Zhor Fassi Fihri : pourquoi un biopic consacré à Mehdi Qotbi

La commission d’aide à la production des œuvres cinématographiques a accordé une avance sur recettes de 4 M DH à la réalisatrice Zhor Fassi Fihri pour son projet de long métrage intitulé "L’homme des signes", consacré à l’artiste Mehdi Qotbi qui préside la Fondation des musées. L’occasion pour Médias24 de l’interroger sur son choix de traiter, de son vivant, le parcours de ce personnage public issu d’un milieu extrêmement défavorisé.

Zhor Fassi Fihri : pourquoi un biopic consacré à Mehdi Qotbi

Le 7 avril 2023 à 15h12

Modifié 8 avril 2023 à 0h35

La commission d’aide à la production des œuvres cinématographiques a accordé une avance sur recettes de 4 M DH à la réalisatrice Zhor Fassi Fihri pour son projet de long métrage intitulé "L’homme des signes", consacré à l’artiste Mehdi Qotbi qui préside la Fondation des musées. L’occasion pour Médias24 de l’interroger sur son choix de traiter, de son vivant, le parcours de ce personnage public issu d’un milieu extrêmement défavorisé.

Médias24 : Pourquoi un film sur la vie de Mehdi Qotbi ?

Zhor Fassi-Fihri : En réalité, c’est un film qui s’inspire plutôt du parcours de ce personnage qui a eu une vie pleine d’espoir et qui, à mon sens, pourrait inspirer un très large public au Maroc et ailleurs.

Dans le contexte actuel de crise, c’est en effet une histoire très actuelle qui montre que l’audace et la persévérance permettent d'ouvrir des portes et de réussir dans n’importe quel métier au monde, comme il a pu le faire après avoir découvert la peinture par hasard à l’âge de 16 ans.

Ce film est donc inspiré de toute sa vie, de sa naissance à l’époque actuelle, et ne se limite pas à retracer uniquement le personnage public d’aujourd’hui.

En réalité, ce qui m’a surtout intéressé, c’est son parcours avec toutes les difficultés et les étapes qu’il a dû traverser avant d’en arriver là où il en est aujourd'hui.

Comme par exemple le fait de ne pas être né dans la bonne famille et d’avoir trouvé, malgré toutes les embûches traversées, les bons outils qui lui ont permis de survivre puis de s’accomplir professionnellement.

- Vous avez lu son autobiographie Palettes d’une vie avant de démarrer l’écriture de votre scénario ?

- En fait, je ne l’ai lue qu’après avoir terminé l’écriture du scénario de L’homme des signes.

- C’est plutôt inhabituel...

- Ne souhaitant pas être influencée par son contenu, j’ai préféré mener des entretiens avec lui pendant plus d’une année.

De plus, étant l’une des scénaristes du film, j’avais besoin de trouver ma propre histoire et d’avoir une vision personnelle plutôt que d’être influencée par un livre.

- Vous connaissiez donc son parcours avant de commencer à écrire...

- Absolument et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai tenu à traiter en tant que scénariste son parcours, qui est une véritable histoire d’écran avec plusieurs rebondissements d’ordre cinématographique, mais aussi des décors qui passent des années 1960 jusqu’à nos jours.

Le film n’élude aucune partie de sa vie, de sa naissance à son arrivée dans un presbytère à Toulouse au milieu de franciscains, puis sa montée à Paris avec un véritable destin cinématographique.

Sa vie comporte en effet de nombreux messages, notamment un exemple de paix et d’intégration mais aussi de retour aux sources, avec une quête d’identité de soi et d’abondance qui finit par aboutir grâce à la chance et surtout à la persévérance dont il a su faire preuve.

C’est donc ce parcours original que l’on va essayer de transmettre à un maximum de spectateurs qui ont besoin d’un message d’espoir, pour finalement se dire que tout est possible dans la vie.

- Sur quelle partie de sa vie le film insiste-t-il ? Sur l’artiste ou sur le lobbyiste à la tête de la Fondation nationale des musées qui fait venir des collections du monde entier ?

- Sachant que la partie consacrée à la fondation qu’il préside aujourd’hui viendra à la fin du traitement cinématographique, comme un aboutissement, j’ai surtout insisté sur le parcours de sa vie, plus particulièrement sur les relations franco-marocaines qu’il a su tisser dans l’intervalle.

Si l’on verra à l’écran toutes les rencontres qui l’ont marqué, comme la période où il a enseigné l’art à Paris puis son retour au Maroc, où il a commencé à fréquenter les hautes sphères, le film essaie surtout de montrer comment il a réussi au préalable à s’ouvrir toutes les portes fermées.

- Le film démarre à sa naissance dans le quartier populaire de Takkadoum à Rabat...

- Tout à fait, avec une scène poignante de ses parents qui l’ont eu hors mariage.

