Foot et croissance. Une conversation avec Ahmed Lahlimi
Le Maroc en demi-finale de la coupe du monde. L'aura internationale de cet exploit est indéniable, qu'en est-il d'un potentiel impact économique sur la croissance ? Une question que nous avons posée à Ahmed Lahlimi, haut commissaire au plan. Voici une restitution de l'échange.

Foot et croissance. Une conversation avec Ahmed Lahlimi
Le Maroc en demi-finale de la coupe du monde. L'aura internationale de cet exploit est indéniable, qu'en est-il d'un potentiel impact économique sur la croissance ? Une question que nous avons posée à Ahmed Lahlimi, haut commissaire au plan. Voici une restitution de l'échange.
Les exploits sportifs, comme celui qu'est en train de réaliser l'équipe nationale en coupe du monde, peuvent avoir des effets économiques directs ou indirects. Si l'impact est évident quand il s'agit du pays organisateur d'une telle compétition, qu'en est-il pour celui qui crée la surprise et se hisse dans le carré final à la surprise générale ?
Il est très difficile d’avoir des éléments chiffrés ou des analyses bien fournies à ce sujet, mais des éléments d’appréciation peuvent être avancés. Médias24 a contacté le conjoncturiste en chef du pays, Ahmed Lahlimi pour nous donner son point de vue.
Pour lui, une société en liesse qui s’identifie au succès, se ressource et croit en son potentiel propre. « Quand une société se réjouit de son succès et se voit unanimement reconnue, elle prend conscience du fait qu’elle peut réussir. Cela va se translater dans tous les domaines, surtout chez les jeunes. Ils vont comprendre qu’on peut devenir des héros à l’école, dans la formation, en économie etc. Que le succès est toujours possible », estime-t-il.
La prochaine décennie sera une décennie de croissance pour le Maroc
Le boost de confiance apporté par ce parcours, permet selon lui à la société de se reconnaitre de nouveau dans son identité et de redécouvrir sa dimension collective. D’autant plus que le succès est reconnu à l’échelle internationale. « Nous pouvons alors avoir la légitime conscience que le Maroc est une grande nation », affirme-t-il.
Pour lui, « ce regain de confiance en soi apporte un coefficient de plus à la croissance du pays car il apporte le goût de l’excellence, de faire bien et de se dépasser. C’est un facteur de plus qui contribuera - comme je le dis toujours - au fait que la prochaine décennie sera une décennie de croissance pour le Maroc ».
L'appel à la confiance
Sur la question de l’appartenance collective ou des éléments d’identité, l’injonction « diro niya » du coach Walid Regragui peut être un élément d’une grande importance.
Pour Ahmed Lahlimi, c’est un appel à faire confiance, où il ne faut pas seulement voir le côté mystique, mais c’est un vrai message de « croyez en vous-même ». C’est un appel à la volonté individuelle et collective. C’est un appel à avoir confiance en soi et en ses capacités, de garder confiance dans son pays.
« C’est un rappel qu’on peut avoir une destinée d’excellence. Et que pour l’atteindre, il faut dépasser les préjugés qu’on a sur ses capacités, c’est la condition du succès futur ».
Au-delà de la dimension nationale et économique, le parcours du Maroc est aussi un formidable levier de soft power.
Un levier de soft power
Commentant « l’image du drapeau palestinien brandi après la victoire du Maroc", pour Lahlimi, "il n’y a pas un appui plus fort qu’on pouvait donner à la cause palestinienne. Devant le monde entier, on découvre un pays arabe triomphant qui agite un drapeau qui n’est pas le sien et qui s’identifie à une cause et y dédit sa victoire. Ça a sûrement un impact sur l’opinion publique. »
Par ailleurs, le Maroc qui est peut-être inconnu pour beaucoup de populations dans le monde a créé la surprise. Il a dominé de grands pays footballistiques comme l’Espagne et le Portugal. « Ce parcours va sûrement susciter sinon l’intérêt mais du moins la curiosité. Le pouvoir du sport est formidable. Un jour, un sénateur américain m’a dit que pour que le Maroc devienne populaire aux USA, il devrait battre son pays au Baseball. Avec ce parcours, je peux faire le parallèle, surtout dans les pays qui suivent beaucoup le football ».
Sur un aspect plus personnel, le Haut-commissaire au plan avoue ne pas avoir suivi tous les matchs au vu de ses responsabilités et de sa charge de travail (planification de l’année qui vient et surtout le recensement général de la population en 2024). Il concède qu’il a assisté à la séance de tirs au buts contre l’Espagne.
« Avec cette victoire j’étais heureux dans mon coin, car j’étais tout seul à travailler tout en regardant de temps en temps. J’ai été content pour le Maroc. À cet âge et avec toutes les expériences, on a la joie froide et le malheur lucide ». Ce sont surtout les images de la liesse générale qui l’ont le plus ému. « Quand j’ai vu aux infos les images de liesse à Doha et dans d’autres pays, j’ai pleuré de joie pour ce peuple fier. »