David Toledano : “L’année 2022 a été difficile pour le secteur du bâtiment, mais on reste optimiste”

Dans un entretien avec Médias24, David Toledano, président de la Fédération des industries des matériaux de construction, revient sur les difficultés rencontrées en 2022 et livre les perspectives d’avenir du secteur du bâtiment.

David Toledano : “L’année 2022 a été difficile pour le secteur du bâtiment, mais on reste optimiste”

Le 11 décembre 2022 à 16h26

Modifié 11 décembre 2022 à 16h26

Dans un entretien avec Médias24, David Toledano, président de la Fédération des industries des matériaux de construction, revient sur les difficultés rencontrées en 2022 et livre les perspectives d’avenir du secteur du bâtiment.

Médias24 : Comment s’est comporté le secteur du bâtiment en 2022 ? A-t-il retrouvé son niveau d’avant-crise du Covid-19 ?

David Toledano : Non, malheureusement. Nous avons eu un après-Covid très fluctuant. La reprise était assez rigoureuse, intéressante pour tout le secteur, mais on est retombé dans un creux vers la fin de l’année 2021, début 2022.

Comme tous les secteurs, nous avons été impactés par un ralentissement de l’économie au niveau mondial. Nous n’y avons pas échappé. Les indicateurs, notamment la consommation de ciment qui a fléchi, montrent bien que l’on n’a pas encore repris. Cette année a été un peu compliquée et difficile pour le secteur, mais je la mettrais sur le compte d’une situation économique mondiale difficile. Plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, ont parlé de récession. Au Maroc, nous ne sommes pas en récession, mais nous avons traversé une année difficile.

Nous sommes relativement résistants et avons également essayé de faire face aux changements de prix. Aujourd’hui, beaucoup de prix sont en train de refluer. A l’exception du verre et de l’aluminium, dont les prix ont été multipliés par deux et parfois plus, les autres produits ont subi des hausses raisonnables, qui sont dues à l’augmentation des prix de l’énergie, du transport et d’un certain nombre de matières premières que nous importons notamment. Mais comme je l’ai dit, ces augmentations restent dans des proportions tout à fait raisonnables.

- Comment peut-on expliquer l’explosion des prix du verre et de l’aluminium ?

- Il y a une véritable explosion de la demande pour ces deux produits. L’offre ne suivant pas, les prix sont portés vers le haut.

Cette hausse de la demande s’explique par les développements actuels au niveau du développement durable, de la déforestation et autres. On essaie donc d’utiliser de moins en moins de bois et plus d’aluminium. On parvient même, désormais, à faire des portes en aluminium. Ce ne sont plus seulement des structures pour les façades ou les baies vitrées. C’est une tendance irréversible, le bois se faisant de plus en plus rare et cher. Il y a donc un basculement de la demande qui va se développer davantage.

Pour le verre, on arrive à faire du verre intelligent. On arrive à produire du verre trempé, à faire des balustrades en verre, ainsi que des façades en aluminium et en verre… Ces produits sont en train de gagner sur d’autres produits traditionnels que les architectes utilisent de moins en moins.

D’ailleurs, quand on se promène dans certaines villes et que l’on regarde les nouvelles constructions, on remarque que les façades sont souvent en verre et en aluminium. Le verre se prête à plusieurs utilisations, intérieures ou extérieures. Cette tendance architecturale fait que la demande explose.

La demande est donc là, et le temps que l’offre se rééquilibre avec celle-ci, il y aura certainement encore une tension sur les prix.

- Le Salon international du bâtiment (SIB) s’est tenu du 23 au 27 novembre dernier à El Jadida, après environ trois ans d’absence. Comment se sont déroulées les retrouvailles ? Y a-t-il eu des annonces importantes ?

