Samir Bennis

Conseiller politique à Washington D.C., rédacteur en chef de Morocco World News.

UE, France : les raisons historiques et stratégiques de la défiance marocaine

Le 6 février 2023 à 17h37

Modifié 6 février 2023 à 17h52

La résolution que le Parlement européen a adoptée à l’encontre du Maroc le 18 janvier dernier montre à suffisance que la mentalité impérialiste des Européens n’a pas changé d’un iota et que les membres de ce club fermé ne peuvent pas concevoir une relation d’égal à égal avec le Maroc. 

Le Maroc vu de Bruxelles

Le ton de cette résolution, son timing et son caractère sélectif (point de résolution sur l’Algérie et la Tunisie) montre bien que certains poids lourds de l’UE, notamment la France, sont outrés par ce que leur mentalité néocoloniale les pousse à considérer comme des excès du Maroc et sa rébellion contre l’ordre qu’ils ont mis plus d’un siècle à établir.

Bien entendu, cet ordre ne peut accepter l’existence de relations gagnant-gagnant entre des Européens et un État comme le Maroc, ni que le Maroc puisse remettre en cause les fondements de cet ordre onéreux pour son économie et sa souveraineté nationale. Pour ces pays de l’UE, le Maroc, pourtant un des plus vieux Etats-nations du monde, ne devrait jamais songer à rivaliser avec les Européens, ni à prétendre avoir des ambitions régionales et internationales.

Vu de Bruxelles, donc, le Maroc est tout simplement un État satellite qui devrait suivre la ligne politique tracée par l’Europe et dont l’économie devrait à la fois servir de déversoir des produits européens à haute valeur ajoutée et de fournisseur de matières premières et de main-d’œuvre - qualifiée ou non - au monde dit développé, donc occidental ou européen. Tant que les relations entre Bruxelles et Rabat ont suivi cette ligne directrice, Européens et Marocains se portaient à merveille et les dirigeants européens n’avaient aucun mal à prononcer des discours alléchants sur les réformes politiques et les avancées économiques marocaines.

Le tort du Maroc, donc, est qu’il a osé remettre en cause l’ordre établi qui constitue un frein majeur à toutes ses ambitions économiques et sociales, ainsi qu’à ses intérêts stratégiques. Depuis plus d’une décennie, en effet, le Maroc affiche clairement sa volonté de réduire sa dépendance de l’UE à travers la diversification de ses partenariats stratégiques.

Le nouveau pari stratégique de Rabat

Les visites du Roi Mohammed VI en Chine et en Russie et la signature subséquente de partenariat stratégiques avec ces deux pays s’inscrivent dans cette perspective. Le renforcement des relations entre le Maroc, d’une part, et le Brésil, l’Inde et le Japon, d’autre part, s’inscrit aussi dans cette stratégie de diversification des partenaires lancée et chapeautée par le chef de l’Etat.

Or, le Maroc ne pouvait pas aspirer à jouer un rôle de premier plan sur l’échiquier politique régional et international sans réintégrer l’Union africaine, objectif accompli début 2017. Et comme on le sait, ce retour marocain en Afrique fut le couronnement de plus de dix ans de diplomatie royale, période durant laquelle le Roi Mohammed VI a sillonné l’Afrique et réalisé plus de 50 visites officielles.

Cette diplomatie royale a servi à la fois à préparer le terrain pour le positionnement des grands conglomérats marocains sur un marché africain juteux, prometteur et en expansion, mais aussi à convaincre certains poids lourds de l’Afrique, qui étaient auparavant acquis à la thèse algérienne sur le Sahara, de reconsidérer leurs positions.

A travers ces investissements dans plusieurs pays africains, les projets panafricains structurants qu’il promeut (comme le gazoduc Nigeria-Maroc-Europe) et le rôle que l’Office chérifien des phosphates (OCP) joue dans la réalisation de la sécurité alimentaire sur le continent, le Maroc ne cesse de faire montre de sa volonté de donner un vrai sens à la coopération Sud-Sud par la création et la promotion des partenariats gagnant-gagnant avec ses partenaires africains.

La duplicité européenne nourrit la lassitude marocaine

Dans le même temps, le discours politique de la diplomatie marocaine à l’égard de l’Europe depuis plus d’une décennie laisse transparaître une certaine lassitude marocaine vis-à-vis de la duplicité européenne en ce qui concerne la sacro-sainte question de l’intégrité territoriale du Royaume. La preuve en est que le Maroc a depuis peu commencé à se montrer intraitable avec tout pays qui dépasse les limites de la bienséance diplomatique ou chercherait par quelque moyen que ce soit à s’immiscer dans les affaires internes du Royaume.