- C’était un enfant battu ?

- On verra en effet qu’il a été non désiré et maltraité, mais aussi accusé de porter malheur à sa famille.

C’est une partie très émouvante du film où l’on découvre ses problèmes de dyslexie et d’apprentissage à l’école, où il avait du mal à comprendre ce qu’on lui enseignait.

Un enfant de la rue qui a malgré tout réussi à surmonter toutes ses difficultés avant de se réaliser par la suite.

- Vous avez traité toute sa vie et toutes les rencontres qui l’ont façonné, comme celle du grand peintre Jilali Gharbaoui qui a contribué à faire de lui l’homme qu’il est aujourd’hui...

- Cette rencontre a en effet été déterminante dans sa vie, car c’est elle qui l’a conduit à la peinture, mais il y en a d’autres aussi, avec d’autres personnages clés qui seront à l’écran.

Pour être le plus réaliste possible, le film commence en langue arabe avant d’évoluer en français, à l’image de son parcours professionnel et privé qui l’a mené du Maroc à la France.

- Pourquoi cette évolution linguistique ?

- Elle montre l’évolution d’un même personnage au fil des années dans deux cultures différentes, dont celle de la France, où il a su s’intégrer rapidement alors qu’il y est arrivé avec un langage rudimentaire.

C’est aussi un film d’éducation sur l’amour qui évoque ses relations avec les femmes alors qu’il n’avait jamais reçu d’affection et encore moins d’amour durant son enfance.

Tout cela passe par des histoires anecdotiques où l’humour a également une place privilégiée, afin de donner de la profondeur et de l’émotion à certaines scènes spécifiques.

- Le film sera sous-titré pour être distribué à l’étranger ?

- La version originale passera de l’arabe au français mais le film sera sous-titré dans tous les pays étrangers où il sera distribué, en anglais ou en français du début à la fin.

- Combien de temps devrait-il durer ?

- Pour le moment, 1 heure 45, ce qui est à peu près la moyenne pour un long métrage, mais il faudra attendre la version finale pour se prononcer parce que le scénario évoluera jusqu’à la fin.

- Vous allez recevoir 4 millions de dirhams au titre d’avance sur recettes. C’est le deuxième montant le plus important  attribué par le CCM...

- Cela s’explique par le fait que le budget final sera élevé, car c’est un film d’époque qui va nécessiter de construire beaucoup de décors artificiels.

Il ne sera pas possible de tourner dans le quartier actuel de Takkadoum qui a beaucoup évolué par rapport à celui de son enfance.

Les décors vont donc coûter très cher, ainsi que les têtes d’affiche qui seront à l’écran.

- Peut-on avoir une idée du coût final du film ?

- Je ne peux pas vous dévoiler cette information pour le moment. Le chiffre officiel sera publié en temps voulu.

- C’est une production franco-marocaine ?

- Elle est plus marocaine que française, nous essayons de faire en sorte de l’internationaliser, comme pour mon premier film qui avait été vendu aux États-Unis.

Sachant qu’il sera tourné à Paris et Toulouse, nous sommes par conséquent obligés de trouver des financements en France, car il est évident que 4 millions de dirhams seront loin de suffire à boucler le tournage.

- Pour avoir une idée, combien a coûté votre précédent film ?

- Environ un million de dollars, soit 10 millions de dirhams, mais je me dois de préciser que nous avions eu beaucoup de décors gratuits ainsi que différentes aides en nature de la part de l’ONMT, des régions et des hôtels pour loger gratuitement les équipes techniques et les acteurs.

- L’homme des signes s’adresse d’abord au public marocain ou étranger ?

- Si nous privilégions le public marocain, il est évident que le film ne sera pas rentabilisé dans les seules salles de cinéma du Maroc

Mais l’avantage est que sa thématique universelle permettra de s’adresser à toute la diaspora européenne, canadienne et américaine.

- À quand le début des castings ?

- Après avoir bouclé le scénario, nous attendions avec impatience le verdict de la commission qui attribue les avances sur recettes avant de lancer les castings, qui sont imminents au Maroc et en France.

- Qu’est-ce qui a convaincu les membres de la commission du CCM selon vous ?

- D'après mes retours, la thématique et le scénario ont beaucoup plu au Maroc et en France car la success story qui y est traitée est porteuse de beaucoup d’émotions et mérite d’être portée à l’écran.

- Les télévisions étrangères sont déjà intéressées pour coproduire le film ?

- Il est trop tôt pour parler des pistes de coproduction, mais nous avons déjà l’accord d’une grande banque française.

- Aujourd’hui, qu’est-ce qui permet de financer un film, les télévisions ou les plateformes comme Netflix et Amazon ?

