Omar Balafrej: “Je dérange la classe politique parce que j'insiste sur la reddition des comptes”

L’entrée en bourse de Marsa Maroc dénoncée par le député de la FGD a remis sur le devant de la scène l’utilisation des réseaux sociaux qui échappent parfois aux hommes politiques. Omar Balafrej annonce qu’il continuera à s’exposer malgré les risques de critiques et d’interprétations faussées.

Omar Balafrej: “Je dérange la classe politique parce que j'insiste sur la reddition des comptes”

Le 10 février 2017 à 18h12

Modifié 11 avril 2021 à 2h39

L’entrée en bourse de Marsa Maroc dénoncée par le député de la FGD a remis sur le devant de la scène l’utilisation des réseaux sociaux qui échappent parfois aux hommes politiques. Omar Balafrej annonce qu’il continuera à s’exposer malgré les risques de critiques et d’interprétations faussées.

Il occupe de plus en plus une partie de l’espace médiatico-politique, grâce à des initiatives qui paraissent originales ou inédites.

Ce jeune député, bien né dans les grande et petite familles de la gauche, bien formé, portant beau et inspirant confiance, se positionne comme le Monsieur Propre, hors système, soucieux de la reddition des comptes.

Mais avec sa manière de se mettre en scène, les critiques ne manquent pas. N’est-il pas trop amateur de buzz? Est-il toujours sincère dans sa démarche? Ne prend-il pas la grosse tête?

Sa devise en dit long: Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront [René Char]. En d'autres termes, on ne réussit pas dans l'espace public en rasant les murs.

Entretien.

 

Médias24: Comment est reçue votre initiative de diffuser vos podcasts politiques?

Omar Balafrej: Les retours sont très bons en termes de vues sur Facebook, et c’est même impressionnant car je ne m’y attendais pas. Je reçois des centaines de messages et de propositions de questions à poser au gouvernement. L’objectif de mobiliser est donc très largement atteint.

-Utiliser les réseaux sociaux est une manière d’occuper l’espace médiatique…

-Mon but n’est pas de l’occuper mais surtout de rendre des comptes et de continuer à mobiliser chaque semaine nos militants et sympathisants sur l’action parlementaire.

Ce n’est pas une action individuelle mais collective. Mon mandat de député me permet d’interpeler le gouvernement et je mets à contribution tous les spécialistes qui me suggèrent des idées. Pour y arriver, je lis soigneusement leurs propositions avant de m’assurer qu’elles sont crédibles et exploitables.

-Comment s’opère le tri sachant que les réseaux sociaux regorgent d’experts anonymes?

-Le problème ne se pose pas en termes d’experts, mais plutôt par le fait qu’il y a une quantité énorme de sujets qui clochent dans notre pays. Le malheur, c’est que dans tous les secteurs d’activité, il y a des problèmes qui méritent d’être soumis au gouvernement pour lui demander des comptes.

-Quel sujet justifie plus que d’autres une interpellation du gouvernement?

-Lors de la campagne électorale de 2015, nous avions plus de 400 bénévoles avec des compétences affirmées dans le domaine économique, social, financier, sectoriel et j’en passe.

Depuis un an et demi, je mets donc à profit ces profils pour me suggérer des dossiers sur lesquels me pencher.

-Vous avez donc une armée de lanceurs d’alerte?

-Pas vraiment, mais ce sont des compétences qui travaillent dans différents secteurs qui disposent d’informations fiables. Beaucoup sont des militants et certains sont même des journalistes qui sont frustrés de ne pas recevoir de réponses convaincantes à leurs questions aux ministres.

-Vous avez accusé le ministre Boussaid de ne pas avoir répondu à votre question sur Marsa Maroc mais sans vous assurer qu’il avait bien reçu la question et sans attendre le délai légal de réponse. Et sachant de surcroît qu’il n’y a pas de questions-réponses dans cette période transitoire…

-Contrairement à ce qui se dit, je n’ai jamais avancé qu’il avait refusé de me répondre, mais simplement qu’il ne l’avait pas encore fait depuis le dépôt de ma question le 30 janvier dernier.

- La raison de son absence de réponse à votre question sur l’introduction boursière de Marsa Maroc s’explique par le fait que le président de la Chambre basse ne lui a pas transmis votre requête.

-Je n’étais pas censé le savoir.

-A qui la faute alors?

-En tant que parlementaire qui veut interpeler un ministre, je dois déposer ma question au bureau du président avant d’obtenir un accusé de réception que je garde précieusement. Les dates que j’ai mises en ligne dans mes vidéos sont donc incontestables. A partir de là, le bureau du président doit la transmettre au Chef du gouvernement qui la remet à son tour au ministre concerné.

Je ne connais pas les dessous de la mécanique en question mais ce que je sais c’est qu’une fois transmise, le ministre dispose de 20 jours pour répondre à ma question. Aujourd’hui, il faut demander à Boussaid s’il ne l’a toujours pas reçue ou si elle est finalement arrivée à bon port.

-Vous reprochez pourtant à Médias24 d’avoir titré sur les dénégations de Boussaid après vous avoir auparavant donné la parole?

-Ce n’est pas un reproche mais votre titre “le gouvernement n’a pas reçu de question de la part du député Balafrej“ me fait passer pour un menteur. Vous auriez pu ajouter que je l’avais bien transmise en m’interrogeant aussi, sachant que je peux vous produire un accusé de réception.

