Comment l’Algérie mène contre le Maroc une guerre qui ne dit pas son nom

L'escalade algérienne contre le Maroc ne semble pas près de s'arrêter. Aujourd'hui, elle présente les caractéristiques d'une guerre hybride, où tous les moyens possibles sont utilisés pour nuire au voisin marocain. C'est la guerre sans les armes...

Comment l’Algérie mène contre le Maroc une guerre qui ne dit pas son nom

Le 12 juillet 2022 à 14h26

Modifié le 12 juillet 2022 à 16h14

L'escalade algérienne contre le Maroc ne semble pas près de s'arrêter. Aujourd'hui, elle présente les caractéristiques d'une guerre hybride, où tous les moyens possibles sont utilisés pour nuire au voisin marocain. C'est la guerre sans les armes...

Une guerre hybride est un conflit où sont utilisés des moyens non conventionnels aux côtés d’actions armées limitées, sans pour autant donner lieu à une confrontation militaire ouverte. Le concept a été popularisé en 2014, quand la Russie a été accusée de mener une guerre hybride contre l’Ukraine, dans une crise qui a culminé avec l’annexion de la Crimée, bien avant le déclenchement du conflit en cours.

Le polisario dans le rôle de proxy

En amenant le polisario à rompre le cessez-le-feu avec le Maroc, l’Algérie a transformé cette organisation rebelle en proxy, c’est-à-dire un groupe armé qui exécute une guerre par procuration [ici pour le compte d’Alger].

Pour éviter la confrontation militaire directe entre les Etats, c’est l’un des moyens les plus usités dans les guerres hybrides. La Russie par exemple comptait sur le groupe Wagner ou encore sur les rebelles du Donbass en Ukraine, et ce bien avant l’actuelle confrontation. L’Iran quant à elle s’appuie sur le Hezbollah dans sa confrontation avec Israël.

C’est ainsi que l’Algérie, qui s’inscrit dans la lignée de l'axe Moscou-Téhéran, a incité le polisario à provoquer la crise d’El Guerguerat en violant le statu quo qui prévalait dans cette zone. Ce qui a poussé le Maroc à y rétablir l’ordre pacifiquement pour permettre la circulation des personnes et marchandises avec la Mauritanie.

Cherchant un casus belli coûte que coûte, l’Algérie y a trouvé un prétexte suffisant pour pousser son proxy à déclarer la guerre au Maroc. Cette prétendue guerre du polisario s’est réduite à quelques escarmouches qui se sont vite estompées après s’être heurtées à la solidité du mur de défense marocain.

L’APS, une usine à fake news

Pourtant sur le site de l’APS, l’Agence de presse algérienne gouvernementale, on trouve tous les jours des dépêches qui dépeignent une  guerre en cours dans le Sahara marocain. Des informations qui ne sont pas reprises par les médias étrangers en raison de leur faible crédibilité.

En effet, l’APS s’est transformée en une usine à fake news à l’encontre du Maroc. Sa rubrique « Monde » est principalement dédiée à attaquer le Maroc avec un flux qui souvent dépasse les dix dépêches par jour. Ces articles expriment un concentré de haine contre le voisin marocain, utilisant un langage grossier loin de toute déontologie ou rigueur journalistiques.

Ces dépêches sont principalement reprises en interne, alimentant ainsi le sentiment anti-marocain au sein de la population algérienne. A l’extérieur de l’Algérie, elles sont également reprises par le réseau de médias qui gravitent autour de l’axe Téhéran-Damas comme la chaîne Al Mayadeen ou le site d’informations Rai al Youm appartenant au journaliste Abdel Bari Atwan.

Une guerre économique acharnée

L’Algérie a également amorcé une guerre économique contre le Maroc, dont le fait le plus saillant est la non-reconduction du contrat du gazoduc Maghreb-Europe, permettant au gaz algérien de transiter par le sol marocain vers l’Espagne en contrepartie de droits de passage que le Royaume percevait en nature.

Au moment où les besoins de l’Europe en gaz sont en forte croissance, l’Algérie a préféré se priver d'un canal important pour que le Maroc ne puisse pas en profiter. En d'autres termes, l’Algérie préfère une relation perdant-perdant à une relation gagnant-gagnant. Tout est envisageable pour faire du tort au Maroc, quitte à y laisser des plumes.

Le ministre algérien de l’Energie est allé jusqu’à dénigrer la faisabilité du projet du gazoduc atlantique Nigeria-Maroc [dans le journal allemand Der Spiegel], pour promouvoir comme alternative le projet du gazoduc transsaharien Nigeria-Algérie.

La fermeture de l’espace aérien algérien aux avions marocains ou avions immatriculés au Maroc est un autre exemple de guerre commerciale que mène l’Algérie contre le Maroc. Cette mesure n’a pas de grande conséquence sur les lignes aériennes de Royal Air Maroc, mais elle prouve encore une fois l’ampleur de la volonté d’Alger de nuire par tous les moyens aux intérêts marocains.