L’année 2014 aura constitué un tournant décisif dans les relations Maroc-Europe, notamment dans la sphère diplomatique entre Paris et Rabat. En février de cette année, en effet, le Maroc décide de suspendre sa coopération judiciaire avec la France. Une décision prise après que sept policiers français se sont rendus à l’ambassade du Maroc à Paris et ont demandé à voir M. Abdellatif Hammouchi, qui était alors en voyage officiel en France.

Malgré l’entretien téléphonique que le président français d’alors, François Hollande, aura avec le Roi Mohammed VI, la coopération judiciaire entre les deux pays sera suspendue pendant 11 mois. La crise diplomatique qui en a résulté aura, sans aucun doute, laissé des traces profondes chez les Marocains. Depuis ce moment, les liens de confiance et de respect mutuels entre les chancelleries des deux pays semblent être rompus d’une manière difficilement réversible.

Entretemps, le Maroc a envoyé moult signaux aux pays membres de l’UE que le temps de l’indulgence et de la complaisance était révolu et qu’il ne saurait plus tolérer la duplicité européenne en ce qui concerne son intégrité territoriale. Le signe avant-coureur de cette nouvelle approche marocaine apparaît à l’automne 2014 à la suite de l’annonce, par le gouvernement suédois, de son intention de reconnaître la pseudo rasd. Face à une telle provocation, le Maroc décide de boycotter les produits suédois et de bloquer l’ouverture du premier magasin Ikea du Royaume. Cette intraitabilité marocaine va pousser la Suède à reconsidérer sa position et à reconnaître le rôle de premier plan que joue le Maroc sur l’échiquier régional.

La fermeté du Maroc s’est reflétée même sur le plan multilatéral, à la suite de l’ingérence de la Cour de justice européenne dans les accords d’agriculture et de pêche entre le Maroc et l’UE. A la suite de la décision par cette Cour d’annuler l’accord d’agriculture entre Bruxelles et Rabat, le Maroc décide de suspendre tout contact avec les institutions européennes. Depuis, les relations entre le Maroc et ses partenaires européens n’ont plus retrouvé leur niveau de confiance et de cordialité d’antan.

La confiance a ainsi cédé sa place à la méfiance - notamment du côté marocain - et le fossé de défiance entre les deux parties semble se creuser davantage. Il semblerait que plus le temps passe, plus le Maroc réalise des percées diplomatiques en ce qui concerne la question du Sahara, moins il se montre disposé à accepter les affronts de ses partenaires européens à son intégrité territoriale.

La reconnaissance américaine renforce la position de Rabat 

La reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara et l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de résolutions qui consacrent en filigrane l’approche marocaine, ont installé le Maroc dans sa fermeté, le poussant à exiger de ses partenaires européens d’éclaircir leurs positions sur la question du Sahara et de sortir de la zone grise dans laquelle ils se complaisent depuis des décennies.

A cet effet, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, n’a eu de cesse d’exiger des partenaires européens du Maroc de sortir de leur zone de confort et de se positionner clairement sur la question de l’intégrité territoriale du pays.

La fermeté marocaine atteint son paroxysme en 2021, lorsque Rabat décide de geler ses relations diplomatiques avec l’Allemagne et l’Espagne en raison de l’hostilité à peine voilée de ces pays à l’intégrité territoriale du Maroc. Dans cet épisode éminemment symbolique de la nouvelle attitude de défiance marocaine vis-à-vis de ses partenaires européens, Rabat n’a pas hésité à rappeler ses deux ambassadeurs et à suspendre tout contact avec les chancelleries allemande et espagnole, jusqu’à ce que celles-ci éclaircissent leurs positions respectives sur la question du Sahara.

Ce que la reconnaissance américaine a coûté à la France

Entretemps, la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara a non seulement donné un nouvel élan aux relations entre Rabat et Washington, mais elle a aussi signalé une volonté américaine de se repositionner en Afrique et de faire du Maroc le point d’ancrage de sa politique africaine.

Ce n’est pas par hasard que les Etats-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara. En fait, cette décision stratégique reflète le fond de la pensée de l’establishment américain sur deux choses fondamentales. La première : l’utopie ou l’impossibilité de l’établissement d’un État dans le Sud du Maroc. Et la seconde : le fait que la création d’un État fantoche et fragile dans les provinces du Sud nuirait aux intérêts stratégiques américains à court, moyen et long terme. Pour la consolidation de sa position économique et stratégique en Afrique, Washington a en effet plus que jamais besoin d’un allié fiable capable de sauvegarder la sécurité et la stabilité dans la fragile région sahélo-saharienne.