Ce n’est pas dramatique car grâce à cet incident dû au bug du Parlement ou du Chef du gouvernement, le ministre dont je ne remets pas en cause la parole est au courant.

-La communication sur les réseaux sociaux peut donc entraîner un emballement et des quiproquos?

-Ce qui importe, c’est que cela a permis à la machine de se mettre en branle. Tout le monde qui s’est mis à communiquer dont Attijari Finances Com qui a déclaré que l’introduction de Marsa Maroc avait respecté les procédures. Ce n’est pas la forme qui compte mais plutôt le fond du dossier.

Je considère cependant qu’un ministre responsable aurait dû venir de sa propre initiative expliquer à l’opinion publique cette affaire d’introduction en bourse. Bradée ou pas, Marsa Maroc montre que nos décideurs politiques ne respectent pas les journalistes indépendants car quand ils posent une question gênante, les ministres préfèrent botter en touche.

Si je peux jouer ce rôle, je ne vais pas me gêner même si ce n’est pas ma mission principale mais si je peux les obliger à répondre au Parlement, je le ferai pour qu’ils rendent les comptes sur les grandes questions qui se posent et auxquelles a droit la nation.

-Dénoncer l’achat de voitures sur le budget de la culture par la ville de Rabat dont vous êtes élu, n’était-il pas une erreur, sachant que leur entretien coûtait autant que de renouveler le parc auto?

-La politique est une affaire de priorités et je persiste à dire que si nous n’avons pas les moyens de financer des actions culturelles ou la réfection des routes, il ne fallait pas acheter des voitures neuves.

-Vous ne répondez pas à la question?

-Au risque de me répéter, l’argent public n’est pas un puits inépuisable et si les voitures coûtaient trop cher à entretenir, les élus n’avaient qu’à prendre des taxis. On décide des priorités en fonction des budgets dont on dispose.

-Il vaut donc mieux continuer à consacrer 2 millions de dirhams par an à l’entretien des vieilles voitures?

-S’il n’y a pas d’argent à investir dans la culture, les vice-présidents n’avaient qu’à faire des sacrifices et à utiliser les transports publics jusqu’à ce que le budget permette d’acheter de nouvelles autos.

-N’est-ce pas une démarche populiste de votre part que vous dénoncez chez les autres?

-Absolument pas car l’argent s’est débloqué par la suite. Si le budget de la maintenance était trop élevé, c’est d’abord parce que le transport des vice-présidents revenait trop cher.

Je ne suis pas un populiste car je considère que le maire et ses adjoints doivent avoir les moyens de remplir leurs missions, mais pas au détriment de choses essentielles comme la culture.

Ils ne peuvent pas prétendre que le budget est limité alors qu’en 2016, 300.000 DH ont été dépensés en voyages par le maire et deux de ses adjoints. N’était-il pas plus opportun de les mettre ailleurs sachant que les besoins sont énormes?

-Vos dénonciations récurrentes sur les réseaux sociaux ne peuvent-elles pas se retourner contre vous à terme?

-On verra avec le temps mais ma démarche actuelle est de pousser les décideurs à rendre des comptes car ils n’ont malheureusement pas pris l’habitude de le faire dans notre pays.

Je rends des comptes à ma manière, et peut-être que je commettrai des erreurs, mais j’ai au moins le mérite de faire entrer la reddition des comptes dans nos mœurs politiques.

-Arborer le selham d'Abderrahim Bouabid à la rentrée parlementaire n’était pas une erreur de communication au regard des réactions négatives de certains membres de la famille du défunt?

-Je ne m’étendrai pas sur la réaction d’un membre de la famille Bouabid. Cette dernière n’est pas constituée que d’une seule personne et je vous invite donc à recueillir les réactions du reste de la progéniture du défunt.

Je refuse de taper en dessous de la ceinture, et de faire du mal, même si j’ai été très touché par la réaction d'Ali Bouabid qui fait partie de ma famille.

-N’est-ce pas vous qui avez pris le risque de vous exposer?

-Je l’ai fait et je continuerai à le faire car je suis fier du selham d'Abderrahim Bouabid donné à mon père qui était non seulement son médecin personnel, mais aussi un grand ami du défunt.

Je le remettrai si l’occasion se présente, car c’est un motif de fierté pour moi.

-Et un outil de communication?

-Pas du tout, pour moi cet objet revêt avant tout une forte portée symbolique. La politique est aussi faite de symboles et pas seulement de discours.

Quand je me suis exprimé sur l’affaire du Sahara au Parlement, j’ai dit que j’étais très ému car il y avait une photo de Mehdi Ben Barka (1er président du Parlement) et parce qu'Abderrahim Bouabid avait pris des positions courageuses sur ce sujet malgré la répression dont il a fait les frais.

Ce qui est important, c’est le message car la forme ne fait que servir le fond et pas le contraire.

-La forme peut parfois dévoyer le message envoyé via les réseaux sociaux?

-Si cela doit se retourner contre moi, tant pis, car j’assume totalement mes actions initiées de bonne foi. Ma présence sur les réseaux sociaux n’est qu’un outil parmi d’autres pour favoriser la reddition des comptes car nous organisons aussi des rencontres directes avec les citoyens pour recueillir leurs doléances.

Ce qui dérange vraiment les acteurs politiques classiques, ce n’est pas la forme de mes actions sur les réseaux sociaux, mais plutôt le fait qu'elles les obligent à rendre systématiquement des comptes à la nation. 

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