Inetum Maroc se renforce : “Il y a les talents, les conditions et la taille critique pour le faire” (PDG)

| Le 1/5/2024 à 16:30
Le géant des services numériques a annoncé vouloir tripler ses effecifs au Maroc d'ici 2027. Le PDG du groupe revient pour Médias24 sur les raisons de ce choix stratégique et sur l'évolution de l'activité du groupe depuis 20 ans d'implantation dans le royaume. Base offshore réputée dans l'Hexagone, le Maroc devient également de plus en plus attractif avec un marché local en fort développement. Entretien.

Le 29 avril, le groupe Inetum, spécialisé dans les services numériques aux entreprises, a signé un mémorandum d’entente autour d’un projet d’extension de ses activités au Maroc en présence de Mohcine Jazouli et Ghita Mezzour. Le groupe a en effet l’ambition de développer son marché et ses activités au Maroc et notamment de tripler ses effectifs dans le royaume à horizon 2027.

Médias24 s’est entretenu avec le président directeur général du groupe, Jacques Pommeraud, au sujet des activités de l’entreprise, de sa stratégie de développement au Maroc et des raisons du renforcement de ses activités sur le sol marocain.

L’entretien a également été l’occasion de revenir sur les grandes tendances de l’évolution des technologies et comment le groupe les appréhende pour les servir aux entreprises. Interview.

Médias24 : L'activité de services numériques aux entreprises peut paraître assez vague, pourriez-vous nous expliquer quels sont les métiers clés d'Inetum ?

Jacques Pommeraud : Inetum est une grande entreprise de services numériques avec 28.000 personnes dans 19 pays. Nous sommes basés en France et nous sommes européens par ADN.

L’entreprise a 4 grands métiers. Le premier est le consulting. Nos clients se posent la question de capturer les bénéfices de la technologie, notamment de la data et du GenAI. Nous avons une équipe notamment au Maroc pour cela.

Le second métier est l’IT cœur, à savoir les systèmes d’information clés pour les entreprises. Ici, il s’agit de systèmes de production pour faire fonctionner les usines, un système RH et autres.

Le troisième métier est l’intégration de progiciels. Inetum est partenaire avec Microsoft, Salesforce, ServiceNow ou encore SAP et plus généralement, c’est cette informatique que vous vendez non pas aux directeurs informatiques, mais au PDG. C’est là où les entreprises et gouvernements veulent investir. Ce volet est perçu comme un investissement productif.

Le quatrième métier, c’est l’édition de logiciel. Nous sommes éditeurs et nous avons 200 millions d’euros de revenus en tant qu’éditeur. Nous avons un logiciel qui sert, par exemple, aux services d’assurances, d’autres pour le secteur public, etc…

Si je zoome sur le Maroc, nous sommes installés depuis plus de 20 ans à Casablanca. Il y a 800 collègues sur place. Nous avons pour ambition de fortement développer nos équipes sur cette zone. Actuellement, nos équipes locales font deux choses, à savoir premièrement s’adresser au marché local et également aux clients francophones qui souhaitent avoir des équipes mixtes avec des gens ici et en France.

-Anciennement GFI, le groupe a effectué un rebranding international en 2021 en se rebaptisant Inetum. Pourquoi ce choix ?

-Nous avons changé de nom en janvier 2021. Cela est venu dans l’optique de muer d’un groupe français par essence, anciennement GFI (groupement français de l’informatique, ndlr) vers une multinationale. Un groupe qui travaille de la même façon dans tous les pays.

-Le 29 avril, un mémorandum d'entente a été signé. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous comptez tripler vos effectifs sur place ? Comptez-vous développer de nouvelles lignes de métier ?

-L’annonce qui a été faite et qui a donné lieu à une signature ministérielle, porte sur une ambition de recruter 1.500 nouvelles personnes à horizon 2027. En somme, cela triplera nos effectifs. Nous avons annoncé 50 MDH d’investissement pour y arriver. Nous avons également discuté avec l’UM6P pour renforcer des liens de formation dans les filières.

Nous sommes également en train de prospecter pour de futures installations en dehors de Casablanca car nous pensons que certaines personnes aimeraient travailler pour nous tout en étant aptes à rester près de leurs familles. À terme, nous aurons donc d’autres implantations.

Pourquoi le Maroc et pourquoi tripler les effectifs ? Il y a plusieurs raisons. Premièrement, nous nous disons qu’il y a ici un fort développement économique à venir avec l’échéance de 2030, les grands projets annoncés. Deuxièmement, une maturité économique, une stabilité business attrayante et une porte d’entrée pour nos clients en Afrique dans le numérique. Nous savons également qu’il y a des effets d’échelle sur l’expertise. Il vaut mieux avoir une large équipe à un endroit, qui monte en compétence et se forme de manière qualitative, plutôt qu’une multitude de petites équipes réparties partout.

Nous avons déjà des équipes spécialisées sur les technologies SAP et Microsoft, nous allons compléter nos capacités d’accompagnement sur les solutions Salesforce et ServiceNow et nous souhaitons le faire depuis le Maroc. Il y a les talents, les conditions et la taille critique pour le faire.

L'objectif de tripler les effectifs intervient dans le cadre du développement du marché et vise également à répondre aux besoins de nos clients européens, ainsi qu'au besoin des clients francophones d'avoir une partie de leurs équipes basée à Casablanca.

-Au delà de l'emploi, qu'est-ce qui a été abordé durant cette signature de mémorandum ?