La signature en novembre 2020 d’un accord militaire de dix ans entre le Maroc et les États-Unis n’était donc pas une coïncidence. Bien au contraire, cette décision reflète l’importance du Maroc dans la sauvegarde des intérêts stratégiques américains en Afrique du Nord et subsaharienne. Mais ce nouveau souffle donné ainsi aux relations entre Rabat et Washington, a désagréablement surpris Paris, et ce pour deux raisons:

1- Pendant plus de cinq décennies, plus particulièrement depuis 1991, la France s’est prévalue de la carte du Sahara et du fait qu’elle soit quasiment le porte-voix du Maroc au Conseil de sécurité pour sauvegarder et consolider sa mainmise sur l’économie marocaine. Durant toute cette période, les Etats-Unis et la France ont été les seuls appuis du Maroc au Conseil de sécurité. Quand les Etats-Unis manquaient à l’appel - comme ce fut le cas en 2013 lorsque Washington avait présenté un projet de résolution hostile au Maroc -, la France joua les sapeurs-pompiers.

Depuis 2007, Paris ne cesse de clamer que le plan marocain d’autonomie constitue une base pour parvenir à une solution politique. Mais cette position reste néanmoins sans coût politique pour la France quant à ses relations avec l’Algérie. Car même si la France soutenait le plan marocain du bout des lèvres, elle s’est toujours gardée de dire très clairement qu’il constitue de fait la seule base pour mettre fin au conflit autour du Sahara.

Cette ambivalence lui permettait d’éviter toute crise diplomatique avec l’Algérie. Par ailleurs, la France était parfaitement consciente que son positionnement pouvait tout au plus maintenir le statu quo. Plus important encore, Français et Algériens étaient conscients que le seul pays capable de vraiment changer la donne était les Etats-Unis, porte-plumes des résolutions sur le conflit du Sahara et première puissance mondiale.

C’est donc dire que la reconnaissance américaine a complètement changé la donne en faveur du Maroc, privant ainsi la France de la carte dont elle s’est longtemps servie pour maintenir le Maroc dans son orbite. Depuis le 10 décembre 2020, date de la reconnaissance américaine, la France est soumise à une pression sans précédent de la part du Maroc pour clarifier sa position en emboîtant le pas des Etats-Unis.

2- En plus de mettre la France dans une position inconfortable en ce qui concerne la question du Sahara, la reconnaissance américaine a provoqué un bouleversement géopolitique qui laissera, à terme, un impact conséquent sur les intérêts de la France, non seulement dans le Maghreb, mais aussi dans le reste de l’Afrique subsaharienne. Depuis la fin du XIXe siècle, la France s’est toujours démenée pour maintenir le Maghreb sous son escarcelle et en faire le fer de lance de son empire colonial en Afrique subsaharienne. Quelque mois après sa prise de fonction, Théophile Delcassé, un des parrains majeurs de l’entreprise coloniale française, s’était fixé comme mission de jouer la médiation dans la guerre entre les Etats-Unis et l’Espagne autour de Cuba.

Le but ultime de cette démarche n’était pas d’épargner une humiliation militaire à l’Espagne, mais d’éviter que la guerre ne prenne une dimension disproportionnée et que le gouvernement américain décide de la porter au territoire péninsulaire de l’Espagne. Delcassé craignait donc que la présence de l’armée américaine dans les eaux de la Méditerranée ne contrarie les visées expansionnistes de la France sur le Maroc.

A un moment où la France ne s’était toujours pas relevée de la défaite militaire de 1870 des mains de l’Allemagne et de la perte de l’Alsace-Lorraine, et où régnait un climat de pessimisme au sein de l’élite politique française sur la capacité de son pays à retrouver sa respectabilité dans le concert des nations, le souci majeur de Delcassé était d’éviter que les Etats-Unis lui dament le pion et déjouent les desseins expansionnistes de la France au Maroc. Delcassé craignait d’autant plus la concurrence américaine sur le Maroc que l’Angleterre exerçait une influence politique et économique sans égal sur celui-ci et que l’idée d’une entente cordiale entre Paris et Londres sur l’affaire marocaine n’était pas encore à l’ordre du jour.

