La baisse des prix du pétrole suscite des interrogations sur l'avenir de l'Algérie

Dans l'attente d'un hypothétique rebond du baril, l'Algérie se trouve, à l'unanimité des experts et observateurs, dans l'obligation de rectifier ses prévisions et ses plans dans les domaines économique et social, dans la crainte d’un scénario de faillite similaire au choc pétrolier de 1988.  

La baisse des prix du pétrole suscite des interrogations sur l'avenir de l'Algérie

Le 2 décembre 2014 à 16h06

Modifié le 2 décembre 2014 à 16h06

Dans l'attente d'un hypothétique rebond du baril, l'Algérie se trouve, à l'unanimité des experts et observateurs, dans l'obligation de rectifier ses prévisions et ses plans dans les domaines économique et social, dans la crainte d’un scénario de faillite similaire au choc pétrolier de 1988.  

Le mot est lâché: le gouvernement Abdelmalek Sellal est "au pied du mur" à cause de la chute vertigineuse des cours mondiaux de l'or noir. Une mauvaise nouvelle qui vient épaissir les doutes sur la santé de l'économie nationale, dont le tableau de bord présente des voyants au rouge.
En deux ans (octobre 2012/octobre2014), l'excédent commercial de l'Algérie a fondu des trois-quarts, à cause d'un tassement des recettes pétrolières et la forte hausse des importations, qui établissent de nouveaux records d'année en année. Du coup, c'est la balance des paiements extérieurs, autrefois largement excédentaire, qui est devenue déficitaire de 1,32 milliard de dollars au premier semestre 2014, selon les chiffres de la Banque centrale.


Et par ricochet, les réserves de devises algériennes sont passées de 194 milliards de dollars à la même période de référence de 2013 à 193,26 milliards à fin juin dernier. Certes, il s'agit d'une baisse légère, mais c'est un fait rare qui n'est plus arrivé depuis des années. Il pourrait annoncer des "jours sombres".
"Les plus raisonnables parmi les experts mondiaux nous annoncent des années insupportables et certaines voix parmi eux ne craignent pas de prédire un prochain scénario des années 80 quand le pétrole vint soudainement à chuter", écrit le célèbre chronique algérien Mohammed Benchicou.
En parlant d'un "malaise" dans les finances des pays producteurs de pétrole, dont fait partie l'Algérie, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) vient de donner plus de crédit au pessimisme à la communauté des experts locaux, dépités par l'impassibilité du gouvernement censé, de leur point de vue, plancher dès à présent sur la préparation de la période post-rente.

"La chute du prix du baril d'environ un tiers depuis le début de l'été est problématique pour beaucoup de pays producteurs, qui ont besoin d'un cours de l'or noir élevé pour financer leurs dépenses", a affirmé l'AIE dans son dernier rapport mensuel.
Alors que les cours devraient se stabiliser dans la fourchette 60-65 dollars aux court et moyen termes, l'Algérie a, par contre, besoin d'un baril de plus de 100 dollars pour maintenir ses équilibres budgétaires et préserver sa position financière extérieure, sérieusement fragilisée depuis l'année dernière par la diminution des rentrées du pétrole et du gaz.
Afin de juguler cet imprévu, le gouvernement Sellal devrait nécessairement pomper dans le Fonds de régulation des recettes (FRR), une sorte de matelas financier servant à pallier les retournements de marché à court terme. Ce qui veut dire que l'Algérie puiserait dans ses économies.

Loin de convaincre les économistes et les scrutateurs qui veulent plutôt une réforme de fond en comble du système économique, cette "solution de facilité" accentuerait la pression sur ce "bas de laine", qui a commencé à fondre comme neige, depuis plusieurs mois, sous l'effet des décaissements dirigés vers la couverture du déficit budgétaire.
Au premier semestre 2014, le Fonds de régulation, dont la viabilité dépend étroitement des recettes des hydrocarbures, a enregistré une baisse d'un peu plus de 6 milliards de dollars, d'après une note de conjoncture de la Banque centrale.
Pour l'économiste et expert en énergie, Mustapha Mekideche, "si on ne fait pas de rationalisation budgétaire (...) on risque de se retrouver avec la nécessité d'aller à l'endettement d'ici quelques années", sans pour autant savoir "quand est-ce qu'on en sortira".

Un autre expert, Chemseddine Chitour, estime que pour amortir l'impact de la chute des prix, les coupes budgétaires devraient être de l'ordre de 20 pc, ce qui nécessite, selon lui, "un travail de sensibilisation en direction de la population pour obtenir leur adhésion".
Or, c'est le grand dilemme auquel est confronté le gouvernement algérien. Car réduire le train de vie de l'Etat, qui "vit au-dessus de ses moyens", reviendrait à mettre en péril une fragile paix sociale assurée au forceps, à la faveur d'une politique de subventions à tout-va, particulièrement à un moment où plusieurs régions sont touchées par la grogne populaire pour moult raisons.

Un éditorialiste du quotidien "El Watan", gros tirage du pays, déplore que "malgré la situation critique, le pouvoir ne montre pas de signes d'affolement, alors qu'il a toutes les raisons du monde d'être inquiet", l'accusant d'avoir "vidé les caisses de l'Etat en distribuant à tout bout de champ l'argent afin d'obtenir la paix sociale et permettre de ce fait à son clan de prédateurs d'agir sans être dérangé".
"Il faut désormais se rendre à l'évidence, l'austérité qui était tant redoutée pointe le bout de son nez", lâche, désarmé, un commentateur du quotidien "L'Expression", qui se demande jusqu'à quand l'Algérie "continuera à se voiler la face" pour annoncer, comme le Venezuela, un autre pays producteur, "une restriction des dépenses publiques pour limiter la casse".

Aux yeux de l'éditorialiste "Liberté", l'équation est désormais toute simple: "aller franchement à une remise en cause de l'ordre politique établi, par ailleurs, en butte à une crise sans précédent, et lui en substituer un autre qui rendrait possible la construction d'une alternative économique et sociale viable, ou prendre le risque d'exposer le pays à plus de récession, donc à l'instabilité, voire au chaos".
Une remise en cause du modèle de gouvernance en vigueur semble très incertaine, à en croire l'analyse de Mohammed Benchicou qui lance: "Devant la perspective de faillite financière, le régime opte pour la sourde oreille et la fuite en avant. Surtout ne rien reconnaître de l'impasse qui nous attend. Ce serait reconnaître deux graves crimes de gouvernance infligés à ce pauvre pays".

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.