Comment le Maroc pourrait accélérer sa croissance selon la Banque Mondiale

EXCLUSIF. Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque Mondiale pour le Maroc, détaille les déterminants d’un saut qualitatif qui permettrait au Maroc de rejoindre la trajectoire de croissance des pays émergents d'Asie ou d'Europe centrale.  

Comment le Maroc pourrait accélérer sa croissance selon la Banque Mondiale

Le 11 mars 2014 à 17h25

Modifié 11 mars 2014 à 17h25

EXCLUSIF. Jean-Pierre Chauffour, économiste principal de la Banque Mondiale pour le Maroc, détaille les déterminants d’un saut qualitatif qui permettrait au Maroc de rejoindre la trajectoire de croissance des pays émergents d'Asie ou d'Europe centrale.  

Dans une présentation récente lors du Forum de Paris à Casablanca, Jean-Pierre Chauffour avait  exploré les différents chemins de croissance qui s’offrent au Maroc sur les 20 prochaines années.

Le diagnostic de croissance

Le Maroc a connu une croissance modérée au cours des 50 dernières années.

Alors que le revenu par habitant a doublé au cours des 30 années qui ont suivi l’indépendance du pays, cette croissance s’est traduite par l’accumulation de déséquilibres économiques et financiers importants qui se sont révélés insoutenables.

La mise en œuvre d’une politique d’ajustement structurel au cours des années 80 a permis de corriger les déséquilibres accumulés et de ce fait les années 90, loin d’être une «décennie perdue», ont préparé les conditions d’un renouveau économique.

Ainsi, depuis 2000, aidé par la croissance mondiale, le revenu par habitant croît à nouveau en moyenne de 3,6% par an.

Ces performances économiques, quoique correctes, n’ont cependant pas permis au Maroc de réaliser un rattrapage économique durable comme l’ont fait d’autres pays émergents en Asie du sud-est ou en Europe centrale et orientale.

Les contraintes à une croissance plus forte

Le Maroc n’est pas encore arrivé à atteindre une phase d’industrialisation suffisante, selon Jean-Pierre Chauffour. Alors que dans les pays d’Asie du sud-est, le secteur manufacturier a représenté jusqu’à 30% du Produit intérieur brut (PIB) dans leur phase de rattrapage, au Maroc, il a plafonné à 17% dans les années 80 et a baissé à 14,5% en moyenne sur la période 2000-2013.

Or, c’est l’industrialisation qui apporte les gains de productivité nécessaires à une croissance forte et durable. Au Maroc, ces gains de productivité ont été insuffisants, si bien que l’effort d’investissement – le pays investit près de 35% de son PIB par an depuis plusieurs années – peine à se traduire en croissance rapide.

Cette absence de gains de productivité a engendré une perte de compétitivité extérieure qui est à l’origine d’une stagnation du Maroc en termes de parts de marché du commerce international. Depuis le milieu des années 70, les exportations marocaines oscillent autour de 0,15% du commerce mondial.

Les nouveaux métiers mondiaux du Maroc (NMMM) sont des secteurs porteurs dont les performances sont encourageantes, mais leur poids dans le tissu industriel marocain est encore trop faible pour être représentatif. Dans le même temps, les pays d’Asie du sud-est, grâce à une politique active de conquête des marchés, ont gagné la moitié des parts de marché perdues par les pays de l’OCDE depuis 30 ans.

Un des éléments importants de la compétitivité des produits marocains est leur prix à l’international. Or, on peut constater que face à la politique de taux de change agressive poursuivie par un certain nombre de pays émergents, le Maroc a préféré opter pour une politique de change fixe vis-à-vis des principales devises et a donc privilégié ce qu’on appelle le secteur des biens non-échangeables.

Pour simplifier, selon Jean-Pierre Chauffour, le Maroc a mené une politique qui a privilégié le développement des secteurs abrités, comme le bâtiment et la construction au détriment de l’industrie manufacturière.

Pourquoi en effet un investisseur marocain devrait-il se risquer à l’international avec toutes les contraintes, les efforts et les incertitudes que cela implique, alors qu’existe une alternative locale de profits à la fois plus immédiate et moins risquée? 

Ce choix de politique économique a eu d’importantes répercussions sur la transformation structurelle à long terme du pays. En effet, les secteurs à l’abri de la concurrence internationale ne sont généralement pas porteurs de gains de productivité importants. Le bâtiment et la construction notamment ne permettent pas d’absorber des technologies et des savoir-faire nouveaux. Il en résulte une orientation de l’économie qui n’est pas propice à un rattrapage accéléré, à l’emploi qualifié, et à l’amélioration rapide des conditions sociales.

Les conditions d’un rebond économique: l’"open society"

Selon Jean-Pierre Chauffour, la constitution de 2011 établit les fondations d’une société potentiellement plus ouverte et démocratique.

Elle renforce le cadre de gouvernance du pays à travers une plus grande séparation et un meilleur équilibre des pouvoirs et elle jette les bases d’une régionalisation et d’une décentralisation avancées comme système démocratique et décentralisé de gouvernance.

Les principes normatifs d’une société plus ouverte pourraient permettre au Maroc d’effectuer le saut qualitatif vers une société durablement plus prospère, inclusive et résiliente.

A l’image des pays qui ont réussi une croissance rapide en Asie du sud-est ou en Europe centrale et orientale, le Maroc pourrait accélérer sa transformation structurelle par une plus grande ouverture de la société. Ce concept de société ouverte est multidimensionnel et passe entre autres par :

-          l’accès et le droit à l’information comme instrument de transparence et de reddition des comptes de l’administration et des politiques économiques et sociales du gouvernement ;

-          une plus grande ouverture à l’international, y compris une plus grande flexibilité du régime de change et une plus grande ouverture du compte en capital avec la convertibilité totale du dirham en ligne de mire;

-          une plus grande ouverture du marché intérieur afin de lutter contre les situations de rente, en instaurant une concurrence libre et non-faussée et en continuant à libéraliser les secteurs protégés ;

-          une plus grande ouverture du marché du travail à ceux qui en sont exclus à travers une réglementation du travail qui soit plus favorable à l’emploi, qui cloisonne moins les secteurs public et privé, formel et informel et qui apporte plus d’opportunités à tous les Marocains, notamment aux femmes et aux jeunes ;

-          une ouverture du système éducatif: l’éducation étant une des contraintes majeures au développement du pays, le système éducatif doit s’ouvrir à plus de transparence et de reddition des comptes et à des structures alternatives d’éducation et de formation pour notamment revaloriser les filières de formation professionnelle et d’apprentissage à l’image des modèles allemand ou suisse.

Le thème de l’ "open society" sera le fil conducteur du Mémorandum économique sur le Maroc, étude que la Banque mondiale entend réaliser en partenariat avec les acteurs locaux tout au long de l’année 2014.

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