A l’issue de l’entente cordiale avec l’Angleterre en 1904 et la conférence d’Algésiras en 1906, la France va commencer à exercer une mainmise économique sans partage sur le Maroc. Cette politique - qui violait les dispositions de l’Acte d’Algésiras qui garantissait la sauvegarde des intérêts économiques des pays signataires sur un pied d’égalité avec la France - s’est heurtée au refus des Américains de renoncer à leurs intérêts économiques au Maroc. La preuve en est que tout au long du protectorat français et alors que le gouvernement français a cherché à circonvenir l’Acte d’Algésiras, les Etats-Unis s’en sont tenus à leurs intérêts économiques au Maroc découlant du traité signé entre les deux pays en 1836, ainsi que de l’Acte de l’Algésiras.

Alors que la Grande-Bretagne et d’autres pays signataires de l’Acte d’Algésiras renoncent à leurs intérêts économiques au Maroc, les Etats-Unis vont continuer à s’en tenir aux dispositions et du traité de 1856 quant à leur droit d’avoir des échanges économiques avec le Maroc et aux droits des Américains résidant dans le pays. Lorsque la France décide en 1948 de restreindre les exportations américaines au Maroc, le gouvernement américain va porter l’affaire devant la Cour internationale de justice, laquelle prononce en 1952 un jugement en sa faveur.

Passées ces années de la fraternité franco-marocaine

De l’indépendance du Maroc à la fin des années 2000, la France a réussi à occuper une place de choix dans l’économie marocaine. A l’époque, tout dans les relations France-Maroc était en faveur de Paris. Le dossier du Sahara était toujours dans l’impasse, et le Maroc avait du mal à réaliser des percées diplomatiques décisives. Et l’élite politique, économique et médiatique marocaine, pour la plupart formée dans les universités et grandes écoles françaises, considérait alors la France comme le seul allié fiable et capable de prêter main forte à Rabat en cas de besoin.

Plus important encore, la France était gouvernée par une classe politique mature pour qui, tout compte fait, le Maroc restait le meilleur garant des intérêts français au Maghreb et le seul allié fiable dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Beaucoup se rappellent encore comment Jacques Chirac, alors président de la France, s’est rangé corps et âme du côté du Maroc lors de la crise entre Madrid et Rabat autour de l’îlot de Leila en juillet 2002. Chirac est même allé jusqu’à demander au président du gouvernement espagnol d’alors de restituer au Maroc les enclaves de Ceuta et Melilla.

Par ailleurs, à un moment où l’option du référendum était en vogue au Conseil de sécurité et où l’envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU au Sahara, James Baker, exhortait ce dernier à imposer une solution dans ce sens aux deux parties, Jacques Chirac a soutenu le Maroc sans équivoque et s’est érigé contre toute tentative d’imposer une solution non négociée entre les deux parties. Bien plus, Chirac n’avait aucun mal à décrire le Sahara comme les provinces du Sud du Maroc ni à dire clairement que toute solution du différend sur le Sahara devrait nécessairement passer par un dialogue avec l’Algérie, et dans le respect de la souveraineté marocaine.

Jacques Chirac fut le dernier président français qui croyait vraiment en la "fraternité entre le Maroc et la France" et cherchait vraiment à corriger une des injustices majeures que les visées expansionnistes de son pays avaient causées au Maroc. Il était aussi le dernier président qui traitait le peuple marocain avec beaucoup d’égard et de considération.

Or avec l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, on assiste à l’arrivée d’une classe politique française qui n’a plus la même clairvoyance ni la même sympathie à l’égard du Maroc. Contrairement aux idées reçues, Sarkozy n’a jamais résolument soutenu le Maroc - que ce soit sur le Sahara ou sur d’autres questions stratégiques. C’est vrai que lorsque le Maroc a présenté son projet d’autonomie pour le Sahara en 2007, la France l’a soutenu et considéré comme base d’une solution politique du conflit.

Mais ce soutien n’était que du bout des lèvres. De surcroît, Sarkozy n’a jamais utilisé dans son discours politique le même langage que son prédécesseur quant à la nécessité d’entamer un dialogue entre le Maroc et l’Algérie pour mettre fin au conflit du Sahara. Pas plus qu’il n’utilisera l’expression "provinces marocaines du Sud" en parlant du Sahara. Il s’est tout simplement contenté d’invoquer le même langage utilisé dans la résolution 1754, dont le préambule dit que "le plan marocain constitue une base crédible et sérieuse pour les négociations de solution".

