Football: une cotation en bourse des clubs marocains est-elle envisageable?

Abir Labied | Le 21/11/2017 à 12:32

Les clubs de football marocains sont-ils en mesure d’intégrer la place Casablancaise? Quelles en sont les contraintes? Et qu’en est-il du statut juridique de ces clubs? La bourse peut-elle apporter de l'air (et de l'argent) frais au football marocain?

Par ailleurs, qu'en est-il de la performance boursière des clubs internationaux que nous pouvons prendre comme exemple? Es-ce une bonne affaire de miser son argent dans ces clubs? Réponses.

 

Au Maroc, il faut dire qu’il est trop tôt pour parler d’une cotation boursière des clubs de football. Ces derniers n’ont pas encore le statut d’une Société Anonyme (SA). En effet, la quasi-totalité des clubs sportifs marocains fonctionnent en «Association».

Néanmoins, la loi 30-09 relative à l’éducation physique et au sport, stipulant, entre autres, le passage des clubs du statut d’association à celui d’une Société Anonyme, a été adoptée par le parlement en 2010, et les décrets d’application ont été approuvés par le gouvernement.

En cette fin d'année 2017, les clubs ne sont toujours pas en conformité avec cette loi. «Cela fait presque 8 ans que ce projet traîne mais vu les contraintes liées à un certain nombre de paramètres, je pense que c’est tout à fait normal», affirme Redouane Tayfi, Expert-Comptable et chercheur dans le domaine de la gestion des clubs.

«Il faut qu’il y ait une mise à niveau des clubs, et la Fédération travaille sur ce chantier», poursuit-il.

Les contraintes entravant cette transformation des clubs de football marocains, selon M. Tayfi, concernent:

>Les aspects liés au respect du cahier de charges de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF);

>Les aspects liés à l’organisation et à la structure minimale dont doivent disposer les clubs;

>Les aspects liés à la «mentalité» des présidents et dirigeants des clubs. Ces derniers «ne sont pas vraiment pour cette transition pour le moment, étant donné la lourdeur de la charge fiscale que l’opération va engendrer», explique Redouane Tayfi.

«L’enjeu fiscal est de taille pour les clubs, aussi bien par rapport aux impôts «normaux» relatifs au fonctionnement des clubs que par rapport aux charges fiscales générées par l’opération de transformation elle-même de l’association vers la société sportive», ajoute-t-il.

Il faut rappeler qu’en étant une association, un club sportif  n'est pas tenu de payer l'IS. Par ailleurs, même les joueurs profitent de la situation "quasi-informelle" pour ne pas payer d’IR. En conséquence, cette transformation en Société Anonyme, permettra de formaliser les contrats des joueurs et toute autre procédure administrative. Ainsi, tous les impôts devraient obligatoirement être payés.

La première étape à franchir est donc tout d’abord la transition des clubs vers des Sociétés Anonymes avant de penser à une éventuelle cotation boursière.

Toutefois, l’obtention de ce statut n’implique pas forcement le droit des clubs à être cotés et à intégrer la Bourse de Valeurs de Casablanca (BVC). Ainsi, selon notre expert, il faudra entamer une prospection pour repérer les investisseurs intéressés par le fait de miser leur argent dans ces clubs. 

En effet, il est clair que la cotation en bourse dépendra de la disponibilité des investisseurs à acheter les actions du club.

Certes, la transformation des clubs en sociétés anonymes permettrait une meilleure gestion et gouvernance des clubs, mais le but ultime reste d’attirer les investisseurs privés dans le but de remédier aux difficultés financières des clubs.

Dans ce sens, M. Tayfi estime que la question de financement est la plus critique. «Il existe une corrélation, reconnue à l’échelle mondiale, entre la performance sportive et les moyens financiers dont peut disposer un club», affirme notre expert.

«L’objectif est de permettre un bon financement aux clubs, ces derniers ne doivent plus se contenter des moyens fournis par l’Etat mais rechercher des moyens de financement privé», poursuit-il. Ainsi, il est évident qu'une cotation en bourse sera favorable aux clubs de football marocains pour pouvoir se financer.

