Investissements, flux financiers, image à l'international... Voici les enjeux de la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI

VU DES COULISSES. Après deux années d'épreuves, le Maroc est sorti de la liste grise du GAFI le vendredi 24 février. Une bonne nouvelle qui présage un impact positif sur son économie, dans un contexte globalement favorable où le pays se place comme destination de choix pour l'investissement. Détails et enjeux sur cette sortie attendue et espérée.

22 February 2023 : FATF OECD Headquarters, Paris

Investissements, flux financiers, image à l'international... Voici les enjeux de la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI

Le 27 février 2023 à 19h28

Modifié 27 février 2023 à 20h59

VU DES COULISSES. Après deux années d'épreuves, le Maroc est sorti de la liste grise du GAFI le vendredi 24 février. Une bonne nouvelle qui présage un impact positif sur son économie, dans un contexte globalement favorable où le pays se place comme destination de choix pour l'investissement. Détails et enjeux sur cette sortie attendue et espérée.

Le Maroc sort officiellement de la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI). Nos sources marocaines sondées avant l'annonce de cette décision étaient confiantes. "Nous sommes sereins et confiants dans notre dossier", nous répondait-on, non sans un brin d'incertitude toutefois. "Tant que ce n'est pas annoncé, rien n'est fait."

La bonne nouvelle a été confirmée le vendredi 24 février, d'abord par un communiqué du chef du gouvernement, qui l'annonçait, avec accord du GAFI, avant même la levée de l'embargo sur le traditionnel communiqué du GAFI qui précède la conférence de presse. C'est dire l'importance qu'accorde le Maroc à cette décision.

Depuis que le Maroc a été placé sur la liste des juridictions sous surveillance en février 2021, suite à une évaluation mutuelle dans le cadre du GAFIMOAN, en 2020, tous les efforts ont été orientés pour sortir de cette liste.

L'enjeu, l'application de la réglementation

La confiance du Maroc dans son dossier vient du fait que lors de l'évaluation d'octobre 2022, le GAFI avait confirmé l'achèvement du plan d'action sur lequel le Royaume s'était engagé en 2021. Il restait la visite de terrain pour entériner la sortie de la liste grise.

"Le travail de fond a été mené en amont, mais avant la visite il y avait un peu de stress, plutôt positif, car de notre point de vue, nous voulions avancer encore plus sur certains sujets", confie à Médias24 une source de l'équipe marocaine qui a travaillé sur le dossier.

"Au niveau de la conformité, nous étions à 100%. Ce que l'on recherchait, c'est d'avoir les indicateurs d'efficacité les plus élevés possibles", poursuit notre source. Le cadre réglementaire marocain est complet ; l'Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) opérationnelle. Il restait à prouver que tout cela est effectif et que la loi est appliquée. Le challenge se trouvait là.”

Notaires, adouls, avocats, experts comptables, bijoutiers, marchés des capitaux, bureaux de change... Plusieurs professions financières et non financières sont assujetties à la réglementation anti-blanchiment et financement du terrorisme.

"Il fallait être prêts, avoir un système informatique pour l'identification du bénéficiaire effectif qui fonctionne, s'assurer que toutes les administrations marocaines concernées et tous les assujettis y ont accès et l'utilisent", nous explique-t-on. "Il y a eu une grande mobilisation, on a beaucoup travaillé sur sujet, surtout pour les professions non financières qui ont intégré le système récemment. Il n'y avait pas forcément une prise de conscience automatique du sujet. Il a donc fallu les former, les sensibiliser, les faire adhérer et qu'elles comprennent le langage blanchiment", poursuit notre source.

Autre sujet sur lequel l'équipe marocaine s'est également mobilisée : la question des devises à la frontière. "C'est un sujet important. Il fallait opérer un changement de paradigmes. S'assurer que les dispositions légales de déclaration des moyens de paiement au-delà de 100.000 dirhams soient appliquées. Un grand effort de sensibilisation a été mené à destination du grand public".

Le défi a été relevé, dans la mesure où la visite de terrain qui s'est déroulée du 18 au 20 janvier s'est conclue par une décision favorable ce 24 février. "De toute façon, le travail va continuer", nous précise notre source.