- Durant ce salon, nous avons eu l’honneur d’accueillir la ministre de l’Habitat, et le plaisir de recevoir le Gabon, un pays ami avec qui nous avons des relations fusionnelles, en tant qu’invité d’honneur. Une grande délégation gabonaise a donc participé à ce salon, qui a également connu la présence de plusieurs hauts responsables marocains du secteur de l’urbanisme et de l’habitat.

Le nombre de visiteurs, pour sa part, a explosé. Durant les quatre jours du salon, nous avons accueilli plus de 160.000 visiteurs. Plus d’une cinquantaine de pays ont exposé leurs produits. Nous avons eu des stands et des exposants de très grande qualité.

Le salon a été une grande réussite. De plus, l’espace se prêtait bien à ce type d'événement. Nous avons aussi mis en place des réunions B to B qui ont eu énormément de succès. Nous avons invité plus de 50 acteurs importants dans le secteur, qui ont rencontré des producteurs nationaux et ont été impressionnés par le progrès et la diversité de nos produits.

Il faut noter que la FMC était co-organisatrice de ce salon aux côtés du ministère de l’Habitat. Il y avait aussi une très forte présence des architectes, qui sont également co-organisateurs de ce Salon, au même titre que les ingénieurs et la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics.

Pour ce qui est des annonces, une convention-cadre devait être signée entre le Maroc et le Gabon durant le salon, mais pour des raisons de santé, sa signature a été reportée. Elle a eu lieu quelques jours plus tard à Rabat.

Ce salon a été organisé sous le signe des retrouvailles après trois années de Covid. Il y avait donc une grande envie de se rencontrer, de discuter et de découvrir les nouveautés dans le secteur. C’était un moment extrêmement intéressant.

- Quelles sont les perspectives du secteur du bâtiment dans les années à venir ?

- Quand nous voyons nos voisins, qui ont beaucoup souffert du Covid, reprendre leurs activités aujourd’hui, nous restons optimistes.

Prenons l’exemple de l’Espagne. Le pays connaît une reprise vigoureuse, qui fait que les conceptions et les ventes dépassent les 600.000 logements par an. C’est actuellement le leader européen dans le secteur. On ne retrouve cette activité ni en France ni en Allemagne par exemple.

Les gens ne veulent plus habiter là où ils avaient l’habitude de vivre. Après la crise du Covid, ils cherchent d’autres espaces pour pouvoir se retrouver. C’est la même chose au Maroc. Nous avons une demande solvable et qui est montée en puissance, mais il y a quelques problématiques qui persistent encore dans le secteur, dont les principales sont la confiance, la diversification et la disponibilité des terrains. C’est à cela que les décideurs doivent faire face aujourd’hui. La demande est donc là, mais il faut construire avec d’autres critères, notamment en termes d’espace, de qualité et de confiance.

On est optimiste, tant au niveau du bâtiment et de la construction que de l’infrastructure. Le budget d’investissement est énorme. Nous avons besoin de plusieurs infrastructures qui feront que nos matériaux de construction seront demandés, ce qui nous permettra de repartir vers un meilleur niveau d’activité dans les prochaines années.

- Vous avez mentionné davantage d’espace et de qualité. Peut-on affirmer que les critères des acheteurs marocains ont changé ?

- Absolument. Aujourd’hui, les gens ne veulent plus acheter n’importe quel bien. On a constaté un ralentissement des transactions dans les constructions sociales et économiques parce que les acquéreurs veulent à présent plus de surface et plus de qualité. Il y a donc de nouveaux critères qui entrent en jeu.

A cela s’ajoute la problématique relative à la confiance. Les promoteurs importants, qui lançaient auparavant la construction de 30.000 à 40.000 logements par an, se sont mis en retrait et se sont plutôt tournés vers le moyen et le haut de gamme. On voit par ailleurs émerger une génération de jeunes promoteurs immobiliers qu’il faut encourager, qui construisent avec de nouveaux critères, que ce soit au niveau de l’espace mais aussi de la qualité de la construction, du respect de l’environnement, de la durabilité et de tout ce qui se rapporte à l’acoustique, à la qualité de vie et aux commodités.