Toutefois, il faudra régulariser la situation financière des clubs afin qu'ils aient les conditions nécessaires d'intégrer la place Casablancaise. Il s'agit d'un vrai paradoxe.

Après l'éventuelle transformation en SA...

Après la transformation en société anonyme, «il s’agira d’une simple formalité», selon l’expert. 

Néanmoins, lorsqu'une société est cotée en bourse, elle fait un appel public à l’épargne. Autrement dit, il faut qu’il y ait un intérêt de la part des investisseurs.

Sur ce point, il est nécessaire de noter que ces investisseurs ne chercheront pas forcement une rentabilité. Il peut s’agir des personnes souhaitant aider le club à se développer.

Dans le même sillage, il faut dire que les difficultés financières ainsi que le surendettement de la plupart des clubs de football marocains n'ont pas l'air d'encourager les investisseurs cherchant la rentabilité, nous explique notre Expert.

«Encore une fois, je ne pense pas qu’on puisse prévoir plus de détails liés à la cotation en bourse pour les clubs de football marocains, pour le moment, vu que ce ne sont toujours pas des sociétés, il reste encore beaucoup de contraintes à lever» , ajoute notre expert.

Rappelons par ailleurs qu’une première phase de mise à niveau comptable et organisationnelle a été accomplie, celle de l’adoption du premier plan comptable dédié aux associations sportives.

Cotation en bourse des clubs de football internationaux: une bonne affaire?

A l’échelle international, l'indice STOXX Europe Football est l’indice le plus important couvrant tous les clubs de football cotés en bourse en Europe ou en Europe de l'Est, en Turquie ou dans la région élargie de l'UE. L'indice représente avec précision l'ampleur et la profondeur de l'industrie du football européen.

A la date du 20 novembre 2017, le STOXX Europe Football compte 22 clubs : trois clubs italiens (As Roma, Juventus de Turin et Lazio de Rome), trois clubs portugais (Sporting, Porto, Benfica), un club allemand (Dortmund), un club français (Olympique Lyonnais), cinq clubs danois, quatre clubs turcs, un club anglais (Manchester United qui est coté à la bourse de New York également) et d’autres.

Il est à noter qu’en 2000, le Royaume-Uni comptait 12 clubs cotés en Bourse. Aujourd'hui, il n'en reste plus qu'un seul : Manchester United.

Quant à la performance de cet indice, celle-ci est remarquable sur le graphique ci-dessous. En effet, entre le mois de novembre 2016 et celui de 2017, l'indice a suivi une trajectoire haussière pour atteindre son peak point (122 euros) en septembre, après avoir atteint son plus bas niveau (90 euros) en décembre en 2016.

Par ailleurs, le "Year To Date" reflète une évolution favorable de l'indice en affichant, ce lundi  20 novembre, une variation positive de 12,57%.

Source: STOXX Innovative Global Indices

 

 KPMG analyse la performance boursière des clubs 

En février 2017, KPMG, l’un des plus grands cabinets internationaux d’audit, a publié son analyse liée à la performance boursière des clubs de football de sept pays (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Turquie et Royaume-Uni), au titre de l’année 2016.

 

D’après le cabinet, dans certains cas, les performances des clubs sur le terrain se reflètent sur le prix de leurs actions. A titre d'exemple, la Juventus de Turin a remporté son cinquième titre consécutif en série A. L'équipe  a également vu sa performance boursière s'améliorer de 15,8%.

En revanche, Manchester United n'a pas réussi à se qualifier pour la Ligue des champions de l'UEFA 2016/17 malgré des résultats impressionnants. Cette situation s’est reflétée sur son cours boursier qui a reculé de 20%.

Par ailleurs, SL Benfica était un bon exemple de l'absence de corrélation entre la performance sur le terrain et la performance boursière d'un club. En effet, en dépit d'une augmentation de 24% de ses revenus d'exploitation, de son titre national 2015/16 et d'une bonne performance sur la scène internationale, le cours de l'action portugaise a en réalité baissé de 5,8%.

Sauf quelques exceptions, le grand cabinet international estime que les actions des clubs de football ne sont pas liquides, elles deumeurent stagnantes. 

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