Transferts MRE : la tendance haussière devrait se poursuivre en avril (experts)
En 2021, les transferts de MRE avaient atteint un niveau record de 93,3 MMDH. Cela correspondait à une hausse de 36,8% par rapport à 2020. Une hausse qui avait déjoué tous les pronostics et qui demeure encore complexe à expliquer d’un point de vue macro-économique. Cependant, le soutien à l’emploi dans les pays de résidence des MRE, la formalisation des transferts via les établissements de paiement ou encore les incitations fiscales dans l’immobilier durant le S1-2021 en sont différents facteurs explicatifs, comme l’a pointé le ministère des finances dans sa note de conjoncture (page 24).
Cette année, à l’issue de son conseil, Bank Al Maghrib a anticipé un retour à des niveaux plus raisonnables concernant les transferts des MRE. Elle a projeté une baisse des transferts de MRE de 15% en 2022 à 79,3 MMDH avant de continuer à la baisse et atteindre 70,8 MMDH en 2023.
Mais d’après les chiffres annoncés par l’Office des changes à fin mars 2022, les transferts de MRE ont poursuivi leur hausse avec une progression de 8,3% au premier trimestre de l’année à 22,9 MMDH contre 21,1 MMDH à la même période en 2021.
Une tendance baissière avait été observée en début d’année 2022 avec un recul de 9,7% des transferts de MRE en janvier 2022 par rapport à l’année d’avant. Mais une légère hausse en février suivie d’une explosion de 26,5% au mois de mars a entraîné une progression sur le trimestre.
Il est difficile de comprendre les raisons de cette forte hausse durant le mois de mars. Fondamentalement, comment nous l’explique Inigo Moré, enseignant à Berkeley et fondateur de Remesas.org, « il n’y a pas de raisons particulièrement explicables durant cette période-là. Le fait de se focaliser sur un mois en particulier et d’observer la variation ne permet pas d’avoir une vision claire de ce qu’il se passe. Ce que l’on constate historiquement, c’est qu’il n’y a aucune saisonnalité observable durant le mois de mars, contrairement au mois de ramadan ».
Une hausse qui devrait se poursuivre en avril du fait du Ramadan
Pour notre interlocuteur, cette hausse observable durant le T1-2022 devrait encore se poursuivre durant le mois d'avril. Cela est causé par la saisonnalité dans les transferts, alignée sur les périodes de fêtes. La période de Ramadan, cette année, a démarré au mois d’avril, durant le second trimestre de l’année. « Cette année le Ramadan a eu lieu en Avril. Il serait normal d’observer une hausse des transferts de MRE durant cette période qui correspond à une saisonnalité normale durant ce mois sacré » explique Inigo Moré.
Une version corroborée par un autre expert sur le sujet. Il nous explique « le mois de Ramadan est un mois de solidarité familiale par excellence. Tout ce qui concerne les aides familiales pour la Zakat, pour l’Aïd et autre, influent sur les transferts ». Cette saisonnalité devrait donc être observée durant le mois d’avril et mai où les transferts devraient afficher une hausse du fait des transferts des MRE pour aider leur famille, d’autant plus dans un contexte économique tendu et où l’inflation a entamé le pouvoir d’achat des ménages marocains.
Si cette hausse est effectivement observée, il faudrait qu’une baisse assez significative soit constatée sur le reste de l’année pour entrer dans les prévisions chiffrées de Bank Al Maghrib (-15% en 2022). En réalité, pour le reste de l’année, il est très difficile de prévoir comment la donne va évoluer.
Une évolution difficilement prévisible sur le reste de l’année
En 2021, la forte hausse des transferts avait en partie été expliquée par la formalisation des envois d’aides des MRE à leur famille. Autrefois effectués par des canaux informels lors de visites à leurs familles avec de l’argent liquide en poche, la crise sanitaire (confinement, fermetures des frontières et des vols commerciaux, ndlr) a obligé les MRE à plus emprunter des circuits formels comme les banques ou les entreprises de transfert d’argent.
Avec la réouverture du tourisme et le retour de l’opération Marhaba en 2022 après deux années d’absence, il est probable que le recours à ces circuits informels revienne. Pour rappel, les dates de l’opération Marhaba 2022 n’ont pas été encore confirmées. En 2019 elle avait démarré le 5 juin. « Nous assisterons probablement à un ralentissement des transferts comptabilisés dans les statistiques durant les mois d’été par rapport à 2021 car les MRE opteront probablement vers de l’argent liquide qu’ils ramèneront avec eux et qui leur évitera des frais de transferts d’argent coûteux avec les organismes conventionnels » explique Inigo Moré.
Sur le reste de l’année, le pays pourrait connaître un effet de base négatif du fait des chiffres exceptionnels observés en 2021. Un expert du secteur nous explique « il est très difficile d’émettre des prévisions sur le sujet. Ce qui s’est passé en 2021 a été une surprise pour tout le monde. Il se peut que les statistiques de BAM soient basées sur un effet de base négatif du fait de la forte hausse observée l’an dernier. Peut-être que cette année, une normalisation sera d’actualité ». Mais il convient de rappeler que selon cette source, « cette tendance haussière qui persiste demeure mystérieuse. A part cette formalisation des flux, nous avons du mal à en expliquer les causes fondamentales ».