Les acquéreurs d’aujourd’hui ne sont donc plus ceux d’il y a quatre ou dix ans. Ils ne sont plus dans l'attente urgente d’un logement. Il y a aussi énormément de gens qui sont actuellement mal logés et qui aimeraient changer de logement. Il faut donc penser à des constructions différentes. C’était d’ailleurs l’une des thématiques du SIB. La qualité de vie, la durabilité, la diversité et la mixité sont des thématiques récurrentes que l’on évoque souvent lorsque l’on parle de construction.

- Ces changements vont-ils s’accompagner d'une hausse des prix ?

- Il y aura plutôt des changements d’accompagnement. La tendance actuelle est de mettre fin aux avantages qui étaient accordés aux promoteurs. Il reste toutefois des dossiers qui vont s’étendre jusqu’en 2024, puisque lorsque l’on signe une convention de construction, nous avons cinq ans pour la réaliser, et beaucoup de conventions sont encore en cours.

Cela étant, la tendance actuelle est d'avantager plutôt l’acquéreur que le promoteur. C’est ce qui se fait un peu partout dans le monde. Il y aura donc certainement des ristournes, abattements ou déductions des taux d’intérêt, des encouragements et des facilitations, de façon à les inciter à passer le pas.

- Dès l’année prochaine, donc les acquéreurs bénéficieront d’une aide directe de l’Etat, mais les modalités de cette aide n’ont pas encore été dévoilées. Le blocage persiste-t-il toujours sur ce dossier ?

- Je sais qu’il y a eu des tractations entre le ministère de l’Habitat et les promoteurs, mais on n’arrive pas encore à se mettre d’accord sur ce que l’on appelle un logement social.

Toutefois, je ne pense pas que le ministère restera les bras croisés. La crise dans le logement social, économique, et dans l’immobilier de façon globale, ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait des années que les promoteurs se plaignent.

Nombre d’entre eux réalisent des programmes haut de gamme qui marchent très bien. On a des programmes qui ont atteint 25.000 à 26.000 DH/m² qui se vendent et se développent. On est donc loin des 4.000, 5.000 ou 6.000 DH/m² du social.

Je cite toujours l’exemple de la voiture économique. On en a parlé pendant quinze à vingt ans avant de développer la Uno. Aujourd’hui, le marché de l’automobile a changé et personne ne parle de voiture économique ou pas. Les producteurs se sont débrouillés pour faire des voitures demandées.

C’est pareil dans le bâtiment. On parle de logement social depuis des années, mais à présent, les Marocains veulent avancer au niveau des constructions. La problématique la plus importante à laquelle on fait face reste la disponibilité du foncier. On connaît très bien le prix de la construction. Ce n’est pas parce que nous avons augmenté le prix de la brique que l’on va doubler les prix du logement. L’incidence des matériaux de construction sur le bâti est faible. Le coût du foncier reste celui qui impacte le plus le prix du logement.

Je pense que le marché arrivera à se rééquilibrer à un moment ou à un autre, notamment lorsque l’on arrivera à faire du zoning sur toutes les villes, et à mettre ainsi à la disposition des promoteurs du foncier au niveau rural et des différentes régions du pays.

- Peut-on dire que la reprise sera tirée par l’immobilier ?

- Je dirais plutôt qu’elle sera tirée par les exportations et l’industrie. On dit toujours que lorsque le bâtiment va, tout va. Mais l’honneur du Maroc, c’est d’avoir diversifié les secteurs et évité de se reposer sur un secteur particulier. De cette manière, lorsqu’un secteur fléchit, on peut basculer sur un autre.

A titre d’exemple, en 2022, nous avons eu une année agricole très difficile. Heureusement qu’on avait d’autres secteurs d’activité. Je pense qu’aujourd’hui, le Maroc poursuivra le développement d’autres axes, et l’immobilier prendra sa place dans l’économie du pays.

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