de coupure par rapport à l’année 2021, donc c’est difficile de mesurer une baisse sur une année calendaire pure. Il n’y a eu aucun événement principal qui a pu justifier ça. L’activité est bonne, donc peut-être que certains confrères ont eu des closings qui ont eu lieu plutôt au premier trimestre 2023.

Nous possédons un marché ouvert, plutôt rythmé et l’on a encore beaucoup d’opérations primaires 

- Souvent, les investisseurs disent qu’il y a une problématique récurrente de dealflow au Maroc, avec trop peu de projets bankable ? Est-ce toujours le cas et comment avez-vous vu la situation évoluer au cours de ces dix dernières années ?

- Personnellement, je n’entends pas les investisseurs dire ça. Généralement, ceux qui le disent n’investissent pas. La réalité, c’est que les acteurs structurés de capital-investissement depuis quinze ans investissent chaque année. Quand je vois les transactions effectuées par les confrères au sein de l’AMIC, je dirais que nous possédons un marché ouvert, plutôt rythmé et que l’on a encore beaucoup d’opérations primaires, à savoir des premières ouvertures à du capital-investissement. Nous avons donc un marché très profond et nous avons un début de marché secondaire sur des sociétés qui ont pris un peu de maturité, et où un fonds revend à un autre fonds.

Je pense que le marché est vraiment en ouverture. En Europe, pour information, plus de la moitié des transactions de capital-investissement se font en secondaire, c’est-à-dire de fonds à fonds. Nous sommes aux prémices de cela et, de fait, il y a un marché gigantesque devant nous. Tous secteurs confondus, je ne vois que de belles choses sur les dealflows, avec une situation bien meilleure que celle d’il y a dix ans du fait aussi du progrès de notre économie.

Au sein de l’AMIC, une grande partie des confrères vont soumissionner à l'AMI du FM6I et proposer un projet

Un nouveau cap pour l'industrie

- Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement va modifier la face de l’industrie du capital-investissement. Comment l’industrie accueille-t-elle cette arrivée et qu’est-ce que cela va changer ?

- Pour ce qui est de cette initiative, l’industrie l’accueille avec beaucoup de joie. Nous pensons que c’est conçu de façon à donner un véritable coup de boost à l’activité. Je pense que les équipes du Fonds Mohammed VI sont à la recherche de société de gestion qui vont leur proposer des stratégies qui entrent dans la stratégie du fonds. Au sein de l’AMIC, une grande partie des confrères vont soumissionner et proposer un projet. Tout le monde ne sera pas retenu dans le cadre de la première phase, mais je pense que tout le monde jouera le jeu et proposera un projet, en souhaitant qu’une majorité soient retenus.

Ce choix du Fonds Mohammed VI pour certaines sociétés de gestion permettra ensuite, normalement, de lever de l’argent auprès d’investisseurs privés marocains et autres, en ayant eu ce cachet de qualité proposé par le Fonds Mohammed VI dans le cadre de sa vérification et revue des dossiers. Nous croyons beaucoup en la réussite de cette initiative et son apport à l’économie. Cela va nous permettre de passer un cap d’actifs sous gestion et nous faire entrer dans la cour des grands dans notre industrie.

L’enjeu est de demander aux institutionnels marocains de regarder vers l’avant et non en arrière

- Vous aviez dit lors de la présentation des résultats 2022 de l’AMIC qu'"il va falloir pousser les acteurs du privé à aller sur cette classe d’actifs. Beaucoup de privés marocains ont accompagné l’émergence du secteur au début des années 2000, mais n’ont pas suivi les générations suivantes car c’était un secteur en progrès". Comment comptez-vous les faire passer à l’acte et, surtout, pourquoi les privés n’investissent-ils pas déjà dans cette catégorie d’actifs ?

- C’est tout une confiance à établir entre des acteurs comme nous et les institutionnels marocains. En effet, certains ont accompagné le  mouvement il y a quinze, vingt ans. Malheureusement pas toujours avec beaucoup de succès, puisque l’industrie était totalement naissante à l’époque. L’enjeu est de leur demander de regarder vers l’avant et non en arrière.