Un verrou à l'investissement qui saute

Maintenant que le Maroc n'est plus sur la liste grise du GAFI, qu'est-ce qui change concrètement ? A cette question, notre source membre de l'équipe marocaine chargée de ce dossier énumère trois sujets prioritaires que la sortie de la liste grise impactera positivement, surtout dans un momentum Maroc où le Royaume va miser sur sa nouvelle Charte de l'investissement pour attirer les IDE.

Le premier est l'impact sur l'investissement notamment privé. "Les grands institutionnels mondiaux, les grandes entreprises, les entreprises du CAC40 ou du Nasdaq, entre autres, tiennent compte de la liste du GAFI pour leurs choix d'investissements stratégiques, bien plus qu'on ne le croit", nous répond-on.

"Certes, il y a d'autres facteurs qui conditionnent un investissement, mais le Maroc était pénalisé par ce point sur des choix pour des investissements importants."

Le deuxième point concerne les flux financiers, plus précisément le risque de ralentissement des flux financiers. "Quand vous voulez envoyer de l'argent au Maroc, que vous soyez investisseur, particulier, MRE... les transactions prenaient plus de temps car nous étions sur la liste grise."

"Le devoir de vigilance des autres pays les oblige à vérifier plus, ou même à bloquer certaines opérations. Dans l'absolu, le total des transactions des flux financiers avec le Maroc sont, qu'on le veuille ou pas, plus longs", nous explique notre source.

Le troisième est relatif aux financements et accès aux aides internationales. Sans parler des effets sur les notations internationales ou les conditions du financement du trésor à l'international. Même le FMI, dans sa négociation avec le Maroc pour la Ligne modulaire, estime que la sortie du Royaume de la liste grise est un facteur déterminant.

Ce sont des aspects qui ne se sont pas quantifiés. Il n'y a pas d'évaluation propre au Maroc du manque à gagner qui a résulté de sa présence sur cette liste. Cela dit, un document de travail du FMI, datant de 2021, s'est penché sur ce point. Il a analysé l'impact de la liste grise sur les flux de capitaux dans un échantillon de 89 pays émergents et en développement, dont le Maroc, sur la période 2000-2017.

Il constate que la liste grise se traduit par une réduction importante et statistiquement significative des entrées de capitaux. Le document conclut à "un effet négatif important et significatif de la liste grise sur les entrées de capitaux. Les résultats empiriques suggèrent que les entrées de capitaux diminuent en moyenne de 7,6 % du PIB lorsque le pays est sur la liste grise. Les résultats suggèrent également que les entrées d'IDE diminuent en moyenne de −3 % du PIB, les entrées de portefeuille diminuent en moyenne de −2,9 % du PIB et les autres entrées d'investissement diminuent en moyenne de −3,6 % du PIB. Les impacts estimés sont tous statistiquement significatifs".

Aussi, la nouvelle de la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI ne peut qu'avoir des effets positifs directs ou indirects sur l'économie marocaine... tant que nous n'y revenons pas.

GAFI, des normes évolutives qui nécessitent de l'anticipation

Les normes du GAFI ne sont pas figées. En entrant dans la liste grise du GAFI en 2021, le Maroc n'en était pas à sa première expérience. Il avait déjà été inclus dans cette liste en février 2010 et l'a quittée en octobre 2013.

La vigilance est donc de mise. "Le point fort du Maroc, c'est que maintenant, nous pouvons anticiper", nous explique notre source. "Avec cet exercice, nous avons développé une vision politique sous les orientations royales. Il y a aussi l'engagement du gouvernement et de l'administration pour en faire un chantier continu, d'où la création de l'ANRF et tout le travail structurel qui a été fait", poursuit notre interlocuteur.

"Nous sommes prêts et a même de suivre les évolutions et les anticiper. Si les normes du GAFI changent, nous serons au rendez-vous", assure notre source.

La task force marocaine s'appuie en cela sur un important travail réalisé par l'ANRF : l'Evaluation nationale des risques (ENR). Cette étude est mise à jour périodiquement. Son objectif est d'examiner le degré d'efficacité des mesures adoptées pour atténuer les risques déjà identifiés et de faire un focus sur les risques émergents.

"Ce document nous offre une visibilité à moyen et long terme sur le sujet. Des groupes de travail suivent les évolutions et dès qu'il y a un changement, un travail est enclenché", nous explique notre source.

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