Lotfi Boujendar : « Le portefeuille de la CMR réalisera un rendement de 4,8% en 2020 »

Mehdi Michbal | Le 9/9/2020 à 18:28

INTERVIEW. Performances financières, résistance à la crise du Covid, accompagnement de l’Etat dans les « nouveaux mécanismes de financement », transfert des CHU et bâtiments administratifs acquis en 2019 vers des OPCI dédiés… Le patron de la Caisse Marocaine de Retraite commente dans cet entretien les éléments saillants qui marquent la gestion financière du portefeuille d’un des plus gros investisseurs institutionnels de la place.

 

Avec un portefeuille de plus de 92 milliards de dirhams à fin 2019, la CMR compte parmi les plus gros investisseurs institutionnels du marché. Gérant les pensions civiles des fonctionnaires de l’Etat et les pensions des militaires, la Caisse dirigée depuis 2017 par Lotfi Boujendar a entamé il y a quelques années une grande opération de restructuration de sa gestion financière. Une opération qui commence à donner ses fruits…

Après un rendement de 4,36% en 2018, le portefeuille de la CMR a réalisé en 2019 une performance de 5,35%, soit une plus-value de 4,11 milliards de dirhams. Des performances saluées par le Conseil d’administration de la Caisse, réuni le 28 août sous la présidence du ministre des Finances, Mohamed Benchaaboun.

Malgré la crise du Covid-19, qui a affecté de plein fouet les marchés financiers, le patron de la Caisse nous annonce dans cette interview que le portefeuille de la CMR réalisera un rendement de 4,8% en 2020. Un rendement non seulement positif, mais qui sera supérieur à celui affiché en 2018, année de conjoncture normale…

Cette prouesse sera rendue possible, selon lui, grâce à la faible exposition de la Caisse au marché actions, à l’effet amortisseur que joueront les placements obligataires, mais aussi à la constatation dès cette année des revenus issus des opérations d’investissement dans l’immobilier menées dans le cadre des « opérations de financements innovants » lancées en 2019 par l’Etat.

La CMR a été en 2019 le premier investisseur du marché à accompagner l’Etat dans cette démarche en acquérant les murs de 5 CHU et un lot de bâtiments administratifs pour une enveloppe de 5,3 milliards de dirhams. Des opérations qui seront renforcées, confie M. Boujendar, qui se dit prêt à étudier toute opportunité qui se présentera dans l’avenir, pour sortir la Caisse de l’emprise du tandem marché actions/marché obligataire et de leurs vicissitudes.

Lotfi Boujendar nous annonce d’ailleurs que ces « placements alternatifs », qui généreront un rendement pérenne pour la CMR, constituent déjà près de 7% du Fonds de réserve du régime des pensions civiles. Et grande nouveauté : ses équipes travaillent actuellement sur une méga opération de transfert de ce patrimoine immobilier acquis auprès de l’Etat vers des OPCI dédiés. Ce transfert a obtenu l’aval du Conseil d’administration et sera bouclé d’ici la fin d’année, nous confie M. Boujendar. « Une opération qui va constituer, du point de vue de sa taille et du montage envisagé, une référence au Maroc », nous dit-il.

- Le Boursier : La CMR a réalisé une performance de plus de 5,3% en 2019 sur son portefeuille financier. Qu’est-ce qui a contribué à la réalisation de cette performance ?

Lotfi Boujendar : En 2019, les marchés financiers ont évolué dans un contexte favorable. La performance du compartiment obligataire a atteint 6,11% favorisée par la détente des taux d’intérêts alors que le marché boursier, malgré une conjoncture difficile, est parvenu à livrer une performance considérable de 7,11%.

En matière de gestion financière des Fonds de réserves (FDR) des différents régimes, la CMR a bien profité de ce contexte favorable des marchés et a réalisé, en 2019, des performances très honorables : +8,4% pour le régime des pensions civiles (RPC) et +19,3% pour le régime de retraite complémentaire « Attakmili ».

- Combien cela a généré de produits financiers pour la Caisse ? Ces performances sont-elles en ligne avec vos objectifs actuariels ?

En termes de produits financiers générés, nos objectifs ont été largement dépassés, avec des réalisations qui se sont établies à 4,15 milliards pour le RPC, ce qui correspond à un rendement de 5,3%. Une bonne partie de ces produits financiers résulte de la constatation de plus-values à la suite d’un allégement sur quelques valeurs cotées à la Bourse de Casablanca.

Pour le régime Attakmili (régime complémentaire à la retraite de base, ndlr), nos affiliés continuent, grâce une gestion financière dynamique du Fonds de Réserve, de bénéficier d’une rémunération exceptionnelle de leur épargne. En 2019, nous avons servi un rendement net qui avoisine les 7%.

- Dans un communiqué publié après la tenue de votre Conseil d’administration en date du 28 août, vous parlez des effets positifs des « opérations de financements innovants » qui ont permis à la CMR d’élargir son univers de placement et réaliser une meilleure performance de son portefeuille. Quelles sont justement ces opérations de financements innovants qui ont été réalisés par la CMR ?

