Introduction en bourse de Immorente: ce qu'en pensent analystes et investisseurs
Les avis divergent quant à l'opportunité de souscrire à l'IPO de la foncière Immorente Invest. Une chose est sûre : cette opération intéresse les investisseurs institutionnels plus que les petits porteurs. Analyse.
Immorente Invest propose un nouveau type d’investissement. Son introduction permettra de lancer une nouvelle classe d’actifs sur la cote casablancaise.
Pour rappel, Immorente Invest, filiale de CFG Bank, est une société d’investissement ayant pour objet d’acquérir ou de construire des actifs immobiliers professionnels destinés à la location.
400 millions de DH seront levés dans le cadre de son introduction à la bourse de Casablanca, sur la base d’un prix d’émission par action de 100 DH, pour financer sa croissance.
Peu avant le début de la période de souscription, qui s’étalera du 23 au 26 avril 2018, une question se pose : faut-il souscrire ou pas ? Nous avons interrogé quelques analystes et investisseurs.
A titre d'exemple, BMCI Bourse estime que le marché de la location immobilière professionnelle est naissant. Ainsi, la demande est en nette croissance dans ce secteur.
Pour leur part, les agrégats bilanciel sont en amélioration. La rentabilité économique et financière prévisionnelle affiche un TCAM (taux de croissance annuel moyen) respectivement de 3,5 pts et 0,9 pts à l'horizon 2021. De plus, la société de bourse trouve que la continuité de la stratégie d’investissement est assez prometteuse.
Mais in fine, souscrire ou pas ? Pour le moment, les analystes de cette société de bourse préfèrent ne pas se prononcer.
L’IPO de Immorente, une opération pour les institutionnels ?
Contacté par LeBoursier, un analyste appartenant à une grande banque d'affaires de la place, préférant s’exprimer sous couvert d’anonymat, nous a déclaré que "l’activité de Immorente Invest est nouvelle pour le marché. Et malgré la simplicité du modèle économique, elle est un peu difficile à comprendre".
Ainsi, selon notre analyste, "les institutionnels seront beaucoup plus intéressés par cette opération que le grand public".
Et d’ajouter : "Ce sont des investisseurs avisés, qui ont les moyens de bien comprendre ce type de modèle, beaucoup plus que les personnes physiques".
"A moins que le réseau placeur fasse un excellent travail de vulgarisation, ce qui reste toujours possible’’, souligne notre interlocuteur.
La difficulté du modèle réside en grande partie dans "l’absence d’un cadre réglementaire adéquat à l’activité de la société", rappelle notre analyste.
La foncière n’a toujours pas de comptabilité propre à son activité. La comptabilité générale "ne reflète pas les performances économiques de la société puisqu’elle impose, par exemple, de passer des dotations aux amortissements sur les actifs immobiliers détenus même s'ils ne constituent pas des immobilisations. Ces dotations sont importantes et font baisser le résultat net", continue-t-il.
"En adoptant une comptabilité appropriée, comme c’est le cas en France et aux Etats Unis, la société ne sera pas obligée de passer des dotations aux amortissements sur ses actifs, et donc le résultat réel sera beaucoup plus important’’.
C’est une valeur de rendement
Notre analyste trouve que "d’après ce qui se dit sur le marché, le cours n’aura pas vraiment tendance à augmenter rapidement. C’est beaucoup plus le rendement qui sera intéressant. Grosso modo, il s’agit d’une valeur de rendement’’.
Plus profondément, "le cours a besoin de catalyseurs assez spécifiques pour pouvoir prendre de la valeur par la suite. Il faut que les spéculations tournent autour de l’amélioration du rendement. Il faut également que les investisseurs fassent des arbitrages entre les différentes classes d’actifs détenus par la société pour anticiper le rendement''.
"Il ne faut pas trop s’attarder sur l’historique de la société"
D’après un directeur chez un investisseur institutionnel de la place, "cela fait très longtemps qu’on n’a pas assisté à une introduction, du coup il y aura naturellement un engouement pour l’IPO de Immorente". Et de continuer : "Les investisseurs attendent ce genre d’opérations avec impatience’’.
Pour leur part, "les fondamentaux économiques sont là", souligne notre interlocuteur en précisant que ce qui dérange un peu la place c’est le fait "qu’ il s’agit d’un secteur qui laisse les investisseurs un peu sceptiques vu la situation actuelle du secteur immobilier".
Pour le déficit qu’a connu la société pendant deux années consécutives (2016 et 2017), notre interlocuteur estime qu’ "il est lié à la phase de restructuration qu’elle a entamée et qu’elle compte continuer en intégrant le marché boursier, et ce afin de repartir sur des bases saines pour continuer son développement".
Il pense néanmoins qu’il ne faut pas trop s’attarder sur l’historique de la société. "Il faut voir ce qu’elle a mis comme moyens pour atteindre ses objectifs", continue-t-il.
"Certes, cette IPO n’est pas comparable à celle de Total Maroc ni à celle de Jlec [Taqa Morocco, ndlr], mais il y des investisseurs qui seront intéressés par cette opération", conclut-t-il.
Qu’en pensent les petits porteurs ?
L’administrateur du forum des petits porteurs (bourse-maroc.org) nous a déclaré que les petits porteurs n’arrivent pas à comprendre la façon avec laquelle sont présentés et les résultats et les prévisions.
Pour lui, "Immorente Invest a des spécificités au niveau comptable qui la rendent difficile à apprécier. Plus, elle distribue en puisant dans la trésorerie au moment où elle est déficitaire".
Il souligne : "Certes, c’est une valeur de rendement, mais le sien n’est pas vraiment réjouissant puisqu’on en trouve mieux sur le marché boursier marocain’’. Et d’ajouter : "Il y a des valeurs qui offrent en même temps un rendement et un potentiel de croissance". De plus, "il n’y pas une décote pour les petits porteurs afin de les encourager à souscrire".
Dans ce contexte, "la grande partie des petits porteurs, qui sont membres du forum, ne comptent pas souscrire à cette opération".
En somme, les avis sont partagés face à cette première IPO de l’année en cours.
>>Lire aussi: Déficit, absence de dividende… Immorente s’explique