A l’heure de vérité, où la France aurait dû faire montre de sa sincérité à l’égard du Maroc, elle a manqué à son appel. En effet, l’administration américaine du président George W. Bush était déterminée, en mars 2008, à faire adopter un projet de résolution qui entérinerait le projet marocain d’autonomie et visait à en faire la base unique d’une solution politique négociée. La France s’est pourtant abstenue de soutenir clairement le plan marocain comme unique base de négociation. Selon l’ancien ambassadeur américain à Paris, Craig Stapleton, Nicolas Sarkozy, qui avait besoin de l’Algérie pour soutenir son initiative de lancement de l’Union pour la Méditerranée, était soumis à la pression du lobby algérien au sein de l’administration française.

Depuis, la France a continué à utiliser le même discours qui lui permet à la fois de satisfaire un Maroc qui avait besoin du soutien, quoique peu engagé et encore moins décisif, d’un des membres du Conseil sécurité, mais aussi une Algérie qui était consciente que la clé de toute percée diplomatique déterminante qui pourrait pencher la balance en faveur ou de l’une ou l’autre partie se trouvait à Washington et non pas à Paris.

Paris est désormais dos au mur

Entre-temps, il semble que l’élite politique, économique et médiatique française n’ait pris au sérieux ni le retour du Maroc en force en Afrique, ni son activisme diplomatique et économique dans d’autres régions du globe. C’est cette incapacité des Français à changer leur grille de lecture sur le Maroc qui les a empêchés de cerner et de jauger la portée des ambitions économiques et politiques de Rabat, le changement de mentalité de la nouvelle élite marocaine, mais aussi la détermination du Maroc d’en finir avec le différend du Sahara et d’exiger beaucoup de clarté là-dessus de la part de ses partenaires dits stratégiques.

A en juger par la réaction peu raisonnée de la France officielle et l’acharnement des médias français contre le Maroc depuis plus de deux ans, il semblerait que l’élite française ait été prise au dépourvu par la décision américaine de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara. La France est d’autant plus en colère contre le Maroc que celui-ci a non seulement manqué de l’informer de la décision américaine, mais qu’il a réussi, grâce à cette percée diplomatique, à la priver d’une carte diplomatique dont elle s’est prévalue pendant des décennies pour le maintenir dans son orbite et éviter toute concurrence américaine.

La France ne pourra plus jouer la carte de son soutien supposé au Maroc dans la question du Sahara pour obtenir du Royaume des privilèges économiques. Paris est donc désormais dans l’obligation de clarifier sa position. Soit elle est avec le Maroc, soit elle est avec l’Algérie. Le chamboulement géopolitique que le positionnement américain en faveur du Maroc entraînera dans les années et décennies à venir explique l’hostilité tous azimut de la France à l’encontre du Maroc - qu’il s’agisse de la question des restrictions des visas, de ses machinations au sein du Parlement européen ou de la diabolisation du Maroc dans les médias français.

Quoiqu’il en soit, cette longue période de froid dans les relations entre Rabat et Paris est un point d’inflexion qui marquera à tout jamais les relations entre les deux capitales. Il n’y a aucun doute que cet épisode de mésentente profonde arrivera un jour à sa fin. Les deux pays ont beaucoup d’intérêts économiques, politiques et sécuritaires en commun, sans oublier le volet humain - l’existence d’une importante diaspora marocaine en France et d’une non moins importante diaspora française au Maroc.

Il serait aussi illusoire de penser que la France perdra du jour au lendemain son poids dans l’économie marocaine. Comme elle a pris des décennies à asseoir sa mainmise sur cette économie et à consolider son influence culturelle et linguistique sur l’élite marocaine, le processus de défrancisation de l’économie et de l’élite marocaines prendra quelques décennies. Mais une chose est sûre : ce processus a été enclenché avant l’éclatement de la récente série de crises diplomatiques silencieuses entre Paris et Rabat, un fait que l’élite politico-économique et médiatique n’a pas vu venir.

En définitive, il serait bénéfique pour cette élite française et pour les intérêts de son pays de prendre note des changements d’époque et de paradigme que traversent les relations entre les deux pays, de les assimiler et les accepter. Les Marocains, quant à eux, sont bien déterminés à rappeler aux Français - autant que nécessaire - que l’époque où la France considérait le Maroc comme sa chasse-gardée est révolue, et que Paris ferait mieux de s’habituer à traiter le Royaume et son peuple avec l’égard et le respect qu’ils méritent.

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