Le retrait des banques françaises du Maroc renforcera la compétition sur le marché
En l’espace de dix-huit mois, deux grandes banques françaises ont acté leur départ du Maroc, à savoir le Crédit Agricole avec sa cession du capital dans Crédit du Maroc à Holmarcom, et plus récemment, la signature du deal entre la Société Générale et Saham pour la cession de la Sogé Maroc et ses filiales. Rappelons que le deal en cours entre Saham et Société Générale est encore soumis aux autorisations réglementaires. Une sortie de la BNP du Maroc, à travers une cession de la BMCI, est très probable.
Au-delà des raisons de rentabilité et de risque qui poussent les groupes français à désinvestir l’Afrique, quel impact ce retrait aura-t-il sur les acteurs bancaires locaux ?
Davantage de concurrence pour les acteurs marocains
Contacté à ce sujet, Adil Douiri, fondateur de CFG Bank, nous explique que ces départs des capitaux français au profit d’acteurs locaux auront un impact dans le monde bancaire national.
En effet, selon lui, la compétition sera plus rude sur le marché national. "Ces départs vont faire changer des choses. Je pense que les acteurs locaux sont plus flexibles, plus souples. Ils sont plus forts que les multinationales. Nous le voyons dans plusieurs domaines d’ailleurs, pas seulement la banque. Cela provient d’une meilleure connaissance du terrain, ainsi que de structures moins lourdes, moins hiérarchiques, plus rapides dans leurs prises de décision. L’intensité concurrentielle du secteur va donc, à terme, augmenter", explique-t-il.
Les banques marocaines filiales de banques étrangères, en l’occurrence françaises, font face à une certaine lourdeur de structure dont ne souffrent pas les banques détenues par des capitaux locaux. Cela confère à ces dernières une rapidité d’exécution et de réactivité supérieure sur le marché. "Les acheteurs locaux de ces filiales de multinationales vont les développer beaucoup plus fort et plus rapidement que ne le faisait la multinationale. Ils n’ont pas besoin de remonter dans une multitude d’échelons hiérarchiques, pas besoin de passer à travers une multitude de filtres de sécurité, etc. À ce niveau-là, les filiales de multinationales sont désavantagées par définition, car assez handicapées par leurs actionnaires", poursuit Adil Douiri.
De fait, le marché bancaire fera face à une compétition plus intense de la part des nouveaux acteurs locaux ayant remplacé l’actionnariat étranger au sein de la banque. "Le marché fera face à une concurrence plus rude et soutenue pour les acteurs maroco-marocains. La nouvelle Société Générale et le nouveau Crédit du Maroc seront plus vigoureux et chercheront à acquérir des parts de marché de façon plus forte, car ils ont des atouts que n’avaient pas les actionnaires précédents", explique le banquier.
Une bonne nouvelle pour les emprunteurs intermédiaires
Côté clients, ou emprunteurs, cette nouvelle ne va cependant pas révolutionner le marché. Elle permettra en revanche de faciliter l’accès au crédit à un certain type d’emprunteurs.
"Les emprunteurs, notamment intermédiaires en termes de risques, auront, eux, plus de solutions possibles. Certains emprunteurs nationaux ne se tournaient pas vers ces banques qui avaient besoin de remonter vers leur siège à Paris pour expliquer le dossier et obtenir des décisions", explique Adil Douiri.
Pour les particuliers, cela ne changera strictement rien. Les décisions d’octroi de crédit de particuliers ne remontent pas jusqu’au siège à l’étranger pour des montants et des complexités de tels dossiers.
En revanche pour des dossiers plus complexes, requérant des sommes d’argent bien plus importantes, une multinationale dispose de garde-fous. "Dans une multinationale avec 200 ou 300 filiales, vous devez avoir des règles rigides pour ne pas avoir d’accident. Quand vous êtes une banque locale, flexible, dynamique, proche des gens, là, il est clair que votre vitesse d’exécution n’est pas la même. Vous établissez le risque plus rapidement, vous octroyez des crédits plus rapidement", souligne notre interlocuteur.
Cependant, il convient de noter qu’un repreneur de capitaux français dans une banque, filiale d'une multinationale étrangère, peut faire face à des obstacles à surmonter en raison de la perte des effets de synergie.
Société Générale Maroc perdra quelques avantages sous le giron de Saham
D’après des sources informées, dans le cas du deal en cours entre Saham et la Société Générale, l’acquéreur perdra l’accès au système d’information de la Société Générale, et sera donc amené à en développer un nouveau pour assurer son fonctionnement.
Selon ces mêmes sources, Société Générale Maroc, une fois sous giron marocain, perdra les avantages du réseau africain de la Société Générale. En somme, la banque marocaine ne pourra plus bénéficier des synergies dont bénéficiait la maison mère avec ses autres filiales africaines.
De source non officielle, le futur actionnaire de Société Générale Maroc a également signé un accord dans le cadre des négociations avec la maison mère, pour une coopération commerciale entre Société Générale Maroc et la maison mère en France, bien que n’étant plus liées sur le plan capitalistique.
Moulay Hafid Elalamy pourra éventuellement conduire le groupe bancaire en bourse et donner plus d’ambition et de moyens à Société Générale Maroc.
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