Durant le dernier trimestre de l’année 2019, la CMR a procédé à l’acquisition, auprès de l’Etat, de cinq Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et d’un lot de bâtiments administratifs. Le montant global de cet investissement s’élève à 5,3 milliards de dirhams.

La réalisation de cette opération rentre dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie d’investissement validée par le Conseil d’Administration et qui vise, entre autres, une diversification des placements de la Caisse vers des supports d’investissement plus rémunérateurs comparativement aux marchés monétaire et obligataire.

- Combien représentent ces nouveaux investissements dans le portefeuille global de la Caisse ?

A fin août 2020, la part du portefeuille dédiée à ces placements « alternatifs » représente 6,9% du total du fonds de réserve du RPC.

- L’Etat compte recourir de plus en plus à ce type de mécanismes pour dégager de nouvelles marges budgétaires. La CMR a été le premier institutionnel du marché à accompagner le ministère des Finances dans cette démarche. Quel poids devrait prendre dans le futur ce type d'investissements dans les activités de placement de la CMR ? Et quels sont les projets ou secteurs qui vous intéressent le plus en tant qu’investisseur ?

La CMR est un investisseur institutionnel, constamment en quête d’opportunités d’investissement à fort rendement. Valeur aujourd’hui, le profil risque/rendement que présentent les compartiments classiques du marché financier (Bourse de Casablanca et Marché de la Dette) reste décalé par rapport aux niveaux exigés par la Caisse. Cette posture nous pousse, naturellement, à chercher d’autres alternatives de placement pour que la gestion financière puisse mieux jouer son rôle dans le financement des régimes et contribuer, significativement, à leur pérennité.

Nous considérons que le recours de l’Etat aux financements innovants constitue une réelle opportunité pour le marché financier, notamment, dans ces temps où les rendements obligataires sont à leur plus bas historique et que les conditions d’une reprise pérenne de notre marché boursier ne sont pas encore claires pour le moment.

Aujourd’hui, nous disposons d’une marge de placement que nous comptons exploiter pour se positionner sur des opportunités issues de ces mécanismes de financements innovants. La CMR ne manquera pas d’analyser, dans le respect de la réglementation et de ses processus de gestion, toutes les opportunités d’investissement proposées dans ce cadre.

- Le Conseil d’administration a approuvé la décision de transfert des actifs immobiliers acquis par la CMR dans le cadre de ces opérations de financements innovants à des OPCI. De quels actifs s’agit-il ? Et quel est l’objectif de ce transfert ?

Le projet de création des OPCI « dédiés » porte sur le transfert des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et des bâtiments administratifs acquis, l’année dernière, par la CMR auprès de l’Etat.

Cette décision fait suite à une réflexion approfondie que nous avions engagée et qui a permis de valider la faisabilité juridique, réglementaire et financière de l'opération ainsi que les modalités pratiques d'externalisation des actifs immobiliers précités.

- Comment va se dérouler cette opération de transfert ?

Nous venons d’enclencher le processus de sélection des sociétés de gestion qui seront mandatées pour gérer ces OPCI pour le compte de la CMR. Notre objectif est de boucler, avant la fin de l’année, cette importante opération qui va constituer, du point de vue de sa taille et du montage envisagé, une référence au Maroc.

- La crise du Covid a eu un impact très négatif sur le marché boursier qui enregistre à date d’aujourd’hui une contre-performance annuelle de -15%. Quelle incidence cette chute du marché pourrait avoir sur le portefeuille de la CMR et le rendement de son portefeuille ?

Nul doute, la crise sanitaire du Covid 19 aura un impact sur les portefeuilles actions. Mais pour notre cas, nous maintenons nos prévisions financières pour cette année avec un rendement cible aux alentours de 4,80%.

- C’est une prévision très optimiste. Comment comptez-vous atteindre ce niveau de performance qui est équivalent, voire même supérieur au rendement réalisé en 2018 (4,36%) ?

Notre portefeuille global reste bien exposé sur le compartiment obligataire qui joue un rôle d’amortisseur du choc observé sur le marché boursier. La structure du portefeuille des actions et la qualité des lignes le constituant nous rassurent aussi par rapport à un scénario catastrophique lié au risque de « faillite » de sociétés cotées et la constatation de pertes sèches.

Nous comptons également sur la poche de l’immobilier qui va commencer à contribuer, à partir de cette année, au rendement global du portefeuille.

- Mais le krach du marché actions et la panique qui a été constatée dès fin mars n’ont elle pas un peu dégradé vos plus-values latentes ? Comment avez-vous justement réagi pendant cette période de panique ? Etiez-vous vendeurs ou avez-vous agit comme contrepoids pour limiter la chute du marché ?

En tant qu’investisseur institutionnel, l’horizon de placement de la CMR permet d’atténuer la pression que pourrait subir un autre investisseur quand le marché est baissier. Au contraire, cette situation pourrait être l’occasion pour saisir des opportunités d’implémentation sur des valeurs saines et jugées créatrices de richesses sur le long terme.   

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