Licenciement déguisé : comment repérer le licenciement abusif et faire valoir ses droits ?

Réduction du salaire sans consentement, non-paiement du salaire, etc. Certains actes de l’employeur conduisent le salarié à quitter son travail. S’agit-il d’un abandon de poste ou d’un licenciement abusif ? Voici les éclairages de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris.

Licenciement déguisé : comment repérer le licenciement abusif et faire valoir ses droits ?

Le 10 mai 2023 à 11h17

Modifié 10 mai 2023 à 13h08

Réduction du salaire sans consentement, non-paiement du salaire, etc. Certains actes de l’employeur conduisent le salarié à quitter son travail. S’agit-il d’un abandon de poste ou d’un licenciement abusif ? Voici les éclairages de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris.

Le départ d’un salarié est censé se faire en toute liberté, sans qu’aucune contrainte ne soit exercée par l’employeur. Dans certains cas, ce n’est qu’après avoir quitté l’entreprise que le salarié réalise avoir été poussé vers la porte de sortie, à coups de comportements le conduisant à abandonner son poste ou à démissionner.

Quels sont les droits du salarié dans ce cas ? A qui incombe la preuve ? Et surtout, comment distinguer le licenciement abusif de l’abandon de poste ? Voici les réponses de Me Zineb Naciri Bennani, avocate aux barreaux de Casablanca et de Paris.

Médias24 : Comment un salarié peut-il déterminer s’il se trouve dans une situation d’abandon de poste ou s’il est victime d’un licenciement abusif, même s’il a lui-même quitté son emploi ?

Me Zineb Naciri Bennani : C’est une question très délicate, étant donné que certaines situations prêtent à interprétation, notamment les phénomènes nouveaux tels que le harcèlement moral au travail, qui rendent impossible le maintien de la relation de travail, sans que le salarié ne puisse quitter ses fonctions en ayant la preuve des faits reprochés à l’employeur.

Le salarié peut se référer aux dispositions de l’article 40 du Code du travail, qui prévoit qu’est assimilé à un licenciement abusif le fait pour le salarié de quitter son travail en raison de l’une des fautes graves suivantes commises par l’employeur à son encontre : l’insulte grave, la pratique de toute forme de violence ou d’agression dirigée contre le salarié, le harcèlement sexuel et l’incitation à la débauche.

En effet, le licenciement dit abusif peut résulter d’un courrier émanant de l’employeur notifiant au salarié la rupture du contrat de travail, ou consister en ce qui est qualifié de "licenciement déguisé".

Il s’agit d’une forme de licenciement abusif par laquelle un employeur va modifier substantiellement et unilatéralement les conditions de travail du salarié, ou par laquelle l’employeur va rendre impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail, le poussant ainsi à quitter l’entreprise.

Cette question relève de l’appréciation des tribunaux et nécessite, pour le salarié, d'apporter la preuve des faits allégués.

Certains employés peuvent démissionner, avant de réaliser qu’ils ont fait l’objet d’un licenciement abusif

- Peut-on parler d’abandon de poste au lieu de licenciement abusif si le salarié a présenté une démission à son employeur ?

- En cas de démission, le salarié est tenu au respect d’une période de préavis, sauf lorsque l’employeur le dispense expressément de l’effectuer.

La période de préavis est le délai qui s’écoule entre la notification de la rupture du contrat de travail et la date de fin du contrat de travail, et pendant laquelle le contrat reste en vigueur, engendrant les mêmes obligations pour les parties.

Lorsque le salarié s’abstient de se rendre à son emploi pendant la période de préavis, ceci peut être interprété comme un abandon de poste. Il convient ainsi pour le salarié de continuer à exécuter ses obligations envers l’employeur pendant la période de préavis.

Une exception peut résulter de ce qui a été soulevé, à savoir, les situations de licenciement déguisé. Dans ce cas, certains employés peuvent démissionner, avant de réaliser qu’ils ont fait l’objet d’un licenciement abusif.

La démission du salarié est considérée comme une expression de sa volonté de quitter l’entreprise qui l’emploie. Cette expression de volonté doit être libre de toute contrainte de la part de l’employeur. Partant de ce principe, la démission ne met pas en péril les possibilités de demander une indemnisation lorsque la preuve de cette contrainte et du licenciement abusif peut être apportée.

Dans un arrêt n° 734/1 du 14/05/2019, la Cour de cassation a considéré que peut être requalifiée en licenciement abusif la démission faisant suite à des pressions consistant en des sanctions disciplinaires et une plainte à l’encontre du salarié qui a conduit à sa mise en détention, dans le cadre de laquelle l’employeur a conditionné la renonciation à la plainte à la démission du salarié. La Cour a néanmoins débouté le salarié faute d’éléments de preuve suffisants pour appuyer ses allégations.

Avant de quitter l’entreprise, il est conseillé au salarié d’établir par écrit les raisons de son départ, qualifiant les faits commis par l’employeur de licenciement déguisé

- Peut-on considérer qu’un acte émanant de l’employeur ayant entraîné le départ du salarié, tel que le non-paiement du salaire ou la réduction du salaire sans consentement, constitue un licenciement abusif ?

- Certains faits peuvent être considérés comme constitutifs d’un licenciement abusif lorsqu’ils obligent le salarié à quitter l’entreprise. C’est le cas s’agissant de la réduction du salaire sans le consentement du salarié.

En effet, le salaire est l’une des conditions substantielles du contrat de travail. Il s’agit de la contrepartie de l’exercice des fonctions par le salarié, qui est fixée d’un commun accord entre les parties à la conclusion du contrat de travail. Toute modification affectant le salaire doit recueillir le consentement de l’employeur et du salarié.

Ainsi, la Cour de cassation considère que tout changement dans le montant du salaire doit faire l’objet d’un accord entre les parties, ce dont il résulte que la réduction du salaire par l’employeur constitue une atteinte à un élément fondamental du contrat de travail qui fait peser la responsabilité quant à la rupture abusive du contrat de travail sur l’employeur (Cour de cassation, arrêt n° 1126/1 du 12/12/2017).

Nous conseillons néanmoins généralement au salarié de ne pas quitter l’entreprise sans avoir exposé par écrit à l’employeur la raison de son départ, qualifiant par là les faits commis par l’employeur de licenciement déguisé.

- A contrario, le départ du salarié peut-il être considéré comme un abandon de poste, même si la raison de son départ revient au fait de ne pas avoir reçu son salaire, par exemple ?

- En matière de salaire, la preuve doit être apportée par l’employeur. Il revient à ce dernier d’établir le paiement.

Il est en principe recommandé de notifier les raisons du départ à l’employeur afin, d’une part, d’entamer un dialogue pouvant permettre de trouver un terrain d’entente, et, d’autre part, de se prévaloir de la réelle raison du départ de l’entreprise devant les tribunaux.

Le cas échéant, le départ du salarié peut être requalifié en licenciement abusif de la part de l’employeur.

- Que risque l’employeur qui réduit le salaire de son salarié sans le consentement de ce dernier ou qui ne lui verse pas son salaire ?

- La Cour de cassation, dans un arrêt numéro 1975/1 du 10/12/2019, a considéré que l’employeur ne peut pas modifier le salaire sans accord exprès du salarié. L’employeur ne peut pas se prévaloir d’un accord tacite pour procéder à une réduction du salaire, comme le silence du salarié à la réception dudit salaire ne peut être interprété comme une renonciation à ses droits.

Le salarié peut demander le paiement des sommes dues en vertu du contrat de travail ou acter le licenciement abusif de la part de l’employeur afin de saisir le tribunal social dans le cadre d’une demande tendant au paiement des indemnités dues.

L’employeur se trouvera ainsi contraint de payer les salaires dus ainsi que l’indemnité de licenciement.

- Quelles options juridiques s’offrent à l’employé qui ne perçoit pas son salaire, pour défendre ses droits ?

- Comme indiqué, ce dernier peut saisir le tribunal social soit d’une action tendant au paiement des salaires s’il n’a pas quitté l’entreprise, soit d’une action en licenciement abusif pour obtenir l’indemnisation prévue par la loi.

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