On se souvient également du harcèlement dont ont été victimes Renault et PSA à cause de leur investissement industriel au Maroc. Ceux-ci ont dû se plier à la volonté algérienne en annonçant des usines d’assemblage automobile, avec des niveaux d’intégration très faibles, pour sauver la face à Alger. On ne peut qu’en conclure que d’autres constructeurs automobiles qui sont également intéressés par l’investissement au Maroc seront également sujets à ce genre de pression.

L'accusation de 'main étrangère' pour discréditer le Hirak

Pour comprendre les motifs de cette escalade, il faut la replacer dans son contexte. Les choses ont commencé à réellement changer depuis l’accession de Saïd Chengriha au poste de chef d’état-major de l’armée, à la suite de la mort douteuse de son prédécesseur Ahmed Gaïd Salah, quelques jours seulement après l’investiture de Abdelmajid Tebboune en tant que nouveau président algérien.

Chengriha est connu pour la haine viscérale qu'il voue au Maroc, mais ce n’est que l'une des raisons pour lesquelles il a décidé d’enclencher cette escalade sans fin. A cette époque, le Hirak algérien avait repris ses activités, malgré la forte répression. L’élection de Tebboune était contestée et tout le régime se sentait en danger.

Dès lors, les attaques médiatiques ont commencé à fuser, accusant le Maroc d’être derrière les nouvelles manifestations, en soutenant le mouvement Rachad et le mouvement d’autodétermination de la Kabylie (MAK), deux organisations que le régime algérien déclarera comme terroristes quelques mois plus tard. Bien entendu, le but était de discréditer le Hirak et de semer le doute dans l’esprit des Algériens quant à l'intervention d'une supposée « main étrangère ».

Duel à la tête du régime

L'objectif de ces accusations infondées est de créer une unité nationale autour du régime contre l’ennemi étranger, une technique vieille comme le monde. Mais c’est une raison qui en cache une autre, parce que l’escalade aurait pu s’arrêter après la fin du Hirak. Or, Saïd Chengriha n’y a pas intérêt, car cette situation de guerre hybride contre le Maroc renforce sa position face au président.

Rappelons que Tebboune a été le protégé et l’homme de confiance d’Ahmed Gaïd Salah. Chengriha doit certes composer avec lui, mais il ne peut pas lui faire confiance. Surtout que les deux décennies de Bouteflika à la tête de l’Etat ont montré comment un président peut, avec le temps, renforcer sa position au point de pouvoir effectuer des changements à sa guise dans le leadership de l’armée.

C’est donc un duel à la tête de l’Etat qui est en cours. Tebboune sait qu’il n’a aucun intérêt à aggraver les tensions avec le Maroc, pour son image, sa crédibilité en tant que chef d’Etat et la stabilité de son règne.

Il sait aussi que cette situation ne fait que renforcer l’omniprésence de l’armée dans les décisions de l’Etat. Son pouvoir s’en trouve amoindri. Mais a-t-il d’autre choix, surtout qu’il sait qu’il pourrait facilement subir le même sort que son défunt parrain ? Il est par conséquent tenu de s’aligner sur les orientations de Chengriha, en attendant des jours meilleurs.

Le jeu dangereux de Chengriha

Dans cette course folle au pouvoir, Chengriha n’hésite pas à exacerber davantage les tensions avec le Maroc. Le déclenchement éventuel d’une guerre ouverte renforcerait son diktat et celui de l’armée sur l’Algérie, sans aucune contestation possible.

Chengriha, l'homme de 77 ans, qui a encore une dent contre le Maroc depuis la guerre des Sables, y voit également l’occasion de régler de vieux comptes. Dans un article du journal français l’Opinion, paru en novembre 2021, quelques semaines après que l’Algérie a accusé le Maroc d’avoir tué des camionneurs algériens dans la zone tampon au Sahara marocain, un général algérien parlait sous couvert d’anonymat de la volonté d’Alger de déclencher une guerre ouverte contre le Maroc.

Car selon lui, avec le développement rapide de l’armée marocaine, le rapport de force entre les deux armées s’inverserait au profit du Maroc, dans une durée qu’il estimait à trois ans. Pour les faucons de l’armée algérienne, s’il fallait frapper, c’était maintenant ou jamais. Chengriha ne peut pas le faire avant de se garantir une totale loyauté parmi les généraux. C’est la raison pour laquelle la purge reprend de temps à autre au sein de la direction de l’ANP.

Malgré ces tentations folles, la décision d’une guerre ouverte n’est pas si facile à prendre. L'Algérie pourrait facilement se retrouver isolée et sous le feu des sanctions internationales. Chengriha pourrait se contenter de la position relativement confortable que lui procure ce conflit avec le Maroc. Tandis que l’Algérie, en refusant la main tendue du Maroc, continue à perdre des occasions de construire un avenir de paix et de prospérité pour son peuple et ceux des autres pays du Maghreb.

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