La Maroc a beaucoup changé en quinze ans et les institutionnels le savent. Ils voient bien que le capitalisme marocain a beaucoup progressé depuis vingt ans. Forcément, nous, capital-investissement, nous sommes là en soutien de l’évolution des entrepreneurs et de l’économie réelle. Nous prenons en maturité quand le capitalisme marocain prend en maturité. Nous avons bénéficié de cette évolution de l’économie, et nous nous sommes améliorés en vingt ans.

L’important est de regarder le paysage et de le soutenir en investissant. Je rappelle que le capital-investissement, dans l’allocation moyenne mondiale chez les institutionnels internationaux, est de 15%, voire 20% dans certains cas où il y a de l’appétit pour le private equity, mais la moyenne est vers 15%. Au Maroc, ces ratios sont très faibles pour certains institutionnels et de moins de 5% pour d’autres, donc nous sommes très loin des ratios internationaux. Nous sommes capables de générer un surplus de rendement pour ces institutionnels-là.

Le Fonds Mohammed VI est une bonne première étape pour rétablir cette confiance et redémarrer la collaboration avec les équipes du capital-investissement. Je pense que lorsque les institutionnels marocains joueront le jeu, ce sera plus simple pour nous d’inviter les family offices et peut-être les entrepreneurs qui voudraient tester les investissements dans notre classe d’actifs.

Les secteurs porteurs

- Étant donné les changements assez forts observés dans l’environnement mondial depuis 2019, quels sont selon vous les secteurs les plus porteurs en 2023 pour les capital-investisseurs ?

- Il suffit de voir dans quels secteurs ont été réalisés une bonne partie des derniers deals conclus. On voit que le secteur de la santé gagne au Maroc. La généralisation de l’AMO crée un marché nouveau pour le segment de la santé. Que ce soit des cliniques privées, des laboratoires pharmaceutiques, de la recherche, de la distribution, la biotech…

Sur les prochaines années, je m’attends à trouver beaucoup d’investissements des confrères dans ce secteur. Les Marocains sont en développement de pouvoir d’achat, malgré les crises successives. Dans l’espoir d’une décélération de l’inflation pour que ce pouvoir d’achat se développe davantage, cela devrait permettre de pouvoir faire redémarrer les activités qui tournent autour des FMCG (produits de grande consommation, ndlr), notamment les marques marocaines, plus accessibles que les marques étrangères. Ce segment devrait être assez porteur dans les années à venir.

- Les dirigeantes et dirigeants accompagnés par les acteurs du capital-investissement sont-ils régulièrement attirés par une sortie en IPO ?

- Au fond de lui, un entrepreneur a toujours le rêve d’aller en IPO. C’est un accomplissement personnel pour nombre d’entre eux, et le partage de la valeur pour un plus grand nombre. Après, tout le monde ne pense pas que c’est possible, alors qu’avec du travail et de l’organisation, ça l’est.

Notre métier en tant que capital-investisseurs, c’est de montrer que c’est totalement possible, que c’est une bonne chose pour l’entreprise, surtout s’il y a un bon potentiel de croissance.

- La majorité des sociétés de gestion qui sont créées (4 nouvelles en 2022) et qui entrent sur le marché du capital-investissement sont-elles spécialisées sur l’accompagnement early stage ou plutôt sur des entreprises plus matures ?

- Parmi les nouveaux confrères qui nous ont rejoints l’an dernier, il y a un peu de tout, mais la plupart sont dans le segment des PME. Ils vont pouvoir venir proposer du financement sur des tickets qui ne sont pas très bien servis au Maroc, qui sont de l’ordre de 50 MDH par opération.

Ils vont permettre de dynamiser cette tranche-là, qui va créer du dynamisme plus tard sur la tranche d’après, lorsqu’ils seront en mode de sortie, ce qui est une bonne nouvelle et qui montre que le métier est vivant.

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En live : la 10e conférence du capital-investissement au Maroc de l'AMIC

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