Comment la dette souveraine africaine est devenue le must have

Le marché de la dette souveraine Africaine connaît un remue-ménage important. Les investisseurs institutionnels du monde entier se bousculent pour souscrire aux émissions obligataires de pays africains jadis inexistants sur la scène financière mondiale.

Comment la dette souveraine africaine est devenue le must have

Le 29 décembre 2013 à 10h55

Modifié le 29 décembre 2013 à 10h55

Le marché de la dette souveraine Africaine connaît un remue-ménage important. Les investisseurs institutionnels du monde entier se bousculent pour souscrire aux émissions obligataires de pays africains jadis inexistants sur la scène financière mondiale.

Pourquoi une telle course aux titres souverains du continent noir? Les taux souverains anémiques de la dette des pays développés y sont pour beaucoup.

Ces derniers ont été maintenus à des niveaux très bas principalement en raison des politiques monétaires expansionnistes de la FED et de nos chers amis de la BCE. Pour animer des économies toujours aussi agonisantes, les banques centrales des pays développés n'ont eu pour corde à leur arc que l'achat massif de titres de dette souveraine, perfusant ainsi des liquidités salvatrices à l'endroit de leurs activités économiques. Seul bémol, ces perfusions ont entraîné une baisse importante des taux souverains.

De l'autre côté de la balance, on retrouve des fonds de pension, des fonds souverains et des assurances eux aussi mal en point et en recherche désespérée de rendements intéressants pour investir leurs excédents de cash.

Avides de taux et contraints par leurs politiques d'allocation stratégique (les obligeant à allouer une partie de leur portefeuille à des titres obligataires de pays émergents), ces derniers se sont massés sur les titres de dette souveraine Africaine.

Cet engouement s'en est aussi trouvé renforcé par le phénomène de mode lié à la fameuse "growth story" du continent africain. Tout le monde s'empresse pour prendre sa part du gâteau de ce continent jadis oublié qui commence depuis quelques années à apparaître sur le radar. Et comme dans le mouton, tout est bon!...

Cerise sur le gâteau, ces pays sont dotés d'importantes réserves naturelles, leurs titres de dette permettent une certaine diversification car moins corrélés avec les autres pays émergents et leurs conditions macro sont en constante amélioration. Voilà qui explique tout du moins en partie ce soudain regain d'intérêt pour la dette souveraine africaine.

 

Mais qu'en est t-il réellement de ce marché?

Au niveau de l'Afrique subsaharienne, on dénombre 13 émetteurs dont 10 ont un rating souverain et 3 ne sont pas notés. Ceux qui ne sont pas notés ne le sont pas car leur taille est trop petite (entre 100 M USD et 500 M USD) comparativement à des benchmarks comparables. Généralement, ces titres sont peu liquides ou se tradent sur la base de montants très faibles. Il est à noter que le rating est une condition sine qua none pour être inclus dans les indices de dettes souveraines des pays émergents. C'est un peu l'histoire de l'œuf et de la poule: pour être inclus dans ces indices, il faut bénéficier d'un rating et pour être liquides/attiser l'intérêt des investisseurs, il faut être inclus dans ces indices.

Encore une fois, on voit la puissance des agences de notation, ces mêmes agences qui avaient noté triple A des produits toxiques (ABS, MBS...) ayant entraîné le monde dans un marasme financier sans précédent en 2007. Bref sans commentaires!

Mais pourquoi les pays africains de leur côté se sont rués sur ce mode de financement? N'ont-ils pas suffisamment de ressources naturelles pour financer leurs économies? A notre avis, la cause la plus triviale est la volonté d'avoir un précédent souverain pour permettre aux corporates du pays d'avoir un benchmark et pricer leurs futures émissions obligataires à l'international.

Ce point est essentiel surtout que ces pays sont en chantier et que leurs marchés locaux n'ont pas assez de liquidité pour soutenir leur développement. Bien évidemment lors des roads-shows organisés pour marketer leurs émissions obligataires, ces pays ne mettent pas en avant ce dernier point. Ils vantent plutôt les mérites de la fameuse "growth story" africaine et de la stabilité de leurs économies alimentées par des ressources naturelles incommensurables. Ainsi, la volonté de financer leurs infrastructures est beaucoup derrière ces sorties obligataires.

Il est aussi important de pointer du doigt l'incapacité des marchés de dettes locaux à financer le développement de ces pays. Ces derniers sont généralement soient inexistants, illiquides, très court-termistes ou coûtent très chers.

Par ailleurs, les contraintes imposées par les financements des institutions officielles type BM, BEI ou BAD encouragent aussi ce mode de financement. Ces derniers sont assortis de conditions léonines et de clauses à la limite de l'ingérence dont beaucoup de gouvernements se passeraient volontiers.

Finalement, un peu dans le même ordre d'idée que la volonté de créer un précédent pour les entreprises du pays, les gouvernements cherchent aussi à augmenter leur base d'investisseurs et à promouvoir le brandname de leur pays.

Nous voilà donc sortis de la torpeur du pourquoi mais une dernière question subsiste: cet engouement va t-il durer? Est-ce qu'un peu comme le soutenait Pangloss dans Candide de Voltaire "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes"?

Un événement d'actualité vient troubler la fête: la FED a récemment annoncé sa volonté d'augmenter les taux directeurs. Les beaux jours des book building excessifs de titres de dette souveraine africaine seront peut-être bientôt révolus.

A notre avis, les rendements élevés resteront d'actualité mais les investisseurs se focaliseront beaucoup plus sur les fondamentaux. La différenciation sera un facteur clef dans la réussite des émissions futures.

Seuls risques potentiels: les demandes de financement des pays africains toujours aussi gargantuesques et les faibles maturités des émissions. Ces deux éléments peuvent entraîner un goulot d'étranglement sur les finances des pays africains dans les années à venir. L'histoire du marché des LBO en Europe et les risques de refinancement qu'il a entraînés en sont un exemple. Cependant, nous pouvons émettre autant de warning que nous voulons, l'histoire continuera très certainement.

En 2014, plus d'une dizaine de pays africains sont attendus sur le marché obligataire et les investisseurs internationaux seront très certainement au rendez-vous. Les titres de dette souveraine Africaine sont un must have!


 

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