-Les discussions étaient variées, il y avait naturellement des questions d’emplois, d’implantations possibles pour nos futures bases. Nous sommes en train de les étudier et de contacter des universités locales, comme à Benguerir. Nous regardons 5 ou 6 villes où les universités et les infrastructures télécoms sont adaptées. Nous veillons également à assurer une bonne qualité de vie aux salariés car cela devient une problématique de plus en plus importante à prendre en compte.

-La pénuerie de talents au Maroc est un véritable sujet dans le secteur numérique, notamment avec la fuite des cerveaux. Est-ce que vous observez ce phénomène et pensez-vous pas que cela peut être une difficulté pour atteindre vos objectifs ?

-Nous voyons des changements se passer. Le premier, et je le vois avec les dirigeants que je rencontre, le Maroc, depuis 10 ans devient un endroit où des Marocains qui travaillaient à l’étranger, souhaitent se réinstaller. Il y a une bonne qualité de vie, des infrastructures qui se développent et on voit moins de jeunes qui souhaitent s’expatrier.

Deuxièmement, nous observons depuis environ 6 mois, une baisse dans le taux de démission. Dans l’informatique, c’est une chose assez commune de passer d’une entreprise à une autre, mais ce phénomène diminue, pour des raisons macroéconomiques, le marché est un peu différent.

Troisièmement, nous nous disons que si nous sommes un employeur de choix, nous allons avoir des équipes qui veulent rester. Sur ce domaine-là, nous œuvrons pour donner envie aux salariés de rester. En général, la durée moyenne est de 4 et 5 ans. Nous donnons des outils modernes à nos collaborateurs pour travailler, notamment de la GenAI. Plus de la moitié des effectifs du groupe ont été formés à cette technologie et 10% l’utilisent quotidiennement. Nous travaillons également sur la culture d’entreprise pour faire en sorte de rendre le lieu de travail agréable.

Nous voulons également comprendre le sens de notre travail et cherchons à être une entreprise BtoBtoS (business to business et society, ndlr) qui se pose la question de la pertinence de ce que nous faisons. Est-ce que cela va décarboner un processus industriel, créer de l’emploi chez mon client, etc… ?

-Cela fait donc 20 ans que vous êtes au Maroc. Comment, en terme d'activité, avez-vous vu le marché évoluer et quels sont les chemins à suivre les plus prometteurs pour le développement de votre activité ? 

-Il y a deux grands changements. Au niveau de l’industrie informatique, le Maroc, depuis bien longtemps est considéré comme une base offshore. Cela existe toujours, mais on voit un fort développement du marché local. Nous aimons avoir des clients ici et les aider à adopter les nouvelles technologies numériques pour faire croître le marché. Ce marché progresse fortement et nous faisons aujourd’hui 40 millions d’euros (430 MDH, ndlr) de chiffre d’affaires sur le marché local marocain.

Le second changement, c’est la nature de ce que l’on nous demande de faire ici. Pendant longtemps, l’informatique était assez traditionnelle, à savoir, faire tourner par exemple des systèmes on-premise ou autres systèmes. Nous observons une modernisation du marché avec de nombreux sujets sur le cloud et des sujets sur des progiciels plus avancés comme Salesforce, et cela correspond au niveau de compétitivité de certains clients, comme Royal Air Maroc pour ne pas la citer. Ces entreprises font jeu égal en technologie avec des concurrents internationaux, ils ont donc besoin des outils technologiques adaptés.

-Quelle est la croissance des revenus affichée sur vos activités au Maroc et est-ce différent de celle observée sur les marchés européens ?

-Le marché dans son ensemble a ralenti courant des 9 derniers mois sous l’effet des grands groupes internationaux qui ont repoussé à plus tard de grands projets. Cela vient du fait de l’incertitude économique, de la situation géopolitique tendue, etc… Comme les gros projets ont un impact dans notre industrie, la croissance a ralenti.

Néanmoins, les analystes s’accordent sur le fait que, dès la fin de cette année, un redémarrage de la croissance des grands projets devrait être observé.

Nous sommes sur une croissance à un chiffre entre 5% et 10% environ. Le marché, en somme, est divisé en deux. Il y a des gros projets informatiques coûteux qui ne passionnent pas les directions et pour lesquels il faut faire de la maintenance. Ce marché-là est compris en général entre 2% et 4% de croissance. En revanche, la partie attractive du marché informatique affiche des taux de croissance de 10% à 15% de croissance annuelle, car les entreprises et les gouvernements se disent qu’il faut investir maintenant pour être compétitifs. Il y a la volonté pour certaines entreprises de ne pas être à la traîne et d’investir fortement pour être à la pointe et mieux s’équiper.

-Dans votre accompagnement pour l'innovation, vous disposez d'un FabLab à Casablanca. Pouvez-vus nous dire que quoi il s'agit ?

-Nous avons, en tant que groupe numérique, un rôle d’accompagnement à assurer auprès de nos clients. Nous les aidons à se projeter. Nous avons dans le groupe, 7 FabLab dont un à Casablanca, qui sont des lieux où vous amenez des clients et où vous avez une méthodologie de création qui vous permet d’utiliser différents moyens technologiques pour résoudre les éventuels problèmes auxquels ils font face. Nous faisons avec eux des projets courts qui permettent d’avoir un prototype et donc une visualisation de l’innovation, plutôt que de la théorie. De nombreux clients aujourd’hui se posent la question de l’apport de la GenAI. Cela va toucher 40% des métiers mondiaux.

L’idée est d'inviter un client au sein de nos FabLabs et de l'accompagner pour faire émerger une idée claire sur l'usage et l'utilité de la GenAI dans son entreprise. L'objectif est de produire un prototype clair en une semaine.

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