- Dans les prochaines années, les cinéastes marocains vont arriver au niveau des productions turques et égyptiennes, mais entretemps, nous nous inspirons beaucoup du modèle français qui jongle entre les cinémas et les plateformes, sans compter les opérateurs comme Canal, France Télévisions et Orange qui donnent des fonds pour produire des films.

- Les castings seront lancés à l’international ?

- La beauté de ce film est qu’il y a beaucoup de personnages marocains mais aussi étrangers.

- Les personnages historiques qu’il a croisés dans sa vie ?

- Justement, nous sommes en train de travailler pour obtenir l’accord de grands acteurs bankables en France qui vont jouer des seconds rôles dans la partie qui se déroulera à Toulouse et à Paris.

Sans compter la partie marocaine, où les castings seront marocains.

- Là encore avec des têtes d’affiche nationales ?

- Nous avons en effet une tête d’affiche marocaine qui travaille beaucoup à l’international et qui vient de me donner son accord il y a deux jours, mais je ne peux pas encore dévoiler son identité.

- Le rôle de Mehdi Qotbi est-il attribué ?

- J’hésite encore entre trois acteurs.

- Tous marocains ?

- Évidemment.

- En dehors des figurants, combien y aura-t-il de grands rôles ?

- Enormément, comme par exemple ses parents, son ex-femme, son professeur aux beaux-arts, un prêtre franciscain et plusieurs autres qui auront tous de grands rôles dans le film.

- Plusieurs présidents français aussi ?

- A la fin du film, on retrouvera en effet plusieurs présidents de la République qu’il a côtoyés, mais sans trop insister car le but est plus de comprendre son parcours que de le montrer.

- Le film sera tourné entre la France et le Maroc ?

- Logiquement à 50%-50% mais comme le tournage est très coûteux en France, une bonne partie sera tournée dans des décors intérieurs au Maroc,  notamment dans les immeubles de l’époque du protectorat que nous pourrons utiliser.

Mais pour ce qui est des scènes extérieures françaises, nous serons obligés de les tourner à Paris et à Toulouse.

- Quand est prévu le début du tournage ?

- Au mois d'octobre prochain pour une durée d’environ deux mois.

- A quel horizon aura lieu la sortie en salles au Maroc ?

- Il est trop tôt pour se prononcer car nous voulons d’abord le présenter à plusieurs festivals internationaux comme celui de Cannes.

Ce n’est qu’à partir de ce moment que nous verrons quand et comment il pourra être distribué.

Ce qui est certain en revanche, c’est que l’avant-première aura lieu au Maroc.

- Logiquement, il devrait donc être dans les salles avant 2025 ?

- Nous ferons tout pour qu’il soit disponible avant fin 2024 mais je ne peux pas vous donner de date précise.

- Mehdi Qotbi a beaucoup d’amis mais aussi certains détracteurs, vous n’allez éluder aucune partie de sa vie ?

- Il y aura en effet les hauts et les bas, mais cela ne veut pas dire que l’on pourra tout traiter.

- Est-ce qu’il a un droit de regard sur le contenu du film ?

- Depuis le premier jour, j’ai une liberté totale.

Il ne s’est mêlé de rien et a même refusé de lire le scénario.

Son absence d’ego a renforcé mon envie de faire ce film, d’autant qu’il m’a laissé appeler tout son entourage sans me demander ce qu’il avait pu me dire de sa personne.

- Combien d’années de recherches a nécessité l’écriture de votre scénario ?

- Environ trois ans, avec beaucoup de va-et-vient, mais en réalité, la principale difficulté a été de convaincre et de trouver un équilibre entre les très nombreux intervenants.

- Pourquoi ce film du vivant de Mehdi (à qui nous souhaitons longue vie) alors que la plupart des biopics de personnages célèbres se font post-mortem ?

- Encore une fois, c'est une fiction inspirée de la vie de Mehdi Qotbi, un film romancé sur son parcours qui a pour vocation de donner de l’espoir aux jeunes en leur délivrant un message positif.

D’ailleurs, la plupart des films à Hollywood sont souvent inspirés d’histoires vraies de personnes vivantes.

Pour vous donner un exemple, Intouchables a été un grand film inspiré d’une histoire vraie sur une personne vivante qui a attiré plus de 9,5 millions de téléspectateurs au cinéma.

- Ne craignez-vous pas d’être critiquée pour ce choix peu commun ?

- Peu importe ce que l’on décide de créer, on sera de toutes les manières toujours critiqué. C’est la beauté de cet art...

Si je suis heureuse de pouvoir réaliser ce parcours extraordinaire, je voudrais juste être à la hauteur de mon ambition pour que l’on soit fier de ce film…

- Quelle sera la suite des événements ?

- Le véritable challenge actuel est de réussir un casting qui soit à la hauteur de son personnage, à l’image de ce qui a pu être réalisé par le passé dans un film comme Forrest Gump.

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