Paiement mobile: pourquoi l'activité peine à décoller, selon les opérateurs
Les 360.000 wallets déjà ouverts ne satisfont pas l'appétit des opérateurs du paiement mobile. Ceux-ci relèvent plusieurs freins au développement de cette activité au Maroc, dont la réticence des commerçants et le retard de l'interopérabilité.
Le retard observé dans le décollage du paiement mobile au Maroc ne satisfait pas divers opérateurs du secteur. Selon certains d’entre eux, réunis ce 3 octobre à Casablanca dans le cadre du lancement du cycle de conférences "Digital Act" organisé par Inwi en partenariat avec l'Agence de développement du digital, le dernier chiffre avancé par le Wali de la Banque centrale Abdellatif Jouahri, faisant état de 360.000 wallets opérationnels à travers tout le Maroc, reste très en deçà des attentes.
Selon eux, les causes de cette frilosité sont intrinsèquement liées à deux éléments. Le premier est le retard de la mise en place de l’interopérabilité, sur laquelle Bank Al-Maghrib travaille toujours en collaboration avec d’autres parties prenantes. Le second élément est, bien entendu, l’absence du paiement mobile commerçant, véritable pilier de ce chantier et qui, en théorie, permettra l’absorption d’une part importante du cash en circulation.
"Avec l’interopérabilité, la volonté des commerçants à accepter le paiement mobile est déterminante pour la réussite de celui-ci au Maroc", a indiqué Said Amrani, Président de la fédération Tijara 2020.
Celui-ci rappelle comment les commerçants ont mal accueilli le chantier de l'instauration de l'obligation de l’ICE (identifiant commun de l'entreprise) dans les factures, et estime que bon nombre d’entre eux voient en le paiement mobile un nouvel outil de traçabilité et de pression fiscale, plutôt qu’un moyen pour éviter les pertes et les risques liés au cash. Avec un tel scepticisme de la part des commerçants, le paiement mobile risque de ne pas décoller de la façon souhaitée.
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Au-delà de ces facteurs , Yassine Sekkat, Directeur Associé de McKinsey, estime pour sa part que les wallets opérationnels, pour la plupart des wallets bancaires à présent, ne sont pas arrivés à capter une population importante pour amorcer un bon démarrage de l’activité. Pour lui, cela revient aux mêmes raisons liées au taux de bancarisation faible du Maroc.
"Il y a tout d’abord un facteur lié à la réputation des banques", souligne Yassine Sekkat. "Une tranche de la population est encore assez méfiante vis-à-vis de celles-ci".
Pour lui, les banques qui se positionnent sur le paiement mobile cherchent encore leur place dans ce chantier : 'Il n’y a pas aujourd’hui une seule banque qui a véritablement trouvé comment se positionner sur cette activité. Elles ont été courageuses de franchir le pas, elles ont joué le jeu par rapport à ce que demandait la Banque centrale, mais il n’y a pas eu véritablement de décollage", avance-t-il.
Il ajoute : "Les banques aujourd’hui n’ont trouvé ni l’offre adéquate ni ce qu’on appelle le go-to-market adéquat, car la manière avec laquelle elles doivent servir un client non bancarisé n’est pas la même avec laquelle il faudra servir un client déjà bancarisé. Le premier est méfiant, et se demandera ce qu’un wallet bancaire lui rapportera et ce qu’il lui coûtera".
Selon lui, cette méfiance vis-à-vis du système bancaire devrait jouer en faveur des nouveaux acteurs du paiement, à savoir les établissements de paiement et plus spécifiquement, les opérateurs Télécom : "Ces opérateurs viennent courageusement bousculer les banques, qui ont surtout peur des opérateurs Télécom et leur clientèle massive non bancarisée".
D’une autre part, si les banques n’ont pas réussi à bancariser une importante trange de la population, c’est parce qu’elles tablent encore sur la présence physique: "Financièrement, construire des agences, payer des employés, faire du cash-in et du cash-out dans les agences coûte cher. Une banque ne peut pas non plus réussir à être partout géographiquement", souligne Yassine Sekkat.
Le mobile, quant à lui, avec ses 130% de taux de pénétration, est présent partout : "Et comme on n’aura plus à ouvrir des agences qui coûtent cher, les gens paieront donc beaucoup moins pour avoir accès aux services financiers. Le paiement mobile a plus d’avantages que le modèle financier classique pour inclure une plus grande tranche de la population dans le circuit financier", ajoute-il.
C'est dire que les établissements de paiement représentent le véritable jalon du chantier, et qu'ils représentent les acteurs qui pourront véritablement intégrer une bonne partie de la population au circuit financier formel. Pour les banques, le paiement mobile restera un moyen de paiement pour la population